L’Union sacrée de Nicolas Sarkozy
Malgré l’activisme du président français, le sommet euro-méditerranéen qui s’est tenu à Paris le 13 juillet, n’a pas obtenu les résultats escomptés. L’accolade échangée par le premier ministre israélien Olmert et le leader palestinien Abu Mazen a autorisé d’optimistes proclamations. On a solennellement déclaré que « la paix n’a jamais été aussi proche ». Mais la réalité est qu’au Moyen-Orient et en Méditerranée la paix n’a jamais été aussi lointaine, et que le sommet parisien ne semble pas avoir contribué à la rapprocher. Le cauchemar d’une attaque israélienne contre l’Iran semble se faire de plus en plus impérieux, comme le montrent les manœuvres militaires menaçantes, des deux côtés.
Le projet méditerranéen de Sarkozy était aussi ambitieux qu’improvisé, velléitaire et ambigu. C’était la prétention de lancer une « Union méditerranéenne » qui, bien que profitant du soutien économique de l’Europe entière, aurait du être limitée aux seuls pays riverains et être conduite par la France. Il s’agissait donc d’un projet inacceptable pour les pays moyen-européens et nord-européens, et tout autant inacceptables pour les pays arabo-musulmans, qui faisaient l’objet d’une opération néo-coloniale. Une fois de plus il s’est en fait agi d’une initiative européenne unilatérale, marquée d’une nette asymétrie entre les deux parties : d’un côté, une des plus grandes puissances du monde, l’Union Européenne, et de l’autre, les Etats arabes dans leur singularité, économiquement et politiquement très faibles, retenus sur la base de leur simple position géographique.
A bien y regarder, la tentative de Sarkozy de relancer le « processus de Barcelone », né en 1995, a hérité de cette importante initiative les aspects les moins heureux, et qui ont été la cause de sa crise. L’aspect le plus grave a été la prétention de réaliser l’unification politique de la Méditerranée sans se poser le problème du conflit israélo-palestinien. Une fois de plus, l’Europe a laissé le malheureux destin du peuple palestinien aux mains d’un dishonest broker, un « médiateur malhonnête », tel que les Etats-Unis d’Amérique.
Négliger le fait que ce conflit risque de s’aggraver jusqu’à prendre les dimensions d’une guerre mondiale est une preuve de myopie exceptionnelle. Mais dans le cas de Sarkozy il s‘est agi plus probablement d’une complicité directe avec les puissances occidentales favorables à la guerre. Il s’agit d’Etats prêts à se ranger dans tous les cas aux côtés d’Israël : il est évident que la quatrième puissance nucléaire du monde ne tolère pas qu’au Moyen-Orient d’autres pays disposent de centrales nucléaires fut-ce à de simples fins civiles.
Un deuxième thème – économique, celui-là- a été à peine effleuré par le sommet parisien. C’est un certain nombre de propositions pour lesquelles il n’existe aucun financement. Propositions peu originales, comme la construction d’autoroutes maritimes, la création d’une université méditerranéenne, le soutien à la petite et moyenne entreprise. Il s’agit là d’idées très éloignées de l’ambitieux projet de Barcelone qui entendait réaliser avant 2010 une « Zone de libre échange » (Zis) entre l’Union Européenne et les pays méditerranéens. On sait, du reste, que dans la période 1980-2005 la différence de revenus entre les pays méditerranéens et les pays de l’Union européenne a constamment augmenté, et que le Pil des pays arabes n’est resté stable que grâce aux apports des émigrés.
La Méditerranée est un patrimoine historique et politique précieux qui risque aujourd’hui d’être effacé. Une politique méditerranéenne réaliste devrait s’opposer à l’expansionnisme néo-impérial des Etats-Unis qui se proposent de couper tout rapport entre les deux rives de la Méditerranée, en subordonnant l’Europe à l’espace atlantique et en soumettant le monde arabo-musulman à une pression politique et militaire croissante. L’étiquette « Union méditerranéenne » risque autrement d’être utilisée comme un escamotage idéologico- politique pour dissimuler la lourde discrimination entre les deux rives. Et elle peut servir à ignorer les raisons du flux croissant de migrants irréguliers, qui tend à transformer les côtes européennes, et italiennes en particulier, en cimetière marin.
Edition de mercredi 16 juillet 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/oggi/art7.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio