La Belgique part en guerre sans gouvernement
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Le ministre de la Défense, Pieter De Cre
Nous, Belges, partageons avec l’Irak le triste record du nombre de jours en crise, sans gouvernement.
« Après 249 jours de crise en Irak en 2010, les sunnites, les chiites et les Kurdes se sont accordés sur le partage du pouvoir. Mais 40 jours supplémentaires ont été nécessaires pour former une coalition à Bagdad. » [1]
En Belgique, la crise est toujours en cours et si les sunnites, les chiites et les Kurdes d’Irak ont su trouvé un terrain d’entente après des années de guerre et d’embargo, les politiciens flamands et wallons, non, mais comme le précise Yves Leterme [2], premier ministre sortant, la vie du Belge moyen n’en est pas complètement transformée.
Finalement, il ne le sent pas trop, le Belge moyen, que son pays n’a pas de gouvernement.
Il ne sent pas trop non plus sa participation à la nouvelle boucherie organisée par l’Occident « libérateur ».
Le Palestinien ne l’intéresse pas, mais le Libyen oui. Enfin, quel Libyen ?
Pour nos journalistes en phase avec nos politiciens « humanitaires », toujours friands de ce genre de formule, je cite : « La Belgique » est « unanime pour intervenir en Lybie » [3].
Belgique unanime, moins moi.
C’est l’enthousiasme parlementaire pour aller faire la guerre en Lybie.
Bien entendu, chansonnette habituelle depuis quelques années, la motivation humanitaire, l’auto-persuasion de faire la guerre pour amener la paix, donne des ailes à nos gouvernants.
C’est une petite berceuse que nous nous chantons en Occident, au moins depuis 1991 (première guerre du Golfe), plus longtemps pour les Etats-uniens.
Nous y allons tous de bonnes et franches tapes dans nos dos qui sous le coup de cette formidable opportunité, nous fait nous redresser fièrement et oublier nos différences communautaires.
Nos journalistes, et nos politiciens ne sont pas honnêtes avec nous.
Que ce soit par ignorance (naïveté volontaire), incompétence ou duplicité, comme dans le dossier de la vaccination contre le H1N1 [4], nos gouvernants, et nos organes de la presse officielle, ne nous disent pas tout.
Par exemple, nous dit-on que,
« Dans les empennages des missiles Tomahawk se trouvent des barres d’uranium appauvri de 300 kilos. Si l’on pense qu’un projectile anti-char construit avec du métal d’uranium appauvri en contient environ 30 gr. seulement, on peut imaginer la quantité de poussières d’uranium qui se répand dans l’atmosphère dans les zones d’impact… Là-dessus le silence est total. » [5-6]
La pluie envoyée par l’Occident, dont notre petit pays s’est rendu complice avec enthousiasme, cette pluie sur la Lybie sera mortelle et sans pitié, pour tous les Libyens, pas seulement Kadhafi.
L’interventionniste Louis Michel, député européen, très enthousiaste lui aussi, ne nous parle pas de la pluie d’uranium appauvri qui attend nos amis Libyens.
Aucun parlementaire, et plus grave encore, aucun journaliste ne soulève ces questions qui certes, donneraient un coup fatal à notre bienveillance humanitaire.
L’Irak, l’Afghanistan et tous les endroits que nous avons voulu libérer à coups de missiles, de F-16, de plomb durci, d’uranium appauvri et de bombes à fragmentation, sont la preuve que nos actions n’amènent que plus de chaos, plus de détresse et plus de morts innocentes.
Plus de rage, de rancœur, et de haine vis-à-vis de notre interventionnisme que nous nous plaisons à voir comme de la bonté.
Et nous continuons.
Quel sera le coût pour la société belge de toutes ces opérations ?
A titre de comparaison, la guerre en Afghanistan coûte 1,3 million d’euros par jour au contribuable français [7].
Tout cela pour qu’en Afghanistan, Hamid Karzai, l’homme placé par les puissances occidentales pour remplacer les Talibans, soit considéré par la presse française comme pire que les Talibans [8-9], sauf pour les oléoducs et le trafic d’opium.
Tout cela, ces guerres, à un moment où nos gouvernants nous promettent des plans d’austérité comprenant le recul de l’âge de la retraite, le rognage des services publics et la réduction de nos salaires, sans compter la destruction de nos droits et libertés.
Où se trouvent, dans les journaux écrits et parlés, dans les débats télévisés et radiophoniques, des politiciens, des journalistes, des experts honnêtes et courageux pour nous informer de cet aspect des choses, comme cela devrait être le cas dans une démocratie réelle, si fière de l’être ?
Nous le savons tous, et pourtant nous nous laissons avoir à chaque fois.
La vérité n’est jamais si simple, les bons d’un côté, les méchants, les affreux de l’autre, cela n’existe pas, sinon dans les séries hollywoodiennes.
Parmi l’opposition à Kadhafi, est-on vraiment sûr qu’aucun extrémiste islamiste ne prendra le pouvoir, encouragé par le chaos généralisé créé par nos bombardements à l’uranium ?
Pour monsieur Louis Michel, éminent politicien belge actuellement à l’Europe,
« Cette révolte démocratique libyenne n’a rien à voir avec le fondamentalisme. » [10]
Selon d’autres sources,
Des 700 jihadistes, dont l’entrée en Irak a été « recensée » (par nationalité) entre 2006 et 2007, 19% venaient de Libye, en particulier de Derna (60%) et Bengazi (24%) qui revendiquent de nombreux « Afghans veterans » dans leurs rangs.
Derna est la première source de jihadistes en Irak, 52 contre 51 venant de Riad (mais la ville de Cyrénaïque a 80 mille habitants, et la capitale de l’Arabie saoudite en a 4 millions), suivies par La Mecque et par Bengazi. Même parmi les kamikazes recensés comme « martyrs », les Libyens sont les premiers, 85% contre 56 % pour les autres.
Même scénario décrit par Wikileaks : l’Est libyen comme terrain fertile pour le radicalisme islamique. Et Vincent Cannistraro, ancien chef de la cellule CIA en Libye, affirme que parmi les rebelles il y a beaucoup d’« extrémistes islamiques capables de créer des problèmes » et que les « probabilités [sont] élevées que les individus les plus dangereux puissent avoir une influence dans le cas où Kadhafi devrait tomber ». [11]
Nos parlementaires et nos journalistes devraient mieux s’informer ou être plus honnêtes et nous informer plus justement.
Beaucoup de civils Libyens mourront, du fait de notre « humanité » invasive et sélective.
Un grand nombre d’entre eux perdront leurs maisons, leurs villages.
Les femmes et les faibles n’y gagneront pas, contrairement à ce qu’on nous dit.
Human Right Watch l’a montré en Irak [12] et d’autres en Afghanistan.
Nous, belges, ne devrions ressentir aucune fierté à participer à de telles opérations dévastatrices aux conséquences terribles pour ceux-là même que nous croyons aider, opérations maquillées en geste humanitaire afin de pouvoir continuer à nous sentir bien.
Demandons des comptes à notre gouvernement.
Mais j’oubliais, nous n’en avons pas.
[1] Crise : la Belgique bat le record irakien
[2] « On n’est pas si mal sans gouvernement »,
[3] La Belgique unanime pour intervenir en Libye
[4] H1N1 : voici le contrat entre GSK et le gouvernement belge
[5] Pluie de missiles Tomahawk en Libye, Kadhafi menace
[6] Des bombes à l’uranium appauvri pleuvent sur la population libyenne
Pluie de missiles Tomahawk en Libye
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23885
[7] Le coût de la guerre en Afghanistan : 1,3 million d’euros par jour pour les contribuables français
http://www.politique.net/2010100401-cout-de-la-guerre-en-afghanistan.htm
[8] Femmes afghanes: Karzai pire que les talibans ?
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/femmes-afghanes-karzai-pire-que-les-taliban_751556.html
[9] Afghanistan : Pillay dénonce une loi restreignant les droits des femmes
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=18841&Cr=Afghanistan&Cr1=femmes
[10] Louis Michel : » Il aurait fallu intervenir plus vite en Libye «
[11] Et si les gentils n’étaient pas si gentils ? Par Maurizio Matteuzzi
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23924
[12] La guerre en Irak : tout sauf une intervention humanitaire,
http://www.hrw.org/fr/news/2004/01/25/la-guerre-en-irak-tout-sauf-une-intervention-humanitaire