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La catastrophe déclenchée par l’impérialisme américain au Moyen-Orient
Par Bill Van Auken
Mondialisation.ca, 16 janvier 2014
wsws.org
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En décembre 2011, après avoir été forcé à retirer les dernières troupes de combat américaines d’Irak après l’échec de sa tentative d’obtenir un accord avec Bagdad sur le statut de ces forces, le président Barack Obama a promis à plusieurs reprises que « la vague de guerres se retir[ait]. »

À peine plus de deux ans plus tard, toute la région s’engouffre dans la violence à cause de la politique poursuivie par l’impérialisme américain et la possibilité d’une guerre s’étendant à toute la région devient un risque sérieux.

Le gouvernement Obama est actuellement en négociation avec la Russie sur un accord politique possible en Syrie, et avec l’Iran sur un rapprochement sur la base d’un accord relatif à son programme nucléaire et au moins une levée partielle des sanctions économiques.

Ces deux séries de négociations ont été initiées en septembre dernier, après que Washington ait renoncé au dernier moment à une intervention directe en Syrie à laquelle la population américaine, comme celle du monde entier, étaient opposée dans sa grande majorité. Loin d’un tournant vers la paix et la diplomatie, cependant, le passage du bombardement de la Syrie aux négociations a émergé dans le cadre du « pivot vers l’Asie » poursuivi par l’impérialisme américain et s’appuyant sur la vision stratégique qu’en calmant la confrontation avec l’Iran, on créerait des conditions plus favorables pour poursuivre le conflit avec le principal rival mondial de l’impérialisme américain, la Chine.

Pourtant, Washington ne parvient pas vraiment à exécuter correctement ce changement d’axe. Il a de plus en plus de mal à s’extirper de la catastrophe qu’il a lui-même créé au Moyen-Orient.

La guerre soutenue par les États-Unis pour un changement de régime en Syrie, qui a coûté la vie à 130 000 personnes et en a contraint 9 millions à fuir leur foyer, déborde de plus en plus des frontières syriennes, vers le Liban, où les assassinats, les attentats-suicide et les confrontations armées sont devenues quotidiens, et en Irak, qui a été le théâtre d’une confrontation armée entre l’armée irakienne et les milices locales dans les villes de Fallouja et de Ramadi à l’Ouest du pays.

La responsabilité principale – politique et morale – de tout ce sang versé est celle de l’impérialisme américain. Il a commis des crimes de guerre dont les dimensions peuvent être comparées à celles des crimes du Troisième Reich durant la seconde guerre mondiale. Le lancement d’une guerre d’agression – la principale accusation soulevée contre les criminels de guerre nazis au procès de Nuremberg – est aussi le principal crime du gouvernement américain, dont découlent toutes les autres horreurs.

La guerre d’Irak, promue sur la base de mensonges sur des armes de destruction massives inexistantes, était un acte d’agression impérialiste prémédité et prédateur. Il visait à affirmer l’hégémonie américaine dans une région stratégiquement vitale et riche en pétrole et à donner à toute la planète une démonstration de toute la puissance du militarisme américain.

Au passage, l’armée américaine n’est pas seulement parvenue à détruire une société fragile, déjà ravagée et dévastée par les sanctions, mais également à saper tout le système des états de la région.

Washington est responsable non seulement du taux de mortalité massif en près de neuf ans de guerre en Irak – évalué par une récente étude américano-canadienne à plus de 500 000 – mais également pour les millions de morts en plus qui pourraient se produire compte tenu de la poursuite de cette destruction du Moyen-Orient. Le coût en vies d’une nouvelle partition de la région serait probablement bien pire que la partition de l’Inde il y a 65 ans.

En Irak, ces risques se voient clairement. Les derniers combats ont été déclenchés par la répression sectaire lancée par le gouvernement majoritairement Chiite du Premier ministre Nouri al-Maliki contre la population majoritairement sunnite de la province d’Anbar. L’arrestation violente d’un politicien sunnite important et la répression sanglante contre un campement de protestation en place depuis un an à Ramadi a abouti au début de l’année à la prise de contrôle de Fallouja et Ramadi par les milices sunnites. Les confrontations armées entre les milices et l’armée irakienne se poursuivent.

Parmi les combattants, il y a l’EIIL (État islamique d’Irak et du Levant) lié à Al Qaïda, qui a a été l’un des principaux éléments de la guerre par procuration de l’Occident pour faire tomber le gouvernement du président Bashar el-Assad de l’autre côté de la frontières, en Syrie.

Ce conflit sectaire ne relève pas, quoi qu’en disent les médias, d’une querelle de longue date entre sunnites et chiites. Il a été déclenché et alimenté par l’intervention américaine, qui cherchait à exploiter les questions sectaires dans le cadre d’une stratégie consistant à diviser pour mieux régner. Cette politique criminelle a trouvé son expression dans les opérations de nettoyage ethnique menées sous le couvert de l’afflux massif de renforts (surge) de 2007-2008. Le gouvernement Maliki a été mis en place sous l’occupation américaine, pendant que l’armée irakienne était transformée, passant d’une armée de conscrits qui trouvait ses effectifs dans toutes les sections de la société à une force armée s’appuyant sur les milices sectaires des différents partis chiites.

Quant à Al Qaïda, il n’existait pas en Irak avant l’invasion américaine. Maintenant il a été grandement renforcé par la guerre en Syrie soutenue par les Américains et l’afflux d’argent et d’armes envoyé aux soi-disant « rebelles » par Washington et ses alliés dans la région.

Alors même que le conflit entre le gouvernement chiite et les sunnites se développe dans la province d’Anbar, une nouvelle confrontation potentiellement plus meurtrière encore se prépare entre le Gouvernement régional kurde (KRG) au Nord de l’Irak qui bénéficie d’une autonomie partielle, et le régime de Baghdad au sujet des ventes unilatérales de pétrole du KRG, qui seront livrées à l’étranger par l’oléoduc trans-Turquie. Cette décision, dénoncée par le gouvernement Maliki qui la considère comme illégale, est considérée comme un pas de plus vers l’indépendance du KRG, une partition qui impliquerait certainement une âpre lutte pour la ville pétrolière de Kirkouk.

La réaction de Washington à l’emballement de cette crise est de jeter de l’huile sur le feu avec un cynisme à couper le souffle. Presque en même temps, le gouvernement Obama a annoncé qu’il envoyait des cargaisons de missiles Hellfire et d’autres armes au régime Maliki – censément pour exterminer les éléments liés à Al Qaïda en Irak – et sa décision de reprendre l’aide directe aux « rebelles » en Syrie, y compris ce qu’on promeut comme une faction plus « modérée » d’Al Qaïda. Cette seconde décision fait suite à une série de batailles entre ces factions et l’EIIL.

Le caractère cynique et criminel de la politique américaine a été résumé dans un éditorial du New York Times lundi qui reconnaît qu’il y a : « un risque que l’aide américaine se retourne contre nous comme c’est arrivé dans les années 1980, quand le soutien aux moudjahiddines qui se battaient contre l’Union soviétique a contribué à créer le terreau fertile des mouvements terroristes des années plus tard », puis ajoute « Mais le risque peut en valoir le coût. »

À l’approche du 100e anniversaire de la première Guerre mondiale, il devient de plus en plus clair que le système étatique fondé sur la division de la région par les vieilles puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne, dans l’accord Sykes-Picot de 1916, est éclaté par les nouvelles interventions impérialistes et par l’impact de la crise capitaliste mondiale sur les nations opprimées du monde Arabe.

Cette évolution menace d’engloutir toute la région dans un bain de sang sectaire et de servir de déclencheur à une nouvelle conflagration mondiale.

Bill Van Auken

Article original, WSWS, paru le 14 janvier 2014

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