La chute des marchés boursiers se poursuit à une vitesse record
La chute des marchés boursiers mondiaux s’est poursuivie hier [28 février], mettant fin à la pire semaine depuis la crise financière de 2008.
À Wall Street, le Dow a chuté de plus de 600 points à l’ouverture et a continué à baisser de plus de 1000 points. Après une journée de fluctuations, il a terminé la journée en baisse de 357 points, soit 1,38%, après une hausse dans les 20 dernières minutes de transactions.
On peut mesurer la vitesse de la chute par le fait que lorsque les indices de Wall Street ont atteint un record historique mercredi dernier, le Dow Jones était à portée de 30 000. Hier, il est parfois descendu en dessous de 25 000.
Comme l’a commenté un gestionnaire de fonds d’investissement quelque peu abasourdi, cité par le Wall Street Journal: «C’est très rapide, très profond et, à certains égards, incroyable.»
Jim Paulsen, stratège en chef des investissements du groupe Leuthold, a déclaré à la chaîne d’affaires CNBC qu’il y avait eu une «panique totale», lui rappelant la chute dramatique d’octobre 1987.
L’indice VIX, qui mesure la volatilité et est considéré comme la «jauge de la peur» de Wall Street, a atteint plus de 47 vendredi, l’un de ses plus hauts niveaux depuis la crise financière mondiale.
Une autre indication de la crise croissante et de ses effets sur l’économie réelle est la baisse continue du rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans. Vendredi, il a atteint un nouveau record historique de 1,157%, les investisseurs cherchant un refuge.
La chute de vendredi a été atténuée pendant une courte période suite à une déclaration du président de la Réserve fédérale Jerome Powell indiquant qu’il est prêt à intervenir avec une nouvelle baisse des taux d’intérêt. Mais cela a été de courte durée et le glissement a repris.
Dans sa déclaration, la Fed a dit que si les paramètres fondamentaux de l’économie américaine «restent solides», le coronavirus pose «des risques évolutifs» et que la Fed «suit de près» les développements et «utilisera nos outils et agira comme il convient pour soutenir l’économie.»
La banque centrale est presque certaine de réduire les taux d’intérêt, peut-être même avant sa réunion prévue en mars, d’au moins 0,25 et peut-être 0,50 point de pourcentage. Mais à part le fait qu’elle pourrait donner une impulsion à court terme au marché boursier, toute baisse des taux n’aura que peu ou pas d’effet.
En effet, les dangers que représente le coronavirus pour l’économie sont liés non pas à un manque de demande, mais à un arrêt de la production.
L’ancien économiste en chef du Fonds monétaire international Olivier Blanchard a déclaré qu’une réduction de 25 points de base de la part de la Fed ne ferait pas une grande différence, car la propagation du coronavirus représentait un «choc de l’offre», retirant des travailleurs de la production.
«Les réductions de taux seraient symboliques, mais pas utiles», a-t-il déclaré.
Le vice-gouverneur de la Banque d’Angleterre, Sir Jon Cunliff, a déclaré aux économistes lors d’un forum à Londres que si le coronavirus s’avérait être «un pur choc de l’offre, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire à ce sujet.»
La nouvelle chute de vendredi à Wall Street a fait suite à une liquidation sur les marchés asiatiques et européens, qui ont tous baissé d’au moins 10% au cours de la semaine dernière. L’indice Stoxx Europe 600 a baissé de 3,5% vendredi, tandis que les marchés japonais, sud-coréen et australien ont tous clôturé en baisse de plus de 3%.
Chaque tempête financière a ses propres particularités, mais celle-ci présente des caractéristiques indiquant que les mécanismes à long terme qui ont soutenu le marché boursier commencent peut-être à s’effondrer. Au cours des trois dernières décennies et plus, depuis le krach boursier de 1987, la Réserve fédérale américaine a joué le rôle de soutien du marché en cas de baisse importante.
Elle a alimenté une vaste inflation de la valeur des actifs, permettant au marché boursier de servir de mécanisme principal pour l’acheminement des richesses de la classe ouvrière vers l’élite financière.
Compte tenu de ce bilan et de la conviction que la Fed viendrait une fois de plus à la rescousse, ainsi que de l’idée que la crise du coronavirus et ses effets économiques pourraient se limiter en grande partie à la Chine et seraient de relativement courte durée, les marchés boursiers mondiaux ont bondi dès le début de l’année.
Il y a dix jours, alors même qu’il devenait évident que le virus et ses effets économiques se propageaient, Wall Street a atteint un niveau record.
Depuis lors, l’indice S&P 500 a chuté de 12%, son déclin le plus rapide de l’histoire, passant d’un record à un territoire dit «de correction», quelque 3,4 billions de dollars ayant été effacés de la valeur des actions.
Les marchés accueilleront sans doute favorablement une baisse des taux d’intérêt et l’injection de liquidités supplémentaires par le biais d’un assouplissement quantitatif si la Fed décide de s’engager dans cette voie. Mais les effets seront limités, car les mesures monétaires ne peuvent rien faire pour garantir la reprise de la production et la restauration des chaînes d’approvisionnement mondiales perturbées par la propagation du coronavirus.
Par ailleurs, les mesures mêmes prises par la Fed et d’autres banques centrales depuis la crise de 2008, tout en assurant la montée des marchés financiers, ont créé les conditions d’un autre désastre, lié à l’augmentation de la dette, et notamment de la dette des entreprises.
La fourniture de liquidité ultra bon marché aux marchés financiers, à la fois par le biais de réductions des taux d’intérêt et d’un assouplissement quantitatif, a fait que l’écrasante majorité des obligations d’entreprises sont soit en dessous du statut de titres de qualité, appelé obligations de pacotille (junk bonds), soit notées BBB, juste un cran au-dessus du statut de pacotille.
Cela signifie qu’une récession, ou même un ralentissement important pourrait déclencher une crise financière plus grave que celle d’il y a dix ans. D’ores et déjà, certains signes annoncent que la croissance des bénéfices aux États-Unis sera nulle cette année et que la croissance mondiale tombera à des niveaux jamais atteints depuis 2009.
Bien qu’il ne soit pas possible de prédire le résultat exact de cet événement dit «cygne noir» – un choc économique totalement imprévu – une chose est sûre: si les effets économiques et financiers de l’épidémie de coronavirus continuent à s’aggraver, la réaction des autorités étatiques et financières, qui fonctionnent aux États-Unis et dans le monde entier comme des comités exécutifs pour la protection de l’oligarchie financière, sera la même.
Ils intensifieront les attaques contre les conditions sociales de la classe ouvrière en détruisant encore plus d’emplois, en diminuant les salaires et en continuant à ravager les services sociaux. Il ne s’agit pas d’une simple prédiction. Cette conclusion se dégage du bilan historique, surtout depuis la crise financière de 2008, dont l’une des conséquences est l’incapacité des services de santé de chaque pays à faire face à une pandémie de coronavirus en raison de coupes budgétaires sans fin.
Nick Beams
Article paru en anglais, WSWS, le 29 février 2020