La condition humaine en question. Devons-nous avoir peur de la science?

«Essayer d’expliquer le début de l’apparition de la vie par le hasard, c’est admettre que lors de l’explosion d’une imprimerie, il ait pu se former un dictionnaire tout seul.»
Edwin Couklyn, biologiste
En ce mois de Ramadan les musulmans sont appelés à une introspection sur le sens premier de ce pilier de l’islam. Au-delà du rituel suivi avec plus ou moins de conviction, l’on constate que la foi est vécue pour beaucoup dans le regard des autres, dans le paraître. La religion est instrumentalisée quelque soit la religion pour l’hégémonie et non pour l’apaisement voire, un œcuménisme pour se pencher d’une façon apaisée sur le cheminement de l’humanité et ses perspectives prévisibles –à ce rythme d’anomie- vers son extinction, à savoir la sixième extinction que beaucoup de scientifiques n’arrêtent pas de nous annoncer.
De ce fait, il n’y a pas de mon point de vue de débat concernant la condition humaine et ceci quelles que soient les espérances des hommes. L’anomie actuelle fait que le monde court à sa perte, du fait de la perte de repères d’une course vers l’abîme qui peut se décliner de différentes façons: luttes pour des leaderships mortifères, convulsions climatiques exacerbées par l’ébriété énergétique.
Cependant, une révolution apparemment douce , mais inexorable est en train de se réaliser à bas bruit. Elle risque de problématiser la condition humaine en la banalisant, en la liquéfiant dans un continuum où l’homme n’est plus le résultat d’un miracle, voire d’un dessein de la création, mais celui d’une loterie qui a fait qu’un jour nous avons touché le gros lot du fait que les dés ont roulé du bon côté. Einstein disait que Dieu ne joue pas aux dés.
Ce tsunami invisible a un nom: le trans-humanisme, un mot nouveau qui fait peur: Le trans-humanisme se base sur le fait que l’homme est en amélioration constante et la science est là pour le conforter quitte à enfreindre les limites éthiques. Dans la Déclaration des trans-humanistes nous lisons: «L’avenir de l’humanité va être radicalement transformé par la technologie. Nous envisageons la possibilité que l’être humain puisse subir des modifications telles que son rajeunissement, l’accroissement de son intelligence par des moyens biologiques ou artificiels, la capacité de moduler son propre état psychologique, l’abolition de la souffrance et l’exploration de l’univers.
Les dernières prouesses d’une science sans garde-fous
Nous allons dans ce qui suit donner quelques exemples d’avancées scientifiques majeures sans garde-fous car elles touchent à l’intimité de la condition humaine. A l’heure actuelle, la biotechnologie utilise le système Crispr-Cas9 pour la modification de gènes. Cependant, selon Jennifer Doudna codécrouvreuse avec Emmanuelle Charpentier du système Crispr-Cas9:
«Il est trop tôt pour éditer génétiquement des humains». Pour elle les capacités inédites du couper-copier-coller génétique offertes par Crispr-Cas9 ont soulevé nombre de questions éthiques, quant à son utilisation pour modifier le patrimoine génétique de la lignée humaine. La possibilité de modifier l’ADN des cellules stimule l’imagination de beaucoup de gens. (…) La question éthique est de savoir qui veut appliquer ces techniques, qui y a accès, qui décide de les employer. une troisième crainte est que certains fassent la course, pour commercialiser cette technologie, promettre à des parents un bébé avec telle ou telle caractéristique alors que nous n’ avons pas les moyens de le faire. Si le premier bébé Crispr devait être conçu parce que ses parents rêvaient qu’il ait les yeux, bleus, ce serait une catastrophe.» (1)
Dans le même ordre, d’un manque de vigilance de l’éthique , en Chine, pays où les rapports à l’éthique sont différents, les applications potentiellement dangereuses pour la condition humaine telle que nous la connaissons, ne sont pas encadrées. Ainsi, on apprend l’installation ambitieuse et futuriste d’une «usine» qui espère produire en masse un million de vaches tous les 12 mois d’ici 2020. Non seulement elle va cloner du bétail, mais l’usine, va également répondre à des besoins plus spécifiques, par manipulations génétiques, des chiens policiers et des chevaux de course pur-sang. Pour Xu Xiaochun, P-DG de Boyalife, la société qui met en oeuvre le projet,
«la viande et le lait de vache, de porc, et les clones de chèvre et la descendance de tous les animaux clonés sont aussi sûrs que les aliments que nous mangeons tous les jours. (…) actuellement, la seule façon d’avoir un enfant est d’avoir une moitié par la mère, une moitié par le père. Peut-être que dans le futur, vous aurez trois choix au lieu d’un. Soit vous avez cinquante-cinquante, soit vous avez un choix d’avoir 100 pour cent des gènes du père ou 100 pour cent des gènes de la mère. Ce n’est qu’une question de choix.» (2)
Dans le même ordre, des chercheurs de Harvard annoncent publiquement le 2 juin 2016 dans la revue Science leur volonté de créer un génome humain synthétique. Un projet controversé en raison des nombreuses interrogations éthiques qu’il suscite. La description de ce projet baptisé Human Genome Project-Write ou HGP-write est publiée dans la revue Science (…) «Les applications potentielles des résultats de HGP-write sont notamment la possibilité de créer des organes humains pour des transplantations et de produire des lignées de cellules résistantes à tous les virus et cancers», écrivent ces chercheurs. Le génome humain synthétique pourrait permettre de créer des embryons sans biologiques. (3)
Pour Arnold Munnich pédiatre-généticien de l’hôpital Necker à Paris:
«Nous ne sommes pas réductibles à une molécule d’ADN.» Ce qui m’inquiète, c’est le glissement sémantique qui s’est opéré, et qui conduit à accréditer l’idée que, comme le gène est la cause de la maladie, alors il suffit de le remplacer et tout ira bien. La génétique n’est pas la solution…(…) Le gène explique le fonctionnement du vivant, mais ne dit pas la suite. Notre avenir n’est pas codé dans nos gènes, notre futur n’y est pas inscrit. Nous sommes évidemment programmés, mais pour autant nous sommes libres, et cette liberté n’est pas dictée par la séquence primaire de nos gènes. (…) Aux Etats-Unis déjà, il y a des entreprises qui proposent une lecture de votre génome.» (4)
Ainsi, par exemple, on annonce que la science s’attaque, frontalement, au bastion le plus profond, le plus secret, le plus intime, le plus mystérieux de l’humanité. Le décryptage du génome humain proche à 98% de celui du chimpanzé ouvre des horizons éthiquement contestables. Le professeur Patrick Gaudray a bien raison d’être inquiet. Pour la première fois, dans l’histoire, en effet, des scientifiques ont modifié les gènes d’embryons humains. En effet, des rumeurs soulevées dans un article de la MIT Technology Review intitulé «L’ingénierie du bébé parfait», soupçonnaient, déjà, que des scientifiques chinois travaillaient sur l’utilisation de cette technologie ». (5)
La science et moi: qui suis-je vraiment?
C’est par ces mots que Miriam Gablier s’interroge sur son rapport à la science. Elle écrit: «Certaines données scientifiques nous questionnent sur notre identité. Car face à certains chiffres, nous sommes en droit de nous demander: mais qui sommes-nous vraiment? La science nous dit que nous sommes faits en moyenne à 70% d’eau. «Mais si l’on compte les objets, c’est-à-dire le nombre de molécules présentes dans une cellule, celle-ci est alors faite à 99% d’eau. Il faut compter jusqu’à 100 pour trouver un objet qui ne soit pas de l’eau dans une cellule», nous dit le Pr Marc Henry, chercheur en chimie et spécialiste de l’eau. 99% des molécules qui composent nos cellules sont des molécules d’eau, de plus il y a, non pas deux fois, mais 10 fois plus de bactéries dans notre corps que de nos propres cellules humaines. 10 puissance 15 bactéries contre 10 puissance 14 cellules. «C’est-à-dire que (plus de) la moitié de moi-même, ce n’est déjà pas moi-même en quelque sorte», explique Jeremy Narby, un anthropologue. Que font-elles là, toutes ces bactéries? Sont-elles en train de nous parasiter? Pas du tout. «Nous avons besoin de ces bactéries pour préserver le bon fonctionnement de notre écologie interne. explique Dorion Sagan, fils et collaborateur de Lynn Margulis, une biologiste spécialiste des bactéries.» (6)
Qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains?
«Comme l’explique l’article « la coopération du vivant, il y a de cela des milliards d’années, des bactéries ont accepté de s’emboîter pour être plus efficaces ensemble, ce qui a donné naissance à l’ancêtre de la cellule humaine. (…) Nous sommes composés des mêmes éléments chimiques et des mêmes bactéries qui composent la nature. (…) Nous partageons la très grande majorité de notre génome avec nos cousins les primates. Alors qu’est-ce qui explique nos caractéristiques? Il est indiscutable qu’à grande échelle nous avons nos spécificités. La réponse ne se trouverait pas dans les composants de notre corps, «mais dans la manière dont ils s’organisent. (…) «Comme l’explique le biologiste Ludwig Van Bertalanffy, l’évolution crée à chaque étape une nouvelle stabilité dynamique d’une complexité supérieure. Une nouvelle conscience émerge, qui unifie les informations échangées entre les composants»», poursuit Erwin Laszlo. Nous sommes une sorte de table périodique des éléments organisée en une splendide mosaïque en 3 – et peut-être plus – dimensions qui donne la vie à la conscience humaine.» (6)
«Ce sont le même air, la même eau, les mêmes nutriments, les mêmes particules de lumière, qui sont à l’intérieur et à l’extérieur de nous et des autres êtres vivants. Nous sommes alors faits d’une danse de poussière d’étoiles car les atomes qui font notre corps sont vieux comme le monde et ils continuent de circuler(…) «Nous sommes un système vivant ouvert, qui échange continuellement de la matière, de l’énergie et de l’information avec l’environnement. Le monde n’est pas en dehors de nous et nous ne sommes pas en dehors du monde», explique Erwin Laszlo.. (…) Notre conscience humaine, précieuse, nécessaire à notre cohérence, ne serait qu’un bout d’une vaste conscience à laquelle nous aurions aussi potentiellement accès via notre matière et nos sens.» (6)
La conscience de nous-mêmes disparaîtra-t-elle avec la robotisation des fonctions vitales de l’organisme?
Justement, cette conscience que nous avons de nous même est-elle un patrimoine unique par rapport aux autres créations ou une simple avance que l’on peut améliorer pour produire une nouvelle espèce: un homme réparé, un homme augmenté, un homme qui deviendrait à terme, une chimère: mi-homme, mi-robot.
«La Science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d’être des hommes», disait Jean Rostand (biologiste). De nos jours, il est d’usage de dire et d’écrire que la science, à terme, a vocation pour tout expliquer et que rien n’arrête le progrès catalysé justement par une science conquérante dont on dit qu’elle s’oppose à la religion en ce sens que les miracles sortent, de plus en plus, des laboratoires, poussant, ainsi, les religions dans leurs derniers retranchements, surtout quand elles font preuve de «concordisme».
S’il est vrai, par exemple, que la science nous a délivré des superstitions, qu’elle a permis à l’homme de bien- vivre, de reculer les limites de son destin, il n’en demeure pas moins, que la science, inexorablement, s’attaque d’une façon frontale à l’homme en ce qu’il a de sacré: sa nature, car les prouesses de la science problématisent les chasses gardées des récits religieux pris dans leur sens littéral. Quand un savant redonne la vue ou permet à un tétraplégique de marcher, est-il en concurrence avec la fameuse phrase du Christ: «Lazare, lève-toi et marche!» La maladie, «la vieillesse et la mort ne sont plus une fatalité» Les technologies peuvent nous aider à endiguer ou retarder ces «maux», de rester en bonne santé tout en augmentant nos capacités intellectuelles, physiques et émotionnelles.
Conclusion
La boîte de Pandore du prométhéisme est, de notre point de vue, ouverte, il semble, malgré des protestations molles, çà et là. L’orgueil humain fait qu’il veut, lui-même, créer la vie! En acceptant psychologiquement, d’abandonner une partie de nous-mêmes, de ce qui fait notre condition d’Homme, au profit d’une Nature, graduellement, hybride pourvu que l’on survive, voire que l’on rajeunisse, avec une promesse l’immortalité dans trente ans. Ces soi-disant «miracles» pour l’immense majorité, sont en fait, le reflet de notre ignorance et de notre naïveté en face de ceux qui font de la religion mal comprise, un instrument de domination des âmes.
Curieusement, peu de chercheurs se sont pas interrogés sur cette mélodie secrète qui fait qu’avec une complexité extraordinaire, la machine humaine fonctionne et que quelque part un «horloger transcendant» règle tout cela à partir de la création des mondes qui ne peut être le fruit du hasard.
On dit que les 20 constantes qui régissent la création de l’univers sont précises à des dizaines de décimales après la virgule. Si l’une des constantes n’avait pas la précision voulue par exemple celle qui « règle » la distance Terre Soleil soit que la Terre soit très proche et aucune vie ne pourrait apparaître a des températures aussi élevées, soit que la Terre est trop loin du soleil et là encore il ne pourrait pas apparition de la vie à des températures aussi basses.
La Terre est à une distance d’équilibre qui tient du « miracle » au sens religieux du terme et du mystère non résolu qui exclut le hasard au sens scientifique du terme. C’est d’ailleurs Einstein qui disait : « Dieu ne joue pas aux dés » quand le grand physicien Schrödinger est venu lui parler de probabilité d’occurrence d’événements aléatoires dans le « bon sens » c’est à dire celui a permit l’éclosion de la Vie. Et encore on n’avait pas encore le Boson de Higgs qui donne une masse aux photons pour les alourdir et créer les premiers noyaux.
La question qui se pose alors est : » Qui a donné l’ordre au boson d Higgs » d’alourdir les particules lumineuses pour que graduellement on passe de photons aux premiers atomes de plus en plus lourds en passant par l’oxygène, l’azote, le carbone et l’hydrogène constituants ds briques que nus connaissons l’ADN et l’ARN
Trinh Xuan Thuan, un astrophysicien de l’université de Virginie dont l’expérience scientifique se conjugue avec la philosophie bouddhiste, s’inscrit en faux. Il met en avant le «principe anthropique» selon lequel la vie n’est pas apparue «par hasard» mais faisait partie dès le départ du «projet» de l’univers qui tend à organiser la matière vers la complexité et donc l’apparition de la vie et de la conscience. Car comme le dit Trinh Xuan Thuan, «l’univers a été réglé très précisément pour l’émergence de la vie et de la conscience. Le réglage initial est d’une virtuosité époustouflante: on pourrait le comparer à l’habileté d’un archer qui réussirait à planter sa flèche au milieu d’une cible carrée de 1 centimètre de côté, éloignée de 15 milliards d’années-lumière.»
Allant plus loin Le physicien Michio Kaku l’un des créateurs et développeurs de la théorie révolutionnaire des cordes annonce début juin 2016 qu’il a trouvé des preuves de l’action d’une force «qui gouverne tout.» Il affirme avoir développé une théorie qui pourrait pointer vers l’existence de Dieu. «Je conclus que nous sommes dans un monde fait par des règles créées par une intelligence», a-t-il affirmé. «Pour moi, il est clair que nous existons dans un plan qui est régi par des règles qui ont été créées, formées par une intelligence universelle et non pas par hasard.» (7)
Enfin, pour Stephen Hawking c’est la science elle-même et non la théologie qui pose la question de l’existence d’un créateur. L’accordeur transcendant qui remplacerait le hasard. Pour les musulmans, le monde n’a pas été créé par hasard. «Je n’ai pas créé le ciel et la terre et tout ce qu’il y avait entre ces deux éléments sans aucun but. C’est l’opinion que tiennent les mécréants. «(Coran: Sourate Sad: 27). Pour Francis Crick, prix Nobel de biologie «l’origine de la vie paraît tenir actuellement du miracle, tant il y a de conditions à réunir pour la mettre en oeuvre.»
Peut être que le secret du bonheur serait dans une science responsable «al ‘ilm anafa’e», «le savoir utile» comme le prône le Coran, qui fait sien les découvertes merveilleuses de la science, mais qui s’auto-limite pour garder, plus que jamais à l’homme, sa singularité d’Homme, en tournant le dos à cette ivresse de puissance factice cet hubris humain que nous promet une science sans éthique. Car tout être humain ne peut vivre sans un principe porteur de sens c’est-à-dire sans transcendance.
Si nous ne voulons pas disparaitre du fait de notre égocentrisme, car il faut bien comprendre que l’univers continuera à fonctionner sans l’homme, nous devons nous interroger sur cette transcendance qui nous interpelle cet éternel horloger de Voltaire qui fait que malgré l’immense complexité, de la création de l’Univers, malgré le miracle de la création de la terre et de la vie sur terre, l’avènement de l’homme lui-même est un autre miracle qui nous interpelle. Il ne peut pas et les hommes de science le disent, y avoir de hasard ! il ya quelque choses ! Qu’est cela pourrait être ? Chacun de nous dans son cheminement de la vie à la mort est sujet à ce type de réflexion , Justement quel crédit accorder à l’annonce des transhumanistes à l’instar de R. Kurzell le gourou de Google qui nous promettent l’immortalité en 2045 ? la question reste posée.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
3.AFP: Des chercheurs veulent créer un génome humain synthétique 06/06/2016
5.http://www.toolito.com/news/scientifiques-chinois-embryon-humain-genetiquement-modifie/
6.http://www.pressenza.com/fr/2016/06/science-moi-suis-vraiment/
7. http://ageac.org/en/multimedia/scientist-says-he-found-definitive-proof-that-god-exists-2/
Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/244732-devons-nous-avoir-peur-de-la-science.html