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La conscience arabe finira-t-elle par tracer et suivre « la voie du salut » ?
Par Bouthaïna Shaaban
Mondialisation.ca, 12 juillet 2017
alwatan.sy
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Alors que les drapeaux battent au vent à l’unisson des cœurs heureux suite à la délivrance de Mossoul de ses profanateurs, on reste désemparé, sans voix et infiniment triste devant l’énormité des destructions commises par Daech et les avions américains, dans l’une des villes les plus anciennes et les plus riches par son histoire, sa civilisation et son architecture unique.

Une question taraude l’esprit : quelle est donc cette force invisible qui cherche visiblement et méthodiquement la destruction des monuments historiques arabes, des usines, des musées, des universités, des bibliothèques, des écoles, des centres de recherche, des ponts, des lieux de culte, des infrastructures étatiques, et de tout ce qui pourrait encore témoigner d’une civilisation authentique en Libye, au Yémen, en Syrie et en Irak ?

Quelles sont ces forces qui cherchent à anéantir les vestiges de la reine Zénobie, le Palais de Haroun al-Rachid et le Palais des Filles près de Raqqa lequel est probablement le premier hôpital pour femmes de l’Histoire, le Théâtre de Bosra en Syrie, le Minaret al-Hadba à Mossoul, les vestiges de Babylone, Nimrud et Ninive, la plus ancienne synagogue du monde à Jobar, les vieux souks merveilleux d’Alep, de Mossoul et du Yémen, le minaret de la mosquée des Omeyyades à Alep et ses bibliothèques, le musée des mosaïques unique au monde à Maarat al-Nou’man… ?

La liste est longue… longue… et continue de s’allonger avant même que nous n’entreprenions de répertorier celle des sites historiques détruits au Yémen.

Est-ce pure coïncidence que cette besogne destructrice ait été menée par les forces obscures terroristes, intitulées Daech, ou par les forces aériennes de la coalition américaine avec les régimes de la traîtrise wahhabite, lesquels l’ont gratifiée de milliards de dollars et se sont chargés de mener à bien ses plans infernaux contre les Arabes ?

Certainement pas ! Il ne s’agit pas d’une coïncidence, mais d’un plan rigoureux dont la priorité est justement la destruction de l’ensemble des infrastructures économiques et industrielles, des centrales électriques, des monuments historiques, ainsi que l’assassinat de scientifiques et de spécialistes, afin de ramener la force de frappe des principaux pays arabes récalcitrants des centaines d’années en arrière.

Ceci, pendant que l’entité sioniste travaille à normaliser ses relations avec les États wahhabites et les États de la soumission et de la dépendance, célèbre la première visite d’un ministre indien, intensifie son agression contre la mosquée Al-Aqsa, se joue de la vie et du sort des prisonniers palestiniens, assassine et pourchasse de jeunes palestiniens à la manière du colon blanc contre les Indiens d’Amérique et les aborigènes d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, pour finir par enterrer définitivement leur civilisation, leur patrimoine culturel et religieux, puis construire sur leurs ruines une force militaire d’occupation et d’oppression.

L’analyse globale et approfondie de la situation des différents pays arabes révèle, sans le moindre doute, que l’objectif de l’Occident mené par les États-Unis et Israël par le biais d’outils tels que Daech, le Front al-Nosra, les Frères Musulmans et leurs dérivés, est absolument le même en Irak, en Syrie, au Yémen, en Libye, en Égypte, en Tunisie, au Liban et au Bahreïn ; la crise saoudo-qatarie et toutes les absurdités qui l’entourent entrant dans le cadre de l’appropriation de toutes leurs richesses après destruction de leur Histoire et de tout ce qui est en rapport avec les Arabes et l’Arabité, afin qu’ils se transforment en une populace incapable d’édifier de véritables entités politiques et d’occuper une position décente régionale ou internationale.

Le but de cette guerre « sur » la Syrie était de détruire le dernier bastion de ceux qui tiennent à leur identité arabe et au droit des Arabes en Palestine, au Golan et au Liban. Mais la résistance héroïque des Syriens trempée dans le sang de centaines de milliers de martyrs ainsi que le soutien et la fidélité de leurs alliés ont modifié l’équation.

Et aujourd’hui, bien que nous pleurions des larmes de sang sur tout ce qui a été démoli ou détruit, nous célébrons le fait que les pays du « front du refus » allant de la Russie à l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban via le Hezbollah, sont devenus plus forts et plus conscients des dimensions de cette attaque dévastatrice, comme nous célébrons le fait que la Fédération de Russie -laquelle a utilisé huit fois son droit de veto pour dissiper ce cauchemar colonialiste menaçant la Syrie- soit devenue le moteur essentiel guidant la politique internationale relative à la Syrie et au Moyen-Orient.

Témoin en est la récente rencontre des présidents Trump et Poutine en marge du Sommet du G20 à Hambourg. La simple comparaison avec les rencontres russo-américaines précédentes laisse à penser que la Fédération de Russie a désormais plus de poids pour ce qui concerne le Moyen-Orient en général, et la Syrie en particulier.

Rien de cela n’aurait été possible sans une profonde conscience des véritables dimensions et objectifs du choix existentiel des Syriens, sans les sacrifices des soldats de l’Armée arabe syrienne et des forces alliées, sans le soutien politique, militaire et économique de la Russie, de l’Iran et du Liban.

Reste à savoir si les États arabes vont finir par se rendre compte que pour les planificateurs sionistes, toute attaque contre l’un d’entre eux ne fait que servir leurs objectifs et ceux de leurs alliés néo-ottomans.

Pour s’en convaincre il suffit de constater les répercussions de la guerre en Syrie « apparemment » menée par les États wahhabites : le Qatar, l’Arabie saoudite et leurs outils respectifs. Apparemment, car ils sont eux-mêmes menés par les États-Unis et Israël depuis le tout début et qu’ils n’ont fait qu’agir en totale coordination politique, militaire, diplomatique et médiatique avec leurs dirigeants depuis six ans.

C’est ainsi qu’ils ont financé, armé et entraîné les terroristes avant de les envoyer en Libye, en Syrie, en Irak, au Liban, au Yémen et au Bahreïn. C’est ainsi qu’ils ont payé le prix des résolutions injustes contre le peuple syrien. Et c’est ainsi qu’ils se retrouvent, aujourd’hui, saignés financièrement et politiquement ; alors que les néo-ottomans poursuivent leurs opérations expansionnistes illégitimes en Syrie et en Irak tout en profitant de la situation pour s’approprier une base militaire au Qatar, après celle de Djibouti ; et alors que l’entité sioniste jouit de ses nouvelles relations régionales et internationales ; tandis que nous voyons les repères culturels arabes se transformer en décombres, et que des officiels arabes perdent leur temps précieux à décider de l’opportunité de discuter avec un pays arabe voisin d’un problème commun [celui des réfugiés syriens au Liban, NdT] tout en se réjouissant de la construction d’une base coloniale, déguisée en ambassade, sur leur territoire.

La conscience arabe finira-t-elle par tracer et suivre « la voie du salut » avant qu’il ne soit trop tard ? Finira-t-elle par écarter la logique suspecte fondée sur l’opposition entre sunnites, chiites, perses et arabes ? Finira-t-elle par réaliser que la bataille et tous ses outils sectaires, terroristes et extrémistes, la visent elle-même, visent son unité, ses droits, ses intérêts, son présent et son futur ? Finira-t-elle par réaliser que l’alliance des résistants et la Russie, qui les soutient, représentent la seule voie de salut face à cette agression tentaculaire programmée et murie par des esprits sionistes depuis des décennies, le wahhabisme étant devenu l’un de ses outils ?

Bouthaina Chaabane

Conseillère politique du Président Bachar al-Assad et « Fille de la Terre »

10/07/2017

 

Source : Al-Watan (Syrie) / طريـــق الخلاص

http://alwatan.sy/archives/110559

 

Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

 

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