La COP 21 et la lutte contre le réchauffement climatique. La sauvegarde de l’environnement mondial ou la poursuite du processus de militarisation planétaire

La recherche de la sécurité dans la lutte contre le réchauffement climatique est essentielle pour la poursuite du développement du système capitaliste et c’est à cette tâche à laquelle sont invités les chefs d’État dans les cadres de COP 21 qui tient ses travaux à Paris au cours de la semaine qui commence.

Dans un article publié en janvier 2008 sur l’analyse de l’état de santé de l’environnement mondial nous avions exposé les grands enjeux entourant le travail de restauration de la Biosphère et de la conservation des ressources vivantes. Nous avions alors dressé un bilan concernant les efforts déployés pour les relever (http://www.mondialisation.ca/20-ans-apr-s-brundtland-un-bilan-alarmant-de-l-tat-de-sant-de-l-environnement-mondial/7696). Ces propos sont encore les mêmes que nous pourrions formuler en 2015.

En voici les conclusions.

« Depuis la conférence sur l’environnement humain tenue à Stockholm en 1972 s’est développé un mouvement mondial en vue de freiner le processus de dégradation, de détérioration et de destruction des zones de vie et des communautés humaines qui en dépendent pour assurer leur survie. Presque quatre décennies pour une prise de conscience de plus en plus vive concernant les menaces posées par l’industrie et le mode de vie énergivore imposé par les pays riches sur les capacités intrinsèques de renouvellement des ressources vivantes. Près de 40 ans pour définir des stratégies, des plans d’actions et conclure et entreprendre l’application d’ententes globales et nous avons encore l’impression que l’on ne saisit pas encore très bien l’ampleur des menaces qui pèsent sur l’avenir de la Biosphère et de l’Humanité ».

« Les Sommets mondiaux qui se sont succédés  pendant ces années, Nairobi en 1982, Rio en 1992, New York en 2000, Johannesburg et Monterrey en 2002 ont  lancé, à chaque occasion, un appel aux gouvernements du monde pour qu’ils accordent désormais la priorité à la restauration de l’environnement, à la conservation des ressources vivante in situ, à la protection des écosystèmes les plus productifs et pour qu’ils  conçoivent et appliquent des politiques qui puissent répartir de façon équitable les revenus tirés de la mise en valeur des ressources naturelles alimentaires, minérales, énergétiques, hydriques et aquatiques et ce en donnant suite aux engagements formulés dans les grandes conventions mondiales sur le changement climatique, sur la diversité biologique et sur la lutte contre la désertification ».

« À mi-chemin entre 2000 et 2015, date cible pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) le PNUE dépose son quatrième rapport sur la situation actuelle de l’environnement mondial et les perspectives de son avenir. Comme dans GEO-3, on retrouve dans la présente synthèse une esquisse des quatre futurs possibles de développement pour la Planète et l’Humanité d’ici 2050. Leur état va s’améliorer ou se détériorer en fonction du choix qui sera préconisé par les forces politiques et économiques dominantes qui contrôlent les gouvernements du monde. Ces quatre choix fondamentaux, scénarios ou futurs possibles sont les suivants ».

« 1) L’adoption d’un modèle de société libéralisée, fondée sur le marché d’abord (Market First); avec ce scénario nombreux sont ceux «qui estiment que les dysfonctionnements déjà observés dans les systèmes sociaux, environnementaux et écologiques annoncent, pour l’avenir, des effondrements plus massifs et plus généralisés»; 2) La seconde alternative (Policy First) est l’application d’un modèle de gouvernance responsable des États dotés d’institutions imputables et propres à prendre en compte, à long terme, les coûts environnementaux et sociaux dans la définition des politiques de développement économique; 3) La troisième voie, celle de la conception du monde privilégiant les principes du marché et de la sécurité (Security First), semble celle qui régit présentement l’ensemble des activités humaines. Comme le premier scénario cette avenue est celle d’un ordre autoritaire établi à l’échelle mondiale par la force et la violence armée dans le but de protéger les marchés des plus puissants et des mieux nantis tout en maintenant l’Apartheid Nord-Sud; 4) La quatrième est celle de la durabilité (Sustainability First). Ce paradigme esquissé dans la stratégie mondiale de la conservation en 1980, puis dans le Rapport Brundtland rn 1987 et, ensuite, lors des Sommets mondiaux des vingt dernières années «est soutenu par des valeurs et institutions nouvelles et plus équitables. Une conception plus visionnaire de l’avenir s’impose, où les changements radicaux dans la façon dont les gens communiquent les uns avec les autres et avec le monde qui les entoure (plus de convivialité et plus de solidarité) encouragent l’adoption de politiques de développement durable et un comportement responsable des grandes entreprises. Il existe une collaboration beaucoup plus riche entre les gouvernements, les citoyens et les autres parties intéressées, dans les décisions prises sur les questions d’intérêt commun. Un consensus se dégage sur ce qu’il convient de faire pour satisfaire les besoins fondamentaux et réaliser les objectifs individuels sans compromettre le sort d’autrui ni les perspectives de la postérité» (PNUE, GEO-3, 2002, pp. 328-349) ».

« L’application des scénarios deux et quatre permettrait de freiner les processus de destruction accéléré et d’envisager des solutions propres à neutraliser à long terme les activités ou projets de développement qui ne vont pas dans l’intérêt de la collectivité humaine considérée dans son ensemble. Le défi du 21ième siècle est de mettre fin à l’Apartheid Nord-Sud et, ainsi, au processus de concentration excessive de la richesse collective entre quelques mains. Si rien n’est fait pour aller en ce sens il est difficile d’envisager l’avènement d’un ordre économique mondial juste, une plus grande sécurité collective, la construction de la paix entre les nations et de voir l’ensemble du politique désormais voué au développement économique et social ».

« À titre indicatif, le rapport indique qu’avec le scénario Market First, 13% de toutes les espèces originelles disparaîtront entre 2000 et 2050 alors que le scénario Sustainability First assistera à une extinction moindre de l’ordre de 8%. La concentration des émissions de CO2 dans l’atmosphère atteindra 560 ppm en 2050 sous le scénario Market First alors qu’avec celui de la durabilité cette concentration sera de 460 ppm. On s’attend que le risque de dépasser certains seuils critiques augmente avec l’occurrence de changements majeurs et que ces changements peuvent s’opérer de façon plus subite que graduelle. Par exemple, pour GEO-4, les scénarios montrant un taux de prélèvements très élevés des ressources ichtyologiques peut être accompagné par une baisse significative de la biodiversité marine nous conduisant ainsi vers un niveau de risque plus élevé dans l’effondrement des pêcheries vers 2050 (UNEP, 2007, p. 398) ».

« Le rapport GEO-4 conclut que si “les gouvernements doivent être au premier plan, les autres acteurs sont tout aussi importants pour réussir à atteindre le développement durable. Nous comprenons mieux les défis actuels et le moment est venu d’agir rapidement afin de sauvegarder notre survie et celle des générations futures.”  (unep.org/Documents) ».

« Enfin, il importe de rappeler les conditions sine qua non pour assurer la sécurité de la Biosphère. Travailler sans relâche à l’entreprise du désarmement général et complet. Éduquer à l’environnement et à la résolution pacifique des conflits. Restaurer l’environnement et protéger la diversité biologique in situ. Éradiquer la pauvreté et, enfin, protéger les droits humains et les libertés fondamentales ».

« Selon le Directeur général du PNUE, A. Steiner, « Il y a eu assez d’avertissements depuis Brundtland. J’espère sincèrement que GEO-4 est le dernier. La destruction systématique des ressources naturelles a atteint un niveau auquel la viabilité économique des économies est en danger, et auquel la facture que nous passons à nos enfants peut se révéler impossible à payer », a-t-il déclaré lors du lancement du rapport ».

Jules Dufour, 20 ans après Brundtland: Un bilan alarmant de l’état de santé de l’environnement mondial, 2 janvier 2008

Rien n’a vraiment changé depuis le Sommet de Rio

Nous sommes portés à affirmer que les exigences du marché mondial, dans un capitalisme de plus en plus destructeur, vont encore s’imposer et que les cibles définies par la COP 21 se traduiront par la neutralisation des efforts globaux. C’est ce que nous avions constaté à Rio de Janeiro en 1992.  La marche mondiale pour le climat symbolise la volonté des peuples pour une planète épargnée par les affres des activités industrielles destructrices des zones de vie. Jouera-t-elle une influence sur les orientations de la gouvernance des États? Il est nécessaire d’en douter. D’ailleurs, l’assemblée des ONG placée sous haute surveillance, illustre fort bien la séparation nette entre la gouvernance exercée par les chefs d’État et les peuples qu’ils sont invités à contrôler. Le triomphe des grandes puissances sera exhibé de nouveau sur toutes les tribunes alors que l’on sait qu’elles sont à l’origine des maux qui accablent l’humanité.

Le combat des peuples pour la récupération d’une planète vivante et vivable augmentera en intensité, car les conséquences des inégalités économiques et sociales agiront de plus en plus dans le vécu de l’humanité. Selon OXFAM, aujourd’hui, près de 783 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, tandis que 2,3 milliards ne disposent pas d’installations sanitaires de base. Chaque année, les maladies liées à l’eau causent le décès de 2,2 millions de personnes, pour la plupart des enfants de moins de 5 ans (oxfam.qc.ca).

Source de la photo : http://salon-developpement-durable.com/les-effets-de-la-guerre-sur-notre-environnement/

Les ressources consacrées au processus de militarisation croissante de la planète, aux guerres et à leur préparation seront de plus en plus importantes et se traduiront par le maintien d’un univers toujours de plus en plus précaire pour la majorité. Il est difficile de croire que les grandes puissances cesseront de dominer outrageusement l’ensemble des peuples et entreprendront un virage vers un désarmement général et complet. Pourtant, c’est dans un tel contexte seulement que l’on pourrait espérer un changement de cap réel dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Jules Dufour 

Références

COLLINS, HARPERCOLLINS PUBLISHERS. 2006. Terre fragile. Images d’une planète menacée. Londres, HarperCollins Publishers, pp. 191-218.

DUFOUR, Jules. 2008. 20 ans après Brundtland: Un bilan alarmant de l’état de santé de l’environnement mondial. Mondialisation.ca. Le 2 janvier 2008. En ligne : http://www.mondialisation.ca/20-ans-apr-s-brundtland-un-bilan-alarmant-de-l-tat-de-sant-de-l-environnement-mondial/7696

DUFOUR, Jules. 2015. Rapa Nui là où l’on a vécu l’agonie de la vie. Le même scénario est-il réservé à la Biosphère? Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 20 mars 2015. En ligne: http://www.mondialisation.ca/rapa-nui-ou-la-on-a-vecu-lagonie-de-la-vie-le-meme-scenario-est-il-reserve-a-la-biosphere/543744

PROGRAMME DES NATIONS POUR L’ENVIRONNEMENT (PNUE). 2012.  Global Environment Outlook-5. Environment for the future we want.  Printed and bound in Malta by Progress Press Ltd, Malta. PROGRESS PRESS LTD. 551 pages. En ligne : En ligne : http://www.unep.org/french/geo/geo5.asp

SCHROEDER, Dominique. 2015. Pression mondiale. Des milliers de personnes marchent pour réclamer des actions contre le réchauffement. AFP. Le Soleil, le 29 novembre 2015, p. 22.

UICN, PNUE ET WWF. 1991. Sauver la Planète. Stratégie pour l’Avenir de la Vie. Gland, Suisse. 248 pages

 

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Membre de l’Ordre National du Québec. 

Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

 

 



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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