La Cour internationale d’arbitrage de La Haye et la fantasmagorie du démontage du Pont de Crimée

L’instrumentalisation des instances dites judiciaires internationales est devenue, avec l’intensification du conflit atlantiste en Ukraine, une ligne de combat comme une autre contre la Russie. Mais s’il est possible de produire de la propagande médiatique, s’il est possible de détourner les instances politiques, les organes à prétention judiciaire sont plus rigides par nature et ici, soit ils tombent dans le ridicule et se discréditent comme la CEDH, soit ils ont du mal à jouer jeu comme c’est le plus souvent le cas. Désormais, la balle est dans le camp de la Cour internationale d’arbitrage de La Haye, à laquelle l’Ukraine ne demande rien moins que de démonter le Pont de Crimée et de nullifier ses défaites militaires.

Dès 2014, l’Ukraine a tenté de nombreuses actions devant les différentes instances internationales. Ses seules petites réussites furent obtenues devant la CEDH, qui s’est depuis longtemps transformée en organe de défense idéologique et ce dans tous les domaines, pas uniquement en ce qui concerne le conflit en Ukraine.

En 2016, L’Ukraine reprochait devant la Cour internationale d’arbitrage à la Russie de violer la Convention de l’ONU sur le droit de la mer et demandait que ses droits sur les mers Noire et d’Azov, ainsi que le détroit de Kertch soient confirmés. Elle estime illégales l’utilisation par la Russie des ressources de ces équateurs, ainsi que depuis la construction du pont de Crimeé, qui par ailleurs porterait atteinte à l’écologie. Et comme chacun le sait, l’écologie, c’est sacré. Le problème est que ces questions dépendent de la notion de souveraineté sur le territoire et que cette Cour d’arbitrage n’est pas compétente pour apprécier la souveraineté de l’Ukraine ou de la Russie sur la Crimée.

En 2019, la Russie avait dénoncé l’incompétence de la Cour et en 2020 la Cour d’arbitrage lui avait donné raison, exigeant de l’Ukraine qu’elle refonde son recours. Reste désormais l’écologie et l’exigence de démonter le pont de Crimée, que l’armée atlantico-ukrainienne n’arrive pas à détruire, malgré la répétition de cette promesse.

Mais les Ukrainiens, mis en avant par leurs sponsors, n’arrivent pas à s’y faire et répètent comme une prière :

L’avocat de la partie ukrainienne, Me Anton Korinevich, a accusé ce lundi la Russie de ne pas respecter le droit international. « La Russie n’est pas libre de réécrire les lois maritimes », a-t-il martelé.

Ainsi, les Atlantistes tentent d’obtenir par les instances internationales, ce qu’ils ne peuvent obtenir sur le terrain. Notamment, ils veulent faire reconnaître la mer d’Azov comme appartenant à l’Ukraine et à la Russie, alors que depuis les derniers référendums et la modification de la Constitution russe, elle est devenue une mer intérieure russe. Concrètement :

Lundi 23 septembre, les représentants des partis ont prononcé les discours d’ouverture. Anton Korinevich, représentant du pays demandeur, a pris la parole en premier. Son discours parlait de l’inadmissibilité de la reconnaissance de la mer d’Azov comme eaux intérieures de la Russie. Korinevich a déclaré que sinon, « les droits de l’Ukraine, ainsi que des États dont les navires ont historiquement transporté des millions de tonnes de céréales, d’acier et d’autres marchandises vers et depuis Marioupol et Berdiansk », seraient affectés. Il a appelé à « traduire la Russie en justice » pour « obstruction illégale à la navigation », exprimée dans la construction du pont de Kertch. Selon Korinevich, le passage à travers le détroit de Kertch devrait être le même qu’avant la construction.

Les médias de propagande atlantistes, comme The Moscow Times pour l’espace russophone, traduisent ainsi : « L’Ukraine demande à la Cour de La Haye de démonter le pont de Crimée ».

Maintenant comme avant, la Cour n’est pas compétente pour examiner ce genre d’affaires, car elle ne peut apprécier le droit interne des pays. Ici prend fin le mythe de la suprématie du droit international sur le droit interne, cette nouvelle pratique post-guerre soumettant la souveraineté des Etats sur le territoire reconnu par la fameuse « communauté internationale » comme leur appartenant.

La Crimée et les nouveaux territoires (les régions de Lougansk, Donetsk, Zaporojie et Kherson) sont entrées dans la Fédération de Russie suite, tout d’abord au Maïdan globaliste de 2014, puis à l’intensification du conflit armé, qui a conduit la Russie à réagir militairement. Suite à quoi, ces régions ethniquement russes sont passées sous contrôle de la Fédération de Russie et les habitants, comme ceux de Crimée, ont décidé de quitter le monde global pour rentrer à la maison.

C’est cette décision qui prime, puisque l’Etat ukrainien a été détruit sur la place Maïdan en 2014. L’Ukraine a fait son choix, elle assume les conséquences. Et le fait que la soi-disant « communauté internationale » reconnaisse ou non le choix fait par les habitants de ces régions n’a ici aucune incidence juridique : le droit interne est le seul qui compte pour un Etat. Si l’Ukraine n’avait pas succombé au Maïdan, elle serait restée un Etat et aurait conservé l’intégralité de son territoire. Maintenant, c’est trop tard.

Soit la Cour de La Haye continuera à ne pas reconnaître sa compétence (et elle sera bientôt l’objet d’une attaque frontale par cette fameuse communauté internationale), soit elle se discréditera en deviendra un instrument dans cette guerre, conduite en réalité contre les Etats. L’histoire récente montre qu’il n’y a pas d’autre alternative.

Karine Bechet-Golovko



Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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