La crainte d’une pandémie grandit à mesure que le coronavirus s’impose au niveau international

Les responsables de la santé ont tiré la sonnette d’alarme au cours du week-end. La raison était l’augmentation soudaine et rapide des nouveaux cas d’infections par COVID-19 en Corée du Sud, en Italie et en Iran. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres agences sont particulièrement préoccupées par le fait que de nombreux cas n’ont pas de lien épidémiologique avec la Chine. C’est ce pays où l’épidémie de virus a débuté en décembre dernier dans la ville de Wuhan, la capitale de la province de Hubei.

En réaction, les marchés boursiers mondiaux se sont effondrés à l’ouverture hier. Le Dow a perdu plus de 1000 points à la clôture. Le Nikkei 225 a chuté de 4 pour cent à l’ouverture. Parmi les actions qui ont subi les plus fortes baisses, on trouve celles des compagnies aériennes et des sociétés technologiques. Le prix du Brent a chuté de près de 5 pour cent pour atteindre un peu plus de 55 dollars le baril. La crainte de l’impact de la propagation du virus a provoqué les turbulences du marché. Aussi, les turbulences ont fait suite aux mauvaises nouvelles économiques selon lesquelles le PIB du Japon a chuté de 6,3 pour cent et la croissance de la zone euro a ralenti à 0,1 pour cent.

Le virus 2019-nCoV s’est révélé être un pathogène beaucoup plus complexe que ce que les virologistes ont connu par le passé. Les scientifiques tentent toujours de comprendre pourquoi il est si contagieux et ils essaient de déterminer si le virus se transmet par les surfaces, les conduites d’eau et les conduits de ventilation. En 2003, l’épidémie de SRAS a infecté 8000 personnes en 10 mois. En revanche, le COVID-19 a provoqué 80.000 infections en un peu plus de deux mois — et l’on n’a pas encore identifié de nombreux cas.

Une femme portant un masque hygiénique regarde son téléphone à Milan, en Italie, le lundi 24 février 2020. (Claudio Furlan/Lapresse via AP)

 

L’indice global de mortalité soit beaucoup plus faible que celui du SRAS, avec 1 à 2 pour cent des personnes infectées. Toutefois, les décès dus à la COVID-19 sont déjà trois fois plus nombreux que ceux causés par l’épidémie de 2003. La période d’incubation du virus est estimée à environ 14 jours, mais on a vu des cas confirmés de personnes qui ne présentent pas de symptômes pendant trois à quatre semaines. Ce qui déconcerte encore plus les autorités sanitaires, c’est que certaines indications laissent penser que les personnes qui se sont rétablies pourraient continuer à être porteuses et à propager le virus.

Les efforts déployés par la Chine pour contenir le virus grâce à des mesures de la quarantaine sans précédent et à des restrictions sévères des déplacements semblent avoir permis de maîtriser dans une certaine mesure l’épidémie dans le Hubei et les provinces environnantes. Lundi, on a signalé 509 nouveaux cas dans toute la Chine, dont 499 dans le Hubei. Le nombre de cas confirmés en Chine continentale s’élevait à 77.658 à la date d’hier et le nombre de décès à 2663.

Mais comme l’a prévenu l’OMS, les actions du gouvernement chinois n’ont fait que donner au monde un peu de temps pour se préparer. Ce temps semble s’être écoulé, car les taux d’infection s’accélèrent de façon spectaculaire dans des pays comme l’Iran, l’Italie et la Corée du Sud. Bien que l’OMS n’ait toujours pas classé COVID-19 comme une pandémie mondiale, c’est probable qu’elle prendra cette décision dans un avenir proche.

Ahmad Amirabadi Farahani, un législateur de la ville iranienne de Qom, a contredit le bilan du gouvernement de 12 décès dus à COVID-19 et a déclaré qu’au moins 50 personnes étaient mortes et plus de 250 personnes étaient en quarantaine. Qom est connue comme un centre d’études religieuses, de nombreuses personnes qui viennent de tout l’Iran et des pays voisins s’y rendent pour étudier. Le Koweït, le Bahreïn et l’Afghanistan ont maintenant confirmé des cas, les responsables indiquant que les victimes étaient des personnes infectées dans la ville iranienne de Mashhad. La Turquie, l’Irak et le Pakistan ont rapidement fermé leurs frontières avec l’Iran.

Des rapports indiquent que les professionnels de la santé en Iran ont un accès limité aux équipements de protection, ce qui les met en grand danger d’infection. On a critiqué le fait que les responsables municipaux et gouvernementaux n’ont pas fait grand-chose pour faire face à la dure réalité de l’épidémie de grande ampleur à laquelle l’Iran doit faire face. Les élections parlementaires nationales ont eu lieu vendredi dernier, mais la crainte de la contagion a fortement affecté la participation.

Le leader suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a réprimandé Washington à propos de la menace du coronavirus. L’Iran fait l’objet de sanctions paralysantes de la part des États-Unis à propos de son programme nucléaire, qui ont eu un impact dévastateur sur son système de santé national. Le docteur Chen Xi, professeur adjoint de politique et d’économie de la santé à l’école de santé publique de Yale, a déclaré: «Les sanctions imposées depuis des décennies ont également intensifié la pénurie de fournitures médicales. Leurs technologies de diagnostic sont également à la traîne. Je pense que la communauté internationale devrait travailler ensemble pour partager de manière transparente les données de voyage des passagers, normaliser la précision des kits de test et permettre l’envoi de l’aide humanitaire en Iran.»

Washington, cependant, va plus que probablement politiser l’épidémie en doublant les sanctions et en exigeant que l’Iran se soumette aux diktats américains en échange d’un «soutien humanitaire».

Les régions du nord de l’Italie, la Vénétie et la Lombardie, sont devenues un foyer pour le virus, avec 10 villes maintenant en quarantaine, affectant plus de 50.000 personnes. Le nombre de cas est passé de 152 à 219 en vingt-quatre heures. Deux autres personnes sont mortes, ce qui porte le total à six, avec 26 patients toujours en soins intensifs. On a annulé le célèbre carnaval de Venise, qui attire des visiteurs du monde entier. Milan, le principal centre commercial et économique du pays, est menacé de quarantaine. La panique des achats a entraîné le vidage des rayons des supermarchés. Les autorités ont déployé l’armée pour faire respecter les règlements de quarantaine.

La Corée du Sud a signalé 231 nouveaux cas au cours des derniers jours, ce qui porte le total à 833 à partir de mardi. Le président Moon Jae-in a placé le pays en état d’alerte maximale, donnant au gouvernement la possibilité d’utiliser des tactiques policières de grande envergure pour imposer un verrouillage massif. Lors d’une réunion d’urgence, Moon a déclaré: «Les prochains jours seront un moment critique pour nous. Le gouvernement central, les autorités locales, les responsables de la santé et le personnel médical, ainsi que l’ensemble de la population, doivent apporter une réponse globale et concertée au problème.»

Au cours du week-end, l’Organisation mondiale de la santé a tenu une réunion ministérielle d’urgence avec l’Union africaine et les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies. L’Union européenne a promis un montant dérisoire de 124 millions de dollars pour lutter contre l’épidémie de COVID-19, dont la moitié pour répondre à l’appel de l’OMS en faveur d’une préparation mondiale. Une partie des fonds ira directement aux autorités sanitaires africaines.

L’OMS a identifié treize «pays prioritaires» en raison de leurs liens économiques directs et de leurs nombreux voyages avec la Chine. Tous ont des systèmes de santé publique inférieurs aux normes et sont particulièrement vulnérables en cas d’épidémie majeure. L’OMS a lancé un plan de préparation pour fournir une aide de 675 millions de dollars, et a expédié 30.000 ensembles d’équipements de protection.

On a averti les hôpitaux des États-Unis de commencer à se préparer. C’est prévu qu’il aura une augmentation du nombre de patients atteints de la COVID-19. La CNBC a signalé qu’une épidémie «pourrait submerger les salles d’urgence et provoquer rapidement une pénurie de certaines fournitures médicales essentielles. Cela est sorti d’une demi-douzaine d’entretiens avec des médecins, des hôpitaux et des systèmes de santé américains.»

L’épidémie a montré une fois de plus à quel point les gouvernements capitalistes sont mal préparés dans le monde entier pour combattre l’apparition de maladies infectieuses. D’une nation à l’autre, la réponse des autorités à l’épidémie a été d’essayer de sceller les frontières et d’imposer des restrictions autoritaires aux mouvements des populations. Alors que diverses installations de recherche et sociétés médicales affirment avoir progressé dans la mise au point d’un vaccin pour COVID-19, la livraison à grande échelle de tout vaccin est peu probable avant au moins 18 mois.

Benjamin Mateus

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, 25 février 2020



Articles Par : Benjamin Mateus

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