La débâcle en Afghanistan: les troupes britanniques se retirent de Sangin


Les troupes en Afghanistan, juillet 2010.

Le 20 septembre, les 1000 derniers soldats britanniques ont quitté Sangin, dans le Sud de l’Afghanistan. Après plus de quatre ans, ils ont remis aux Etats-Unis le contrôle de leurs bases.

Le retrait est officiellement présenté comme un simple redéploiement par lequel les troupes qui font partie d’une force britannique totalisant 9.500 hommes en Afghanistan sont envoyées dans la zone centrale de Helmand. Mais rien ne peut faire occulter le fait que la Grande-Bretagne a subi une défaite majeure. La raison n’est pas, comme certaines sections des médias l’affirment, simplement que Sangin est devenu un « terrain d’entraînement » pour les Taliban. Les forces armées britanniques ont été chassées en tant qu’occupants par une insurrection populaire déterminée.

C’est pourquoi le Daily Mail a reconnu que « les responsables militaires de haut rang veulent à tout prix que cela ne soit pas considéré comme la reconnaissance d’une défaite ou d’une retraite après les combats les plus violents que les soldats britanniques aient connus depuis la Deuxième Guerre mondiale. »

Ce retrait souligne la destruction criminelle de la vie comme conséquence de cette sale guerre impérialiste. Les rapports des médias donnent une image dévastatrice de la situation à laquelle les troupes ont été confrontée, année après année. Au moment de leur départ, 104 soldats britanniques, soit près d’un tiers des 337 soldats britanniques tués en Afghanistan, étaient morts dans et aux alentours de cette petite ville.

Sous le titre, « Sangin: nous quittons enfin l’enfer », le Daily Express a de plus remarqué que depuis les quatre premières années et demi de l’invasion de l’Afghanistan en 2001, cinq soldats britanniques ont été tués. La vaste majorité des soldats sont morts tout au début de 2006 et depuis le redéploiement des troupes britanniques au Helmand. En avril, un article publié dans le Times de Londres rapportait que plus de 10 pour cent des victimes quotidiennes subies par les forces d’occupation l’avait été par le groupe du 3e bataillon « The Rifles » à Sangin et ce en dépit du fait que le groupe ne représente que 0,8 pour cent de l’ensemble des forces de l’OTAN présentes en Afghanistan.

L’armée britannique a même subi une attaque au moment précis où la cérémonie de transfert d’autorité avait lieu, et le Daily Mail de rapporter « de violents combats…à 800 mètres à peine de la base principale au centre du district. »

Comme on pouvait s’y attendre, les politiciens et les médias n’ont rien à dire sur les milliers d’Afghans qui ont été tués ou blessés. Au lieu de cela, le premier ministre David Cameron, s’est donné beaucoup de mal pour souligner que « Les soldats qui ont perdu la vie à Sangin ne sont pas morts en vain. »

De telles déclarations ne font que montrer que derrière son discours de soutien à « nos gars », l’élite dirigeante n’éprouve rien que du mépris pour ceux qu’elle a envoyés mourir en Afghanistan. Cameron croit que leur mort est le prix à payer mais il est incapable de dire la vérité sur les raisons de cela.

L’invasion en Afghanistan a été vendue aux populations britannique et américaine sur la base d’un tissu de mensonges. Présentée comme faisant partie de la guerre « contre le terrorisme » après les attentats du 11 Septembre, elle était censée éliminer le régime qui abritait Oussama ben Laden et qui fournissait la principale base aux opérations d’Al Qaïda. Les responsables américains de l’armée et du service de renseignement ont par la suite reconnu qu’il existait en tout moins de cent membres d’Al Qaïda en Afghanistan. L’occupation était ensuite supposée apporter la démocratie en renversant les Talibans. Au lieu de cela elle a fini par installer le régime fantoche haï d’Hamid Karzai qui est défendu par l’armée américaine et qui supervise des conditions de vie indescriptibles pour la masse de la population.

En réalité, l’occupation de l’Afghanistan a été entreprise sur la base d’objectifs géostratégiques prédateurs de la part de Washington et de Londres et avait été prévue avant que la destruction des tours jumelles n’en fournisse le prétexte nécessaire. Pour les Etats-Unis, les enjeux, comme ce fut le cas avec la guerre contre l’Irak qui s’ensuivit, étaient d’établir leur contrôle sur l’ensemble de la région « eurasienne » et avant tout sur la majorité des réserves pétrolières et gazières situées au Moyen Orient et en Asie centrale. La Grande-Bretagne escomptait à la fois sauvegarder une part du butin, tout en marchandant son alliance politique et militaire pour faire valoir ses propres intérêts à l’échelle mondiale, et compenser le défi de ses rivaux européens, l’Allemagne et la France.

Par deux fois à présent, le prix à payer pour cet état de fait a imposé à la Grande-Bretagne une retraite militaire humiliante, d’abord dans la ville de Basra au Sud de l’Irak et maintenant à Sangin. Le journal Independent a reconnu la semaine passée, « Les Britanniques auraient pu, théoriquement, se passer plus tôt de Sangin et des pertes qui s’en sont suivies. Mais là, un chapitre sensible des relations anglo-américaines est entré en jeu. Il ne fait pas de doute que des responsables militaires de haut rang de l’armée américaine étaient très critiques quant à la manière dont l’armée britannique s’est comportée vers la fin de son déploiement en Irak… et puis en se retirant en bloc lorsque Washington demandait qu’elle continue de rester. »

Le retrait britannique, malgré les affirmations officielles du contraire, a occasionné de l’amertume et des récriminations de la part de l’armée américaine. Finalement, ceci signifie simplement que le labeur de la Grande-Bretagne est également un échec politique pour Washington. La Grande-Bretagne a été la seule force à maintenir un semblant de rôle militaire indépendant dans l’occupation. L’abandon de cette attitude signifie qu’aujourd’hui et plus que jamais, il s’agit d’une guerre des Etats-Unis.

De plus, les affirmations que le contrôle exercé par les Etats-Unis sur Sangin résultera dans un renforcement du contrôle en général de la région sont sans fondement. En décrivant l’énorme opposition populaire qui attend les Etats-Unis, le Daily Telegraph a sombrement prédit, « Le transfert de Sangin : seules changeront les nationalités inscrites sur les tombes. »

Les Etats-Unis sont confrontés à une situation militaire et sécuritaire s’aggravant partout en Afghanistan et à une opposition à la guerre dans le pays qui ne cesse de s’intensifier. C’est dans une telle situation que le gouvernement Obama avait annoncé l’envoi en Afghanistan en décembre dernier d’un renfort de 30.000 hommes, dans une tentative de noyer la résistance dans le sang. Mais malgré cela, les Etats-Unis n’ont pas pu venir à bout de la résistance de masse. Avec la mort de neuf soldats américains le 21 septembre dans un crash d’hélicoptère dans la province de Zaboul, dans le Sud de l’Afghanistan, l’année 2010 est devenue la plus meurtrière pour les forces de l’OTAN depuis l’invasion en 2001. Au moins 529 soldats de l’OTAN ont été tués jusque-là cette année.

Entre-temps, des sections de l’armée américaine expriment plus ouvertement leur opposition à un « calendrier de retrait » des troupes dès juillet 2011 et qui est le principal objectif du président Obama.

Selon un article paru dans le Wall Street Journal le 21 septembre, des officiers gradés « cherchent à faire baisser les espoirs d’un progrès rapide en Afghanistan » et prévoient « peu de gains significatifs dans la guerre avant la fin de l’année. » Le Journal poursuit que plutôt que de retirer des « bataillons ou des régiments entiers », la baisse se consacrera à un « amincissement » des troupes des lignes de front et le retour à la maison de petites unités militaires.

L’occupation afghane est une sale aventure fondée sur l’oppression brutale d’une nation appauvrie de moins de 30 millions de personnes. Indépendamment de l’attitude de tel ou tel soldat, qu’elle soit héroïque ou vile, les élites militaires et politiques sont coupables d’un crime indicible. La population laborieuse dans le monde entier doit exiger la fin de la guerre et le retrait immédiat de l’ensemble des troupes américaines, britanniques et étrangères. Ceux qui ont planifié et exécuté cette guerre de pillage doivent comparaître devant un tribunal pour crimes de guerre et la cour de l’opinion publique internationale.

Article original, WSWS, paru le 24 septembre 2010.



Articles Par : Robert Stevens

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