La diplomatie subtile du Pape François

Ce n’est un secret pour personne que l’État du Vatican soit contaminé par les divers services secrets de Washington. Il n’est donc pas surprenant que cet État du Vatican, sous les couverts d’un langage religieux et humaniste, serve les intérêts de ce dernier.  Le cas du Venezuela, avec son épiscopat engagé au coté d’une opposition violente, en est une expression parfaite.  Cette complicité se révèle clairement en Amérique latine où existe ce dicton voulant que sans l’Église, aucun coup d’État militaire ne serait possible. Dieu sait qu’il en eut beaucoup. Espérons que cette fois, les initiatives du pape François mettront un terme à cette complicité.

Nous connaissons de plus en plus le pape François et nous voyons mal comment il pourrait justifier et appuyer des interventions militaires  de la part de ceux-là mêmes qui sont à la base de ce capitalisme sauvage dont il s’est fait le grand dénonciateur dans son Exhortation apostolique Evangelii gaudium. Tout en étant Pape de l’Église universelle et Chef de l’État du Vatican, il est bien conscient qu’il est entouré de vautours et que son emprise sur les diverses institutions rattachées à l’une et à l’autre demeure limitée.  N’empêche, il n’est pas homme à baisser les bras. Il a, lui aussi, ses stratégies et il est bien possible qu’elles portent ses fruits.

La plus récente et la plus significative, à mon sens, est cette mission en Russie du Secrétaire d’État du Vatican. Nous savons que Pietro Parolin est un proche de Washington et de l’épiscopat vénézuélien. Nous savons également que derrière leur langage sur la nécessité de la négociation se cache cette autre nécessité sans quoi aucune négociation ne sera possible, que le gouvernement bolivarien renonce à sa révolution bolivarienne.

Son séjour à Moscou le met en contact direct avec un des plus grands diplomates des temps que nous vivons, Serguei Lavrov ainsi qu’avec l’un des chefs d’État les plus respectés au monde, Vladimir Poutine.  Ces personnalités connaissent bien les politiques interventionnistes internationales des États-Unis dans le monde y incluant tout ce qui se passe au Venezuela. Ils savent plus que tout autres les manœuvres de manipulation et l’usage sans retenue du mensonge et de la tromperie. Il est bon de mentionner l’accueil que le pape François avait réservé au Président Poutine et la remise à ce dernier du  médaillon de l’Ange de la paix.

Le pape François, en envoyant Pietro Parolin à Moscou, savait très bien que ce dernier y recevrait une véritable leçon sur les enjeux géopolitiques des guerres et la prédominance des intérêts des plus forts.  Il savait également qu’en invitant la Russie à s’impliquer au Venezuela dans le but de favoriser un règlement négocié, que la Russie allait répondre positivement et qu’il serait difficile pour Washington et l’opposition vénézuélienne de s’y opposer.

Si le cardinal Pietro Parolin pense que la Russie va aider les adversaires du gouvernement à tordre le bras de Maduro, il se trompe.  L’arrivée de la Russie, à la demande du Vatican et de Maduro, consolide plutôt le principe de la bonne foi comme fondement à toute négociation et le respect des lois fondamentales de l’État. À ce niveau tous les intervenants sont interpellés et mis à l’épreuve de cette bonne foi. L’invitation faite par le Vatican oblige, pour ainsi dire, l’opposition à accepter cette médiation qui devrait empêcher une intervention militaire de la part des Etats-Unis.

Cette démarche du pape François qui envoie à Moscou  le numéro deux du Vatican, très proche de l’épiscopat vénézuélien et de Washington, représente, pour moi, un coup de dé exceptionnel. Par la même occasion, ce Secrétaire d’État qui s’est déjà rendu en Ukraine, aura entendu, sur le conflit ukrainien un tout autre discours que celui martelé par Washington à ses alliés.

Je ne serais pas surpris que la démarche, toute récente, du président Maduro auprès du pape François ait été concertée avec Moscou. Il demande l’intervention du pape pour empêcher Trump d’envahir militairement le Venezuela. Le Vatican comme tous les autres États se doit de respecter et de faire respecter le principe de la non-intervention dans les affaires internes des pays souverains, à moins que le Conseil de sécurité des Nations Unies en ordonne l’exécution ou que l’État légitime en fasse la demande.

Oscar Fortin

Le 23 août 2017

 



Articles Par : Oscar Fortin

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