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La fournaise caucasienne : état des lieux
Par Yan Boudin
Mondialisation.ca, 12 août 2008
Le blogue de Yan Boudin 12 août 2008
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https://www.mondialisation.ca/la-fournaise-caucasienne-tat-des-lieux/9812

C’est en regardant et en lisant la presse officielle que l’on saisit notre forte position pro-occidentale concernant cette nouvelle guerre entre la Géorgie, l’Ossétie du Sud et la Russie. Normal me direz-vous, mais il est cependant dangereux de se limiter à de telles considérations si l’on prend le temps d’approfondir quelques peu ce sujet. Il semblerait bien que la situation soit bien plus alambiquée qu’elle n’y paraît, et que l’UE doit s’y aventurer avec de grosses pincettes sous peine de se voir mettre le feu aux poudres.

Entre une Russie à l’image d’une dictature « moderne » à qui on lèche les burnes pour son énergie, le gaz, et une Europe à la botte de Washington qui va tendre à jouer le rôle de l’élu sur le terrain de la diplomatie internationale, il se pourrait bien que la situation du Sud Caucase ne soit pas une mince affaire et qui à contrario des affirmations de Monsieur Kouschner, est loin de se limiter à des intérêts insignifiants pour la Russie, le bougre.

Voici donc un récapitulatif succinct, mais me semble-t-il intéressant pour mieux comprendre la situation dans laquelle nous « allons » maintenant entrer, alors qu’en attendant sur les champs de bataille, soyez en convaincu, la guerre, elle, procure encore son lot d’horreur.

1/ Les racines du mal

Suite à l’effondrement de l’Union Soviétique, l’Ossétie du Sud a déclaré son indépendance de la Géorgie au début des années 90, alors que ni la Géorgie, ni la communauté internationale n’ont reconnu cette sécession comme légitime. La Russie, quant à elle, s’est montrée compréhensive ; tellement que la plupart des Ossètes du Sud ont désormais un passeport Russe…

Continuons… En 1994, l ‘Ossétie du Sud profite de la faiblesse du nouvel Etat géorgien créé en 1991 après la dislocation de l’Union soviétique et proclame seul son indépendance. Elle se rapproche de l’Ossétie du Nord, une des Républiques de la Fédération de Russie, avec laquelle elle a une frontière, une culture et des relations économiques communes. Depuis le retour d’un pouvoir nationaliste à Tbilissi en 2004, l ‘Ossétie-du-Sud est un enjeu politique entre le président géorgien pro-occidental / pro-américain Mikheil Saakachvili qui souhaite la réintégration des régions sécessionnistes au sein du territoire de la Géorgie et les indépendantistes ossètes, qui souhaitent une indépendance complète. La Russie, quant à elle, fait la sourde oreille sur la situation.

Egalement, lors de la déclaration d’indépendance du Kosovo et l’inclusion de la Géorgie au sein de l’OTAN, il semblerait que les tensions soient montées d’un cran. La Russie a commencé à faire pression en Ossétie du Sud, et dans une autre province séparatiste, l’Abkhazie. L’Ossétie du Sud s’est sentie alors prête à réaffirmer son désir de reconnaissance internationale. Comme la porte-parole du leader séparatiste Eduard Kokoity l’avait affirmé à l’époque : « Le président kosovar nous a conduit à revendiquer plus activement nos droits ». L’Ossétie du Sud est à l’image du Kosovo où 99% des Ossétiens désirent l’indépendance – suivant leur « référendum » – Cependant, les questions géopolitiques pro russe Vs pro occidentale forcent à croire que seule la Géorgie ou la Russie aura la main mise sur ce territoire dans un futur proche, d’autant plus, sachant que l’OTAN a quasiment promis il y a quelques mois à la Géorgie son adhésion à l’OTAN lors du sommet de Bucarest.

Alors que le désir d’indépendance de l’Ossétie du Sud aurait poussé la Géorgie à imposer son contrôle, il va de facto que cette guerre dépasse de loin ces frontières en mettant en jeu dangereusement la qualité future des relations internationales entre le bloc euro-Atlantique et la Russie.

 

2 / Aparté : Géorgie, une élection présidentielle controversée

Tout d’abord, comme Mubutu et Khadafi pour ne citer qu’eux, le président pro-américain Saakachvili est arrivé au pouvoir suite à un coup d’état. Suivant diverses sources, Saakachvili s’accroche au pouvoir avant les élections avec la détermination d’un dictateur. Le 7 novembre 2007, une manifestation de l’opposition géorgienne qui scande « Saakachvili est un dictateur » est violemment réprimée par le pouvoir. L’administration géorgienne fait le choix de la dureté notamment, en fermant les médias d’opposition, avec des violences policières peu communes et la promulgation de l’état d’urgence. Le 8 novembre, Saakachvili instaure des élections présidentielles anticipées alors qu’il jouit de tout pour être réélu – suivant ce qu’entraîne l’état d’urgence – Les chaînes privées opposées au pouvoir sont coupées d’antenne alors que les médias du pouvoir émettent constamment. Il semblerait également que le parti de Saakachvili (Le Mouvement National) serait majoritairement financé par les fondations Ford et Rockfeller, soyons bref, la CIA donc.

La campagne présidentielle ne se déroule donc pas dans les « meilleurs conditions » et emporte le leader de l’opposition, Lewan Gatchetchiladzé sur un terrain miné.

Lors des élections du 6 janvier 2008, l ‘administration géorgienne déclare que le président sortant Saakachvili est réellu avec plus de 50% des voix, et ceux, dès le premier tour. Saakachivili est proclamé président le 8 janvier 2008 avec le soutien de l’UE et des U.S.A qui considèrent ce scrutin de démocratique et légitime. La voix de la Russie indique quant à elle, une élection irrégulière et anti-démocratique. D’autres sources rapportent que ces élections auraient également été truquées ; beaucoup cite le blog d’une observatrice estonienne, Evelyn Sepp : « Juste après l’élection, ça a été la folie. Quand les bureaux de vote ont été fermés, plusieurs personnes un peu bizarres sont arrivées, dont des policiers. Elles étaient là lors du décompte des bulletins. J’ai pu constater que des membres de la commission électorale ont signé les documents de validation des résultats avant même que le dépouillement soit terminé. A la fin, les résultats ont été les suivants : sur 1981 votants, 1693 avaient voté pour Saakashvili, alors que les autres candidats ne récoltaient que 118 voix. » Sur son blog, un internaute écrit : « Il y a certainement eu des falsifications, mais à moins grande échelle qu’en Russie. La victoire de Saakashvili est claire, mais il est difficile de dire maintenant si un deuxième vote aurait été nécessaire. Je pense qu’au total il y a eu entre 1 et 5% de votes falsifiés, voire plus (dans 40 bureaux de vote sur 3700). »

3 / Le début de la guerre puis intro à la vraie guerre

La semaine du 5 juillet 2008 fût certainement la genèse de cette nouvelle guerre où diverses explosions non revendiquées ont eu lieu en Abkhazie, la province séparatiste de l’Ouest. Ensuite, une attaque a eu lieu contre le chef du gouvernement en exil (pro-géorgien) de l’autre région séparatiste, l’Ossétie du sud. Puis pour finir, la Géorgie a répondu à ces attaques par des tirs de mortier sur Tskhinvali, la « capitale » de l’Ossétie pro-russe.

Entre le 7 et le 8 août 2008, la grande cavalcade débute mais la guerre des images et des communiqués fait que les informations ramassées restent peu claires tandis que chaque partie se renvoie la balle. La Russie affirme que la Géorgie a initié une première opération militaire massive pour prendre l’Ossétie du Sud tandis que la Géorgie affirme que les soldats géorgiens du maintien de la paix avaient été contraints de riposter à la suite de bombardement de villages géorgiens par les séparatistes ossètes…

Au terme de ces premières attaques, la capitale Tskhinvali d’Ossétie du Sud est encerclée et pilonnée alors que des casques bleus russes agissant dans le cadre de sa mission de paix et conformément au mandat délivré par la communauté internationale se trouvent sur place. La Russie entre de fait en guerre contre la Géorgie.

La réponse militaire de la Russie ne s’est pas fait attendre, jusqu’à outrepasser de loin les limites des frontières de l’Ossétie du Sud, provoquant une réaction guerrière en chaîne malgré l’appel au retour au calme de la communauté internationale.

D’autres sources rapportent que les Géorgiens sont convaincus que la Russie procède à une annexion rampante des deux régions ; l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie dont la plupart des habitants sont désormais russes (les passeports…).

Pour défendre « ses compatriotes » et ces casques bleus, la Russie a déplacé un nombre important d’artillerie lourde en Ossétie du Sud et du Nord, en Abkhazie et en mer noire. Elle a bombardé des cibles en Géorgie même, comme le plus grand port géorgien, violant ainsi l’intégrité du pays. Compte tenu de ses évènements, le parlement Géorgien à déclaré le samedi 9 août l’état de guerre et la loi martiale pour une durée de 15 jours.   

4 / Les réactions « fortes » de l’Europe et de Washington

La Pologne fût la première à donner le ton, avec l’intervention du chef de la diplomatie Radoslaw Sikorski qui s’adressant au Président de l’UE, Nicola Sarkosy, demande un sommet européen extraordinaire sur la Géorgie et considère que l’UE doit revoir ses relations avec la Russie.  » L’intégralité territoriale de la Géorgie est actuellement violée à une échelle énorme. Il y a des bombardements, les civils meurent, des forces armées étrangères se trouvent sur le territoire de la Géorgie « .

Le ministre suédois des affaires étrangères, Carl Bildt, indique lui :  » Nous avons des raisons de nous rappeler comment Hitler, il y a un peu plus d’un demi-siècle, a utilisé une telle doctrine pour saper et attaquer des zones considérables d’Europe centrale « .

Lors de son passage au J.O, George.W.Bush a affirmé : « La Géorgie est un pays souverain et son intégrité territoriale doit être respectée ». Lorsque l’on connaît la manière dont les Etats-Unis respecte la souveraineté de certains pays (Irak, Ex-Yougoslavie…), cette affirmation sonne assez bizarrement. Également de la Maison Blanche  : « Si les attaques ne cessent pas rapidement, nos relations pourraient être affectées de manière importantes »

A savoir si ces interventions orienteront ou non les débats futurs, c’est une autre question..   

5 / Le test d’un nouvel ordre mondial ?

Les semaines à venir vont démontrer au monde si Washington ou Moscou sont prêts à faire évoluer cette guerre en une crise internationale majeure. Une nouvelle guerre froide se prépare peut-être sous le couperet de questions géopolitiques et géostratégiques du Sud Caucase.

Le pouvoir russe est en tout les cas clairement intéressé à pousser le président géorgien à la faute, notamment à cause de la candidature de la Géorgie à l’OTAN. En décembre prochain, cette dernière doit être à nouveau étudiée par l’Alliance Atlantique, mais la France et l’Allemagne affirment que l’alternative d’une intégration à l’OTAN n’est envisageable que si l’ensemble des conflits intérieurs sont réglés. Moscou ne veut absolument pas que la Géorgie entre dans l’Alliance euro-Atlantique. La Russie multiplie donc les provocations depuis cette année. Mais voilà, il semblerait que la Géorgie veuille profiter des provocations russes pour reprendre l’Ossétie en profitant de leur candidature à l’OTAN. En effet, suivant ces évènements, leur candidature sera forcément repoussée en décembre prochain et certaines sources affirment que le lobby pro-guerre de la Géorgie doit profiter de son principal soutien international (George Bush) avant qu’il ne quitte la scène politique. Il pense que la Maison Blanche et les 2 candidats à l’élection présidentielle seront forcés de se ranger du côté de la Géorgie, la seule « démocratie » de la région et que de même, l’Europe suivra le pas. A savoir s’il s’agit d’une idée de Saakachvili ? Mystère.

Également, et non des moindres, un autre problème oppose La Russie et la Géorgie. La Géorgie est traversée par l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan construit par les Occidentaux pour acheminer vers l’Europe les hydrocarbures de la Caspienne, ce qui échapperait au contrôle de la Russie…

Considérant que le secrétaire de Conseil national de sécurité géorgien, Alexandre Lomaïa, a déclaré que la Géorgie pourrait demander une aide militaire à la communauté internationale, que le nouveau président géorgien Mikhaïl Saakachvili est un fidèle allié des États-Unis, et que la Géorgie est actuellement encerclée par les forces Russes, une internationalisation du conflit n’est pas impossible et cette guerre peut mettre demain face à face les États-Unis (et l’Europe) contre la Russie.

A l’heure de la crise financière et boursière internationale, des émeutes de la faim dans de nombreux pays de notre petite planète et de surcroît, de la dégénérescence avancée de toutes les élites planétaires et de leurs vassaux, et cætera, il semblerait bien qu’il ne nous manquait plus que çà à ce jour pour avancer à grand pas dans le processus de décomposition déjà bien avancé.

Source :

http://fr.globalvoicesonline.org/2008/08/09/668/

http://fr.globalvoicesonline.org/2008/08/09/664/

http://francuskinachi.blogspot.com/2008/01/elections-en-gorgie-la-dmocratie.html

http://fr.rian.ru/russia/20080809/115925570.html

http://fr.rian.ru/russia/20080809/115924676.html

http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/07/05/georgie-pourquoi-la-guerre-menace.html

http://fr.novopress.info/?p=12518

http://observers.france24.com/fr/content/election_en_georgie_fraude_ou_pas_fraude

http://blog.lefigaro.fr/russie/   

aussi : novopress /  AFP / Reuters / LeMonde / L’express

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