La grande injustice faite au peuple palestinien

Le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem et, très récemment, l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale par les députés de la Knesset sont de nouvelles pages au grand livre de l’injustice faite au peuple palestinien. Elles sont pour moi un rappel au devoir d’indignation, n’étant pas un adepte des « ainsi soit-il ».

Le texte qui suit est l’expression d’une libre opinion et n’engage d’aucune manière mon ancien employeur, Affaires mondiales Canada.

Je me suis souvent demandé quelle aurait été ma réaction face à l’esclavage, à la lutte contre les Amérindiens ou à l’antisémitisme humiliant et destructeur de la Seconde Guerre mondiale. Je crois sincèrement que j’aurais ressenti une grande indignation et que j’aurais probablement tenté, à l’échelle de mes moyens, de lutter contre l’effroyable injustice de cette dénégation de l’autre.

La situation des Palestiniens au Moyen-Orient s’inscrit dans cette dynamique. Je ne peux pas et ne veux pas être indifférent à une situation qui est fondamentalement injuste. Je ne peux que m’opposer à ceux ou celles qui soutiennent une politique israélienne discriminatoire et humiliante. Les plus actifs recourent, au Canada, aux États-Unis ou ailleurs, à l’argument de l’antisémitisme pour contrer toute critique de la politique israélienne. Tout ce qui est contre l’État « juif » devient antisémite par une simplification outrancière. On va même jusqu’à qualifier d’antisémites les Palestiniens, alors que, par une ironie de l’histoire, ils font aussi partie de la famille des Sémites.

La colonisation des territoires annexés apparaît comme un processus inéluctable. Elle n’a pratiquement jamais cessé, malgré les accords d’Oslo. Il y avait, à la fin des années 1940, un besoin impératif pour le jeune État de réunir les territoires épars que lui avaient accordés les Nations unies pour en faire une entité viable. Aujourd’hui, c’est l’extrême morcellement des territoires palestiniens, sous la poussée de la colonisation israélienne, qui rend ceux-ci invivables. Ces territoires s’apparentent à une forme de « bantoustan », ces régions créées durant la période d’apartheid en Afrique du Sud, réservées aux populations noires, et qui jouissaient à des degrés divers d’une certaine autonomie.

Une autre analogie sur l’inexorabilité de la colonisation : les « guerres indiennes » ont pris fin lorsque les colons européens sont parvenus à l’océan Pacifique. On aurait pu voir sur une carte des États-Unis l’avancée inéluctable de la ligne de front, au gré des traités de paix. Aujourd’hui, on qualifierait de terroriste la résistance des tribus indiennes face à la poussée des colons. Les leaders de droite et d’extrême droite qui gouvernent actuellement Israël ont largement « surfé » sur l’islam radical et le terrorisme international pour réprimer toute velléité de résistance et accentuer la colonisation. Ils occultent le fait que la plupart des Palestiniens, y compris les communautés palestiniennes chrétiennes, n’adhèrent pas à un radicalisme violent.

Le mur, autre élément d’injustice

Le mur dépasse largement la seule fonction sécuritaire, avec, par exemple, de nombreux points d’eau curieusement du « bon côté de la barrière ». On occulte souvent le fait qu’il s’agit d’un mur d’encerclement et non pas de séparation. On affirme que c’est le droit des Israéliens de se protéger de leurs voisins. En fait, on est de facto CHEZ le voisin et, plus encore, ce voisin ne peut accéder librement à ses autres voisins (Égypte et Jordanie, en l’occurrence). Gaza est le symbole de cet enfermement : même l’accès aux zones de pêche y est fortement restreint. Il est possible, voire très probable, que cette « ghettoïsation » ait été condamnée par ceux qui ont connu pendant la Seconde Guerre mondiale un enfermement discriminatoire. Gaza est une prison à ciel ouvert pour plus de deux millions de personnes.

Jérusalem est une ville qui aurait dû garder, comme cela avait été proposé en 1948, son caractère universel. Annexée et colonisée sur la justification de l’Histoire, elle fait l’objet d’une appropriation discutable. Les quelques centaines de juifs du Bronx, qui pourrissent littéralement la vie de milliers de Palestiniens à Hébron, trouveraient farfelue l’idée même de restituer aux Amérindiens leur terre sacrée de l’île de Manhattan.

L’ambassadrice américaine, comme généralement le gouvernement israélien, s’offusque de la soi-disant partialité des Nations unies. Mais peut-on imaginer avoir raison quand la presque totalité des nations s’opposent à votre politique ? Cela n’a aucun sens et n’a aucun rapport avec l’antisémitisme. On répète aussi à satiété qu’Israël est la seule vraie démocratie de la région. Cela est vrai, mais la démocratie a ses exigences. Elle appelle à la responsabilité des citoyens. Il apparaît qu’une majorité d’électeurs israéliens a fait le choix d’une politique injuste, qui ne cherche pas à terme la réconciliation.

Je suis toujours intimement convaincu qu’il existe des solutions pratiques et applicables à tous les problèmes de ce conflit. Ces solutions sont connues, mais leur application requiert une vraie volonté politique de régler durablement le conflit. Pour trouver un terrain d’entente, il faut que les deux parties soient placées sur un pied d’égalité. Ce n’est pas le cas. Les Palestiniens ne disposent d’aucun levier, et le levier international, qui pourrait être décisif, s’est avéré à l’usage totalement inopérant.

Dominique Rossetti

 

Dominique RossettiRetraité, ancien diplomate et chef de mission diplomatique



Articles Par : Dominique Rossetti

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