La guerre commerciale Corée-Japon: Que voulez-vous M. Shinzo Abe?

Le monde commence à s’inquiéter sérieusement de la guerre commerciale entre les deux plus grandes économies du monde. Pourtant, la conférence de G20 a décidé de promouvoir le régime de libre-échange. Mais, à peine deux jours après la clôture de la conférence, Shinzo Abe, premier ministre du Japon, hôte de la conférence de G20, a déclaré une guerre incompréhensible à la Corée du Sud.
Tout indique que la mesure prise par le premier ministre Abe va nuire non seulement à l’économie coréenne mais aussi à celle du Japon. Pourquoi alors déclencher une guerre commerciale contre la Corée ?
Pour l’instant, la guerre commerciale consiste en des contrôles administratifs des exportations des trois sortes de produits chimiques essentiels pour la production de semi-conducteurs, la production de téléphones portatifs ainsi que celle de télévisions. La production japonaise de ces produits chimiques représente jusqu’à 90% de la production globale. Les entreprises qui en seront affectés sont Samsung Electronics, SK Hynix et LG Display. Ces derniers produisent presque 70% de la production globale de semi-conducteurs et une partie importante d’autres biens affectés par la mesure prise par Shinzo Abe.
De plus, il parait que le Japon a une liste additionnelle d’une centaine de produits dont les exportations vers la Corée seront l’objet de contrôles et de restrictions.
La Corée du Sud a décidé de réagir fortement en haussant les droits douaniers imposés sur les biens japonais importés en Corée ou en restreignant des exportations des biens vers le Japon.
Pour l’instant, il est difficile de savoir l’ampleur de la guerre commerciale entre les deux pays voisins qui ont depuis toujours des rapports parfois pacifiques et parfois hostiles. Une chose est certaine, une telle guerre va nuire non seulement aux économies des deux pays impliqués directement mais aussi à l’économie du monde entier.
Alors pourquoi la guerre commerciale? Quelle est la vraie intention du premier ministre Abe?
1. Pourquoi?
D’après moi, ce que vise Shinzo Abe, c’est la perpétuation du pouvoir afin d’amender la Constitution de la Paix de 1947 et d’avoir un statut «normal» en terme de capacités offensives lui donnant le droit de faire la guerre, c’est-à-dire, le droit d’attaquer des pays étrangers.
La question est donc de savoir comment le premier ministre japonais envisage ses choix tactiques.
Parmi ses choix tactiques, il y a nourrir chez les Japonais un sentiment anti-Corée en attisant chez les Coréens un sentiment anti-Japon. Dans les années passées, le sentiment anti-Corée a souvent conduit aux victoires électorales de Shinzo Abe.
Mais, de quelle façon peut-on provoquer un sentiment anti-Japon en Corée ? Il parait que Shinzo Abe a choisi les approches suivantes: nier les crimes qu’a commis le Japon contre la Corée d’une part, et, d’autre part, fabriquer des incidents susceptibles de choquer les Coréens.
1.1 Négation des crimes du passé
Depuis 1905, année où le Japon a pris la Corée sous son protectorat, les Coréens ont dû supporter l’humiliation extrême du Japon; ils ont été obligés d’endurer les atrocités des Japonais; ils n’ont pas pu vaincre la ségrégation raciale la plus barbare pratiquée par des Japonais.
Le Japon a annexé la Corée après avoir vaincu la Chine en 1985 et la Russie en 1905. Les autorités japonaises ont fait assassiner l’Impératrice Myeong-seong le 8 octobre 1895; elles ont chassé l’Empereur Kojongen 1910. L’annexion était illégale, car l’empereur ne l’avait pas signé. En 1919, des millions d’hommes et de femmes sont descendus dans la rue à travers le pays en criant « Vive la Corée», et ils ont été massacrés par des sabres japonais et des mitraillettes de la police japonaise.
Les patriotes coréens capturés lors de la démonstration patriotique de 1919 ont été torturés par la police japonaise. Cette dernière a employé une forme de torture diabolique : arracher à la pince les ongles des capturés. Les Japonais qui ont envahi la Corée ont volé des terres, des maisons et bien d’autres propriétés des patriotes coréens avec la complicité de Coréens collaborateurs.
Un grand nombre de Coréens de tout âge ont été capturés et envoyé aux fronts comme soldats en vue de tuer des patriotes coréens; une centaine de milliers de Coréens et de Coréennes ont été mobilisés de force et envoyés aux mines ainsi qu’aux usines comme esclave, et ils ont vécu dans des conditions si pitoyables qu’il n’est pas possible de trouver des mots appropriés pour les décrire.
Les Japonais ont effectué une chose qu’aucun autre pays colonisateur n’a fait :les Japonais ont essayé d’effacer l’identité de l’ethnie coréenne. D’abord ils ont forcé les familles coréennes à abandonner leurs noms de famille et à adopter des noms japonais. Ils ont empêché les enfants coréens de parler la langue coréenne à l’école. Tous les matins, les écoliers et les étudiants ont dû suivre des séances de lavage des cerveaux. Le but de toutes ces mesures était d’anéantir la culture et l’identité coréenne, d’obéir à l’empereur japonais divin et de provoquer la haine contre les pays de l’Ouest.
La conquête japonaise en Corée, en Chine et ailleurs a été marquée par des atrocités extrêmes. Ces atrocités étaient selon moi attribuables au complexe de supériorité raciale des Japonais. En réalité, les Japonais ont classé les ethnies du monde selon une hiérarchie verticale au sommet de laquelle se trouvait, il va de soi, la «race japonaise». Ce complexe s’exprime, me semble-t-il, dans la croyance en la divinité de l’empereur d’une part et, d’autre part, dans la mission de «HakkoIchiu».
Ce qui est extraordinaire, c’est que les Japonais croyaient en la divinité de l’empereur jusqu’à la fin de la guerre du Pacifique; l’empereur japonais était le seul dieu vivant au monde!
Il y avait au Japon l’expression «HakkoIchiu» qui signifiait «un seul toit sur les huit coins». Le toit représente le Japon et les huit coins représentent le monde. Autrement dit, le Japon est destiné à dominer et gouverner le monde. Ainsi le Japon s’est donné la mission sacrée de conquérir le monde.
La combinaison de la divinité de l’empereur et de la mission sacrée a pu servir de mobile aux comportements bestiaux des soldats japonais et aux atrocités qu’ils ont commises. Le Washington Post du 1er mars de 2007 a cité un soldat japonais, Yasuji Kaneko qui aurait déclaré: « J’ai violé toutes les femmes que j’ai voulu. J’étais soldat de l’empereur! » Est-ce que le statut de soldat de l’empereur divin donne le droit sacré de violer?
On ne peut pas expliquer les crimes contre l’humanité commis par l’Unité 731 de l’armée japonaise contre les Coréens, les Chinois et d’autres groupes ethniques non-japonais qui ont fait l’objet d’«expérimentations atroces». Des hommes et des femmes ont été décapités vivants afin de tester l’efficacité des sabres japonais. Ils ont été victimes des armes chimiques et biologiques et ont péri pour l’empereur divin.
On ne compte plus les actes atroces de l’armée impériale du Japon. Plus de deux cent mille jeunes filles, la plupart des Coréennes, ont été violées dix fois, même vingt fois par jour, tous les jours, par des soldats japonais.
Chose étrange, on n’a pas entendu dire qu’il y avait des filles japonaises dans les établissements militaires japonais destinés à l’esclavage sexuel.
Après la guerre du Pacifique, un très grand nombre de ces femmes ont été enterrées mortes ou vivantes dans d’immenses fosses communes. Un grand nombre d’entre elles n’ont pas retrouvé leurs familles à cause de la honte. Beaucoup se sont suicidées. Une petite minorité d’entre elles, revenues dans leurs familles ont dû souffrir physiquement et psychologiquement toute leur vie.
Comment est-il possible que des soldats japonais aient pu commettre de tels crimes ? À moins d’avoir été ivres de pouvoir, aveugles face au mal et au bien, face à la haine sans borne et le mépris profond contre des gens qui ne sont pas des sujets de l’empereur divin. L’explication la plus plausible de ces comportements des soldats japonais est qu’ils avaient l’illusion que le Japon était le peuple «choisi» et que les « races non-japonaises » étaient des races inférieures et que ces peuples méritaient des traitements méprisants.
Un soldat japonais a avoué que, pour lui, les esclaves sexuelles coréennes n’étaient que du matériel de guerre.
En 1993, Kato Koichi, chef de cabinet du premier ministre, a reconnu l’existence de camps d’esclavage sexuel exploités par des soldats japonais. Cette même année, Kiichi Miyazawa, premier ministre du Japon, a présenté des excuses pour les crimes commis. Le rapport de recherches de l’historien Yoshiaki Yoshimi contient des preuves indéniables de ce qui s’est arrivé.
En dépit de tous ces crimes commis contre la Corée, le peuple coréen a été prêt à pardonner les Japonais après avoir entendu les excuses et les regrets des dirigeants politiques dans les années 1990.
Et les relations Corée-Japon ont été normales si non amicales jusqu’à l’arrivée de Shinzo Abe dans les années 2000.
Depuis le retour au pouvoir en 2012 du Parti Libéral Démocratique de Shinzo Abe, les choses ont changé. Malgré la protestation des Coréens et des Chinois, le gouvernement Abe nie l’histoire des crimes commis par le Japon durant son occupation de la Corée et de la Chine.
Les politiciens japonais visitent le sanctuaire Yasukuni, symbole de l’impérialisme et du militarisme japonais, dédié aux personnes mortes au combat en servant l’empereur du Japon au cours des conflits de 1867 à 1951. Par tradition, tout acte mauvais ou immoral commis par le défunt est pardonné lors de l’entrée au sanctuaire.
Dans les manuels scolaires japonais, il est écrit que le but de l’annexion de la Corée était bon pour son développement économique. Plusieurs passages dans ces manuels justifient et glorifient l’occupation japonaise de la Chine et de la Corée.
Sur ce plan, la perception japonaise de crimes de guerre se distingue bien de celle de l’Allemagne d’après-guerre. L’Allemagne a avoué ses crimes commis durant la Seconde Guerre Mondiale et a demandé pardon, ce qui lui a permis d’avoir l’admiration du monde et de bien jouer son rôle de leadership dans le processus d’intégration de l’Europe.
Shinzo Abe sait très bien qu’il y a un sujet auquel Coréens sont très sensibles, c’est l’esclavage sexuel des jeunes filles coréennes, appelées les femmes de réconfort. Il y a des preuves abondantes, beaucoup de témoins.
Des premiers ministres japonais ont reconnu ces crimes. Ils ont même présenté des excuses.
Mais Shinzo Abe insiste sur le fait que le crime n’a pas eu lieu. Son idée est de provoquer un sentiment anti-Japon en Corée qui se traduirait par un sentiment anti-Corée au Japon. Il aurait bien réussi. En effet, d’après un sondage, le sentiment anti-Japon en Corée est de 92%, le sentiment anti-Corée au Japon est de 93%.
Le premier ministre japonais a une bonne chance de remporter la victoire lors de l’élection des membres de la chambre haute du parlement ce mois-ci à cause du sentiment anti-Corée très élevé quelques jours avant l’élection.
Shinzo Abe a dans sa poche, en plus de sa négation des comportements malfaisants du Japon durant l’occupation de la Corée, bien d’autres jeux de coulisse susceptibles de générer des sentiments anti-Japon en Corée et, par conséquent, le sentiment anti-Corée au Japon. C’est ce qu’il veut.
1.2 Autres tactiques
Shinzo Abe a utilisé plusieurs autres méthodes pour provoquer ce sentiment anti-Japon chez les Coréens.
Il n’y a pas si longtemps, les avions militaires japonais se sont approchés, à basse altitude, d’un navire de guerre coréen pour ensuite dire à la population japonaise que le navire s’était montré hostile envers l’avion japonais. Il fut prouvé que c’était faux. Chaque fois que le Japon a eu besoin de provoquer un sentiment anti-Japon en Corée, il a réclamé que les îles Dok-do (Takeshima) deviennent territoire japonais.
Lors du Sommet du G20, Shinzo Abe a refusé de participer à une rencontre en privé avec Moon Jae-in, président sud-coréen. Le président Moon est le seul chef d’État qui n’a pas pu rencontrer en privé Shinzo Abe, pourtant l’hôte de la conférence. Un geste enfantin, très enfantin.
Il y a la question du jugement de la Cour Supérieure coréenne demandant aux entreprises japonaises de payer un montant d’environ neuf millions de dollars américains aux Coréens qui ont été forcé de travailler comme esclave pour les firmes japonaise dans des conditions pitoyables.
Les entreprises japonaises impliquées, Nippon Steel & Sumimoto Metal Corporation et Mitsubishi Heavy Industry, Ltd, seraient, paraît-il, disposées à payer le montant. Mais, le gouvernement Abe leur aurait demandé de ne pas le faire. Une décision qui renforce le sentiment anti-Japon en Corée.
En décembre 2015, au temps du gouvernement conservateur et pro-Japon de la présidente Park Geun-hye, le ministre coréen des Affaires étrangères et son homologue japonais ont signé un accord historique en vertu duquel les problématiques concernant les esclaves sexuelles coréennes (les femmes de réconfort) étaient supposées être résolues.
Le Japon prétendait à l’époque que cet accord permettait de régler le délicat litige de façon définitive et irréversible, mais le gouvernement progressiste de Moon Jae-in ne reconnaît pas la légitimité de l’accord pour deux raisons.
D’une part, le document n’a pas été approuvé par l’assemblée nationale et, d’autre part, les victimes de l’esclavage sexuel elles-mêmes n’ont pas été consultées, ce qui renforce encore un peu plus le sentiment anti-Japon en Corée.
Bref, la guerre qu’a déclaré Shinzo Abe s’inscrit dans son projet de perpétuer son pouvoir afin d’amender la constitution de la Paix (constitution de 1947), de doter le Japon de capacités offensives, d’en faire un pays «normal» en la matière, et de se donner le droit de vendre des armes offensives et de faire la guerre offensive.
Le moyen le plus efficace est de provoquer des sentiments anti-Japon en Corée qui se traduit forcément en des sentiments anti-Corée au Japon. Ce moyen s’est révélé comme le plus efficace pour gagner des élections.
2. Quels en seront les impacts?
On peut envisager deux types d’impact à la déclaration de guerre commerciale: l’impact économique et l’impact politique
2.1 L’impact économique
Il est sans doute trop tôt pour avoir une idée précise de l’impact économique. Cependant, il est certain que si le plan de Shinzo Abe se concrétise, la Corée va réagir et les pertes économiques seront considérables pour les deux pays impliqués.
De plus, dans la mesure où la production des biens se fait à l’intérieur dela chaîne globale de production, l’effet nocif de cette guerre pourra se faire sentir dans le monde entier.
À ce moment-là, Shinzo Abe seul sera blâmé.
Pour la Corée, cette guerre peut constituer une bonne occasion de restructurer son économie en diversifiant à la fois les produits à exporter et les partenaires commerciaux. Il est aussi important d’accélérer le développement du secteur des services afin de diminuer la dépendance excessive des exportations.
Il est certain que l’économie en sera victime, car la Corée est le principal marché des produits impliqués. En effet, Samsung et le groupe SK (l’un des plus gros conglomérats de Corée) produisent presque 70% de l’offre globale de semi-conducteurs. D’ailleurs, le milieu d’affaires japonais ainsi que les médias commencent à critiquer la guerre commerciale de Shinzo Abe.
La Corée n’a pas encore déterminé comment elle réagirait aux décisions du gouvernement Abe, mais le président Moon Jae-in a annoncé que la Corée prendra les mesures appropriées en fonction des effets négatifs sur l’économie coréenne.
2.2 L’impact politique
Il importe de distinguer l’impact politique sur le Japon de celui que subira la Corée. De plus, il faut les distinguer selon les résultats de l’élection des membres de la chambre haute du Japon qui aura lieu d’ici quelques jours.
Parlons de l’impact sur le Japon. Si Shinzo Abe perd l’élection qui arrive, les restrictions et le contrôle des exportations vers la Corée n’augmenteront pas à cause des critiques des médias et des conservateurs modérés. Cependant, le premier ministre japonais continuera à faire pression avec d’autres méthodes sur le gouvernement de Moon Jae-in. La stratégie de Shinzo Abe concernant la Corée est de maintenir la tension sur la péninsule coréenne, pour la raison suivante :
Le Japon a toujours eu besoin d’avoir des ennemis à l’étranger en vue de créer un climat de peur et d’inciter la population à supporter le parti conservateur qui a été identifié comme étant le mieux préparé pour assurer la sécurité nationale.
Jusqu’à présent, la Corée du Nord a été l’ennemie nationale et source de peur et d’incertitude pour les Japonais. Shinzo Abe a utilisé cet état psychologique du peuple japonais pour remporter des victoires électorales.
Or, les dialogues de paix entre Pyongyang et Washington se déroulent bien et la possibilité d’avoir la paix dans la péninsule augmente. Ce qui permet de diminuer l’utilité de la Corée du Nord comme source de menace. Il faut donc trouver de nouveaux ennemis à l’étranger. C’est maintenant la Corée du Sud de Moon Jae-in qui remplace la Corée du Nord comme source de peur.
Par conséquent, Shinzo Abe fera tout pour inciter la population japonaise à percevoir la Corée du Sud de Moon Jae-in comme une ennemie. Au fait, le premier ministre japonais vient d’annoncer qu’il a ajouté des centaines de produits à la liste des produits dont les exportations vers la Corée feront l’objet de restrictions.
Shinzo Abe va encore plus loin. Il a dit qu’il envisage d’augmenter la liste des produits stratégiques que la Corée du Sud est soupçonnée d’avoir envoyé à la Corée du Nord.
Tout ceci a provoqué l’intensification du sentiment anti-Japon en Corée.
Plus de 70% de Coréens réclament des mesures de représailles contre le Japon.
Le nombre de Coréens qui veulent arrêter l’achat des biens importés du Japon augmente rapidement, et il y a un nombre croissant de magasins qui ne veulent plus vendre des biens japonais importés. Voici ce qui fera l’affaire de Shinzo Abe, car plus le sentiment anti-Japon s’intensifie en Corée, plus fort sera le sentiment anti-Corée au Japon.
Il va de soi que le gouvernement sud-coréen de Moon Jae-in doit réagir, mais sa tâche est d’autant plus difficile que le parti d’opposition conservateur tend à appuyer Shinzo Abe au lieu de collaborer avec le gouvernement sud-coréen.
Ce phénomène est pervers et inquiétant. C’est le moment de présenter un front commun contre l’offensive japonaise, mais une partie de la Corée tend à appuyer le Japon. Comment peut-on l’expliquer?
Si Shinzo Abe l’emporte aux élections du 21 juillet et s’assure d’un long règne, il va intensifier ses attaques contre Moon Jae-in.
De deux façons :
D’une part, il pourra aider le parti d’opposition, le Hangukdang (Liberty Korea Party-LKP), soit le parti pro-Japon, pour que ce dernier reprenne le pouvoir d’ici trois ans. Si ça devait arriver, il est plus que probable que la tension monte dans la péninsule coréenne. Shinzo Abe et le Hangukdang auront alors un ennemi commun, la Corée du Nord, ce qui augmentera leurs chances de victoires électorales.
D’autre part, ni Shinzo Abe ni le parti conservateur sud-coréen ne veut la paix dans la péninsule coréenne et l’unification des deux Corées. Ils veulent que la crise nucléaire continue, car cette crise facilite leurs chances de victoires électorales.
La Corée unifiée peut devenir suffisamment forte pour empêcher Shinzo Abe de réaliser son rêve de restaurer l’empire des années d’avant la Guerre du Pacifique.
Quant au Hangukdang, une Corée unifiée peut signifier une menace contre les privilèges largement monopolisés par les conservateurs en Corée du Sud.
Il faut se rappeler que les leaders conservateurs sud-coréens sont des descendants de fonctionnaires, de financiers, de juges et, surtout de policiers qui avaient à cœur, durant l’occupation japonaise en Corée, les intérêts du Japon au dépend des ceux de la Corée.
Aux yeux de Coréens, ces leaders sont des pro-japonais (chinilpa), des traîtres.
Or, pour des diverses raisons, ces pro-japonais ont gouverné pendant 60 ans depuis la libération de la Corée.
Par contre, les élites de la Corée du Nord sont des descendants des patriotes qui ont combattu le Japon et qui ont été capturés et torturés par les Coréens pro-japonais. Pour les coréens du Nord, les pro-japonais sud-coréens demeurent des ennemis. Les pro-japonais sud-coréens ne veulent rien savoir des Coréens du Nord.
Ce qui est très malheureux, c’est qu’il y a trois Corées: la Corée du Nord, la Corée du Sud pro-japonais et la Corée du Sud pro-Corée. Cet état des lieux rend faciles les manœuvres de Shinzo Abe pour diviser la Corée et pour faciliter son maintien au pouvoir.
3. En résumé
La guerre commerciale qu’a déclarée Shinzo Abe n’est pas dans les faits une guerre commerciale. Il s’agit plutôt du premier pas vers la restauration de l’empire japonais impérial et militaire de l’époque de son grand-père du côté maternel, Nobuske Kishi, accusé de crimes de guerre.
Le premier moyen choisi est la destruction de la Corée sous le gouvernement progressiste et libéral et le retour des conservateurs sud-coréens qui sont, dans un sens, l’extension des conservateurs japonais dirigé par Shinzo Abe.
Ce qui est inquiétant, c’est que Shinzo Abe a décidé cette aventure insensée malgré les impacts nocifs sur l’économie planétaire et la sécurité du monde.
Il est à espérer que le premier ministre japonais abandonne son rêve, demande pardon sincèrement pour les atrocités du passé, développe des rapports constructifs avec ses voisins, dont la Corée, et recommence à jouer un rôle positif comme le Japon l’a déjà fait pour encourager la prospérité et la paix du monde.
Joseph H. Chung
Photo en vedette : Capture d’écran
Le Président sud-coréen Moon Jae-in (gauche) et le Premier ministre japonais Shinzo Abe au sommet du G20 à Osaka le 28 juin 2019 Ludovic MARIN / POOL / AFP
Source :
http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20190705-tokyo-japon-sanctionne-industrie-coree-sud-semi-conducteurs
Professeur Joseph H. Chung est professeur des sciences économiques et co-directeur de l’Observatoire de l’Asie de l’Est du Centre d’Études sur l’Intégration et la Mondialisation (CEIM) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Il est Associé de Recherches du Centre de recherche sur la Mondialisation (CRM)