La guerre d’Irak se métamorphose en guerre d’Iran

C’est 1939 qui recommence. Le monde attend, impuissant, le prochain acte d’agression de la part des Etats voyous. Sauf que cette fois-ci, les Etats voyous ne sont pas le Troisième Reich et l’Italie Fasciste. Ce sont les Etats-Unis et Israël.

Les futures victimes ne sont pas la Pologne et la France, mais l’Iran, la Syrie, les restes de la Cisjordanie et le Sud-Liban.

Les médias américains sont fous de joie. La couverture de la guerre attire les téléspectateurs et fait vendre de la publicité.

Les néoconservateurs sont en extase. L’hégémonie « über alles » est de retour.

L’US Air Force est impatiente « de montrer ce qu’elle est capable de faire ».

Les contractants de la défense font des profits infinis.

Sous couvert de désordre et de propagande, Israël peut accaparer les restes de la Cisjordanie et faire une autre tentative pour mettre la main sur les ressources aquifères du Sud-Liban.

Contrairement aux Etats-Unis et à Israël, l’Iran n’occupe aucun territoire étranger, ni ne menace d’envahir un autre pays. Cela n’empêche pas les bouches étasuniennes et israéliennes de débiter à une vitesse croissante leur propagande contre l’Iran. Un mensonge après l’autre roule sur la langue des dirigeants des « deux grandes démocraties ».

Le 27 avril, l’Amiral Mike Mullen, président de l’état-major interarmes, a accusé l’Iran d’avoir une « influence maléfique et de plus en plus létale » en Irak. L’Amiral Mullen a-t-il oublié que ce sont les Etats-Unis, et non pas l’Iran, qui sont responsables d’au moins un million de morts irakiens et de quatre millions de déplacés, les « dommages collatéraux » d’une « guerre facile » qui est maintenant dans sa sixième année ?

Le 26 avril, le Washington Post a rapporté que « le Pentagone prépare des actions militaires potentielles » contre l’Iran. Le conseiller à la sécurité nationale du Régime de Bush dit que l’Iran est une menace en Irak, une accusation reprise sans fin par le secrétaire à la défense Robert Gates, la secrétaire d’Etat Rice, le vice-président Cheney et le président Bush. Les Etats-Unis, qui ont 150.000 soldats en Irak ne constituent pas une menace. Les troupes américaines protègent l’Irak de l’Iran, d’al-Qaïda et des Taliban. Il suffit de demander à FOX News !

Apportant sa contribution pour pousser à la guerre contre l’Iran, l’émission d’information de la TV américaine « 60 Minutes », a donné du temps d’antenne au commandant de l’Armée de l’Air d’Israël, le Général Eliezer Shkedi, qui a déclaré dans une interview spéciale que le président iranien Ahmadinejad était le nouvel Hitler et que nous ne devons pas refaire la même erreur de ne pas croire un Hitler. Il y a de meilleurs candidats pour ce rôle qu’Ahmadinejad !

Le Général Shkedi lui-même nous rappelle Hitler accusant la Pologne d’avoir commencé la deuxième guerre mondiale. Ahmadinejad n’a attaqué aucun pays, alors qu’Israël a envahi régulièrement ses voisins et poursuit ses occupations depuis 40 ans des territoires palestinien et syrien.

Ainsi que Noam Chomsky l’a écrit, le gouvernement des Etats-Unis pense qu’il est le propriétaire du monde (Chomsky aurait pu ajouter qu’Israël pense être propriétaire du Proche-Orient et de l’Amérique). Les Américains peuvent se vautrer dans l’indignation à propos de l’occupation du Tibet par la Chine et se satisfaire pleinement de leur occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. Israël peut disserter avec éloquence sur le « terrorisme palestinien », tandis que son armée et ses colons sionistes terrorisent les Palestiniens.

Les Américains ne voient aucune hypocrisie lorsque « leur » gouvernement accuse la Russie de s’opposer à l’incorporation de ses anciens satellites et éléments territoriaux dans une alliance militaire étasunienne.

Les Américains voient un destin manifeste, pas une agression de leur part, lorsque « leur » gouvernement largue des bombes sur la Serbie, l’Irak, l’Afghanistan, le Soudan et le Pakistan. Les Américains ne pensent pas qu’il s’agisse d’une agression lorsqu’ils mettent au point des plans de guerre pour attaquer l’Iran, la Chine ou la Corée du Nord, ou qui que ce soit d’autre, ou lorsqu’ils maintiennent des centaines de bases militaires partout sur la planète. Ces mêmes Américains qui deviennent hystériques à propos de « l’influence iranienne en Irak » et des « projets d’al-Qaïda d’amener la guerre en Amérique ».

Ainsi que Chomsky le dit : le monde nous appartient. Rien d’autre ne compte, sauf Israël.

Israël compte tellement que tous les candidats présidentiels ont déclaré leur volonté de répandre tout le sang américain et l’argent nécessaires « pour protéger Israël ». Il n’y a aucune limite à la promesse « de défendre Israël », peu importe ce qu’Israël fait, peu importe si Israël initie (encore et toujours) la guerre avec ses voisins, peu importe si Israël continue de chasser les Palestiniens de leurs maisons et de leurs villages afin de « créer un espace de vie » pour les Israéliens.

Avec cette sorte de promesse, pourquoi Israël devrait-il accepter moins que « le Grand Israël » ?

Exactement comme il a lancé son invasion illégale de l’Irak sur le dos de mensonges à propos d’armes de destruction massive et de champignons atomiques, le gouvernement étasunien prétend que s’il n’attaque pas l’Iran, l’Iran construira une arme nucléaire. Le Régime de Bush a appris à ne jamais se défaire d’un mensonge tant qu’il fonctionne.

Ce mensonge fonctionne pour le Congrès, les médias et une grande partie du public américains, mais il ne tient pas debout à l’étranger. Le 27 avril, le quotidien britannique, The Independent, répondait à la récente affirmation du gouvernement américain que l’installation attaquée en septembre dernier par Israël, dans un acte d’agression non déguisé, était un réacteur nucléaire construit par la Corée du Nord :

« Il n’y a aucun moyen indépendant de vérifier tout ceci, surtout depuis que cette installation a été détruite. Nous devons compter sur l’intégrité des services de renseignement israéliens et étasuniens. C’est là où nous rencontrons un problème. L’ancien secrétaire d’Etat Colin Powell avait présenté une preuve similaire au Conseil de Sécurité des Nations Unies en février 2003, montrant ce que l’on nous disait être une preuve sérieuse du stockage d’armes de destruction massive par l’Irak. Comme nous le savons tous, ces renseignements se sont avérés être bidons ».

Une guerre inutile, un pays détruit, tout ça pour des renseignements bidons !

Pourquoi devons-nous répéter notre crime en Iran ? Pourquoi persistons-nous dans notre crime en Irak ? Le 27 avril, McClatchy Newspapers rapportait que 50 dirigeants politiques irakiens, représentant de nombreux groupes politiques, dont des Sunnites, se sont rendus à Sadr City pour protester contre le siège par l’armée américaine. Pourquoi Sadr est-elle entièrement assiégée ?

[Muqtada al-Sadr] a appelé à l’arrêt du bain de sang entre Irakiens, à « notre libération et celle de notre terre des occupants », à « un vrai gouvernement et à une vraie souveraineté ». Cependant, pour le Régime de Bush, la rhétorique sur « la liberté et la démocratie » n’est rien d’autre qu’un masque derrière lequel imposer un gouvernement fantoche au service des Etats-Unis. Les véritables leaders irakiens, comme al-Sadr, sont des « terroristes » qui doivent être éliminés.

Pourquoi le peuple américain et « ses » représentants au Congrès continuent-ils de tolérer un Régime Bush criminel qui se sert de mensonges et de la propagande pour masquer ses actes d’agression flagrante, des crimes de guerre selon les normes de Nuremberg ?

Pourquoi le reste du monde continue-t-il de recevoir des représentants d’un gouvernement coupable de crimes de guerre ?

Que se passerait-il si le reste du monde disait aux Américains de fermer leurs bases, leurs ambassades, leurs opérations de la CIA et de rentrer chez eux ?

Les Américains auto-satisfaits considéreraient de telles exigences comme de l’effronterie ! Le monde nous appartient.

Article original : « The Iraq War Morphs Into the Iran War » , Counterpunch, 1er mai 2008.

Traduction: JFG pour Questions Critiques.



Articles Par : Dr. Paul Craig Roberts

A propos :

Paul Craig Roberts, former Assistant Secretary of the US Treasury and Associate Editor of the Wall Street Journal, has held numerous university appointments. He is a frequent contributor to Global Research. Dr. Roberts can be reached at http://paulcraigroberts.org

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