La guerre en Irak est-elle finie ?

 

Le 27 octobre 2008 le  » parlement  » irakien a approuvé  » l’accord de sécurité  » entre Bagdad et Washington. Cette approbation est l’épilogue temporaire d’une question centrale qui concerne les relations entre l’Irak et ses occupants.

Quand les Etats-Unis ont envahi le pays en 2003 sans l’accord de l’ONU, la question juridique de l’occupation a été immédiatement posée, mais, dès la fin des combats les principales puissances ont avalisé cette invasion par la résolution 1483 de mai 2003. L’occupation fut légalisée jusqu’au 31 décembre 2008. Cette échéance approchant le gouvernement Bush finissant devait trouver une solution pour prolonger son œuvre. Ce fut l’accord signé dernièrement.

Ce texte prévoit un retrait des forces combattantes américaines d’ici 2011. C’est pourtant loin d’être la fin de l’occupation puisque les Etats-Unis garderont, en sous-main, la haute main sur le pays…

Reste que 2008 marque d’une certaine façon la fin de puissance mondiale des Etats-Unis. La crise financière plus encore que le coût de l’occupation est un abîme sans fond pour Washington qui a perdu son statut de superpuissance.

1) Vers la stabilisation ?

Les années 2007 et 2008 se sont traduites sur le terrain par une indéniable baisse de la violence.

Il faut rappeler que la période précédente était si critique qu’aucune autorité n’avait pu s’installer sur tout le territoire. Au contraire, de multiples acteurs armés s’affrontaient par attentats, fusillades et milices interposés. Une guerre inter-communautaire avait même éclaté entre Chiites et Sunnites, sans oublier les manœuvres des Kurdes profitant de leur alliance avec les USA pour étendre leur zone d’influence politique, notamment dans la ville de Kirkouk…

Pris en tenaille entre les insurgés nationalistes, sunnites et islamistes (ouest) et les actions des Chiites nationalistes de l’armée du Mahdi (sud et centre) les occupants perdent alors plusieurs dizaines de soldats chaque mois sans contrôler pour autant l’Irak. Obligés se s’appuyer sur les milices kurdes et les Chiites pro-iraniens, les Américains s’enfoncent dans un conflit qui génère un coût humain, politique, humanitaire et financier exorbitant. Le prix Nobel d’économie J. Stiglitz évalue le coût de la guerre à plus de 3 000 milliards de dollars (sic) si on compte le coût direct et à venir de l’occupation.

En décembre 2006 les Républicains encaissent une défaite électorale majeure aux élections législatives. Cette victoire des Démocrates pourtant favorables à l’invasion de 2003 préfigure le succès de B. Obama, à l’époque élu local opposé à l’invasion. Aujourd’hui G. Bush lui-même admet ses erreurs et reconnaît avoir été dépassé par la gestion d’une guerre digne de celle du Vietnam…

Début 2007, une autre stratégie est plus que nécessaire pour éviter une complète défaite des occupants et surtout une implosion totale de l’Irak où des combats opposent nationalistes du Baas aux affidés de Ben Laden côté sunnite et Chiites nationalistes et Chiites pro-iraniens ailleurs…

Les années 2007 et 2008 se sont traduites sur le terrain par une indéniable baisse de la violence.

Il faut rappeler que la période précédente était si critique qu’aucune autorité n’avait pu s’installer sur tout le territoire. Au contraire, de multiples acteurs armés s’affrontaient par attentats, fusillades et milices interposés. Une guerre inter-communautaire avait même éclaté entre Chiites et Sunnites, sans oublier les manœuvres des Kurdes profitant de leur alliance avec les USA pour étendre leur zone d’influence politique, notamment dans la ville de Kirkouk…

les Américains s’enfoncent dans un conflit qui génère un coût humain,

politique, humanitaire et financier exorbitant

Pris en tenaille entre les insurgés nationalistes, sunnites et islamistes (ouest) et les actions des Chiites nationalistes de l’armée du Mahdi (sud et centre) les occupants perdent alors plusieurs dizaines de soldats chaque mois sans contrôler pour autant l’Irak. Obligés se s’appuyer sur les milices kurdes et les Chiites pro-iraniens, les Américains s’enfoncent dans un conflit qui génère un coût humain, politique, humanitaire et financier exorbitant. Le prix Nobel d’économie J. Stiglitz évalue le coût de la guerre à plus de 3 000 milliards de dollars (sic) si on compte le coût direct et à venir de l’occupation.

En décembre 2006 les Républicains encaissent une défaite électorale majeure aux élections législatives. Cette victoire des Démocrates pourtant favorables à l’invasion de 2003 préfigure le succès de B. Obama, à l’époque élu local opposé à l’invasion. Aujourd’hui G. Bush lui-même admet ses erreurs et reconnaît avoir été dépassé par la gestion d’une guerre digne de celle du Vietnam…

Début 2007, une autre stratégie est plus que nécessaire pour éviter une complète défaite des occupants et surtout une implosion totale de l’Irak où des combats opposent nationalistes du Baas aux affidés de Ben Laden côté sunnite et Chiites nationalistes et Chiites pro-iraniens ailleurs…
 

2) La stratégie Petraeus

    Le général Petraeus est nommé sur place pour limiter les dégâts. Il a étudié de près les causes de la défaite américaine au Vietnam. Pour lui, le manque de soutien des civils à l’occupation est une cause des échecs américains à l’étranger. Reprenant une vieille idée des Britanniques dans les années 1920 (appliquée aussi par S. Hussein) il décide de salarier les chefs de tribus sunnites qui, jusqu’en 2007, soutiennent la résistance devant la brutalité des occupants. Contre des millions de dollars ces insurgés obéissant à des chefs locaux sont sensés se retourner contre les groupes proches d’al-Qaïda qui visent davantage les Chiites et les élites locales que les Américains.

     Malgré des ratés (certains chefs quittent le pays avec l’argent distribués) cette politique obtient de plus en plus de résultats même si les Américains contrôlent très superficiellement ces milices dites  » Sawa  » ( » réveil « ). Une partie de la résistance nationaliste s’y rallient même en apparence pour se cacher, toucher l’argent et surtout s’armer face au  » gouvernement  » dominé par les Chiites pro-iraniens coupables d’avoir éliminer de nombreux sunnites.

    De plus, c’est une occasion pour les élites sunnites de se débarrasser des multiples groupuscules djihadistes qui multiplient les massacres de  » mauvais musulmans « .

    Péniblement cette stratégie calme relativement l’ouest de l’Irak où les soldats us sont moins exposés directement que par le passé. Moins de groupes les visent même si les opérations de la résistance ne cessent nullement.

     Dans le reste du pays, la milice chiite la plus opposée aux occupants, l’Armée du Mahdi de M. al-Sadr, décide d’observer un cessez-le-feu à partir d’août 2007. Le chef nationaliste constate qu’une partie de ses troupes lui échappe et que certains de ses partisans supposés participent à l’expulsion de Sunnites, font du banditisme, etc. Partisan d’un Irak uni et pluriconfessionnel, M. al-Sadr met ce cessez-le-feu à profit pour réorganiser ses troupes. Cette politique contribue à réduire la violence et les pertes américaines. Malgré des affrontements avec les forces du  » gouvernement  » en rivalité politique avec Sadr en mars 2008 la situation a tendance à se calmer par rapport aux années précédentes.

     La stabilisation de l’Irak est donc réelle, mais uniquement par rapport au chaos des années 2005-2006 car dans l’absolu la violence reste très élevée avec des attentats, des meurtres, des enlèvements qui minent le quotidien des Irakiens. Les pertes us, même réduites s’élèvent toujours à environ 15 ou 20 tués par mois.

    Récemment, des milliers de Chrétiens ont du fuir la ville de Mossoul où les autorités locales étaient incapables de les protéger face à un intégrisme agressif…

     L’Irak reste un pays ruiné et très meurtri par une occupation qui a vite entraîné une guerre civile rampante avec de multiples épisodes violents où occupants, milices, groupes armés et islamistes s’affrontent dans les territoires contestés. 

Ruinés par la crise financière, atteints par les contrecoups d’une sale guerre et surtout déstabilisés par la haine que leur voue la majorité des terriens, les Etats-Unis envisagent donc bel et bien un retrait d’Irak. C’est le sens de  » l’accord de sécurité  » signé entre le gouvernement irakien et les occupants. Les media répètent que le retrait d’Irak sera achevé en 2011 et que les soldats auront quitté les villes en 2009.

Il faudra vérifier si ce calendrier sera respecté, mais surtout être attentif aux soldats occidentaux qui vont rester sur place dans des bases qui risquent d’être nombreuses (elles sont plus de 400 aujourd’hui). De plus, l’article 27 de l’accord stipule que les Américains pourront intervenir militairement si leurs intérêts sont menacés en Irak. Bagdad restera donc un pays semi-indépendant prisonnier non seulement des anciens occupants mais aussi de ses voisins arabes sunnites (Arabie Saoudite) et perses chiites (l’Iran).

Au mieux  » l’accord de sécurité  » fait revenir l’Irak aux années 1930 quand les Britanniques dirigeaient en sous-main le pays. Au pire la Mésopotamie restera cette zone grise où soldats et mercenaires occidentaux agissent impunément au nom des multinationales…

De plus, l’accord garantit une impunité totale aux occidentaux armés qui ont agit en Irak depuis 2003 (article 12), or, mercenaires et soldats sont déjà soupçonnés ou coupables de multiples exactions rarement poursuivies aux Etats-Unis comme ailleurs…

Et que dire de la question pétrolière ?

La controversée loi sur le pétrole est un  » progrès  » évident par rapport à l’époque où l’Irak exploitait et vendait sans intermédiaire son or noir. Ce  » progrès  » l’est évidemment pour les majors anglo-saxonnes qui, en cheville avec les occupants, exploitent à leur guise les immenses richesses du pays (les deuxième réserves mondiales).

Ce retrait en trompe-l’œil fait dire à ceux qui connaissent l’histoire de l’Irak que les Américains quitteront vraiment l’Irak uniquement sous le coup de la résistance sous toute ses formes. Les Britanniques ne quittèrent le terrain que contraints et forcés… Pour l’heure la nouvelle administration us veut évidemment poursuivre une politique de puissance sur place, comme à l’époque de Clinton où le pays agonisait sous les coups des bombardements et de l’embargo.

Ce triste constat explique l’opposition des Irakiens nationalistes à ce texte. Au  » parlement  » irakien, seuls les députés proches de M. al-Sadr (leader nationaliste chiite) ont manifesté leur opposition en arguant que le retrait est tardif et partiel et surtout que l’impunité pour les occupants reste totale. 
 

3. L’autre bilan de la guerre : l’Irak au fond du gouffre

Il n’en demeure pas moins que l’invasion de 2003 est un évident échec.

Outre le nombre de soldats tués sur place (plus de 4 200 américains à la fin de 2008), il y a aussi les dizaines de milliers de mutilés qui hantent les Etats-Unis. Et que dire des centaines de milliers d’anciens soldats qui rentrent au pays traumatisés et victimes de troubles mentaux qui les poussent parfois à la violence ? Plus d’un million de soldats américains ont séjournés en Irak or, entre 30 et 50 % d’entre eux ont des symptômes de maladies mentales liées à leur action sur place…

Mais cette réalité ne concerne que les Occidentaux encore relativement bien pris en charge dans leur pays, le bilan le plus lourd et le moins visible reste le nombre de victimes irakiennes qui dépasse sans doute le million.

En effet le calcul des victimes de l’occupation n’est pas aisé, mais le nombre de morts varie entre 500 000 et 650 000, à cela il faut ajouter le déficit de naissances, les gens morts prématurément faute de soins (sans doute 250 000 personnes supplémentaires).

Il y a aussi les blessés temporaires ou définitifs. Les prisonniers souvent maltraités par occupants et/ou torturés par les milices  » gouvernementales « . L’accord de sécurité prévoit même le transfert des 22 000 détenus de la résistance aux  » autorités  » irakiennes. Il y a fort à parier pour que ces 22 000 accusés soient en grand danger !

Les Américains ont aussi été indifférents aux pillages lors de la chute de Bagdad et passifs face aux affrontements sanglants entre Irakiens.

De plus, des millions de civils ont fuit leur habitation : des millions de réfugiés ont trouvé un abri précaire dans d’autres régions ou à l’étranger (Syrie et Jordanie).

Le désastre est aussi social car la tyrannie du Baas avait au moins eu l’avantage de scolariser massivement les enfants et avait donné des opportunités professionnelles aux Femmes. Aujourd’hui moins de 40 % des enfants irakiens sont scolarisés et les Femmes sont régulièrement enlevées, menacées, violées, agressés…

Le prétendu retrait des occupants va donc laissé un pays exsangue 

La vie quotidienne en Irak varie selon les mœurs et les opinions de la puissance locale : tribus dans l’ouest, milices chiites au sud, occupants dans la capitale, milices kurdes au nord ne sont pas tendres avec ceux qu’ils soupçonnent d’insoumission…

Le prétendu retrait des occupants va donc laissé un pays exsangue, avec une économie largement désorganisée et pillée par les  » réformes  » ultralibérales de Paul Bremer et de ses successeurs. L’Irak est un pays où le pétrole est détourné par les Occidentaux, où l’argent qui circule est accaparé par les milices  » gouvernementales  » et où la supposée  » justice  » est au service des plus forts. Plus grave à long terme : les élites formées à l’époque de S. Hussein ont fuit le pays depuis des années ou ont été victimes d’étranges  » meurtres ciblés  » qui ont décimés les rangs des médecins et autres ingénieurs…

Pire encore, le pays est morcelé en principautés qui s’affrontent pour les zones disputées : la ville de Bassorah au sud est régulièrement secouée par des combats entre groupes chiites (pas moins d’une dizaine) qui veulent profiter du retrait des Anglais et s’enrichir avec la contrebande de pétrole. Au nord, la ville de Kirkouk est aux mains des milices kurdes qui expulsent discrètement les non kurdes (Arabes et Turcomans). Ailleurs les tensions entre Chiites et Sunnites varient d’un endroit à l’autre après de déménagement ou le massacre de milliers de civils…



Articles Par : Denis Gorteau

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