La guerre et le gaz naturel : l’invasion israélienne et les gisements de Gaza en mer
Il y a presque quinze ans, en décembre 2008, Israël envahissait Gaza dans le cadre de l’opération « Plomb durci » (2008-2009).
L’article suivant a été publié pour la première fois en anglais par Global Research en janvier 2009, au plus fort des bombardements et de l’invasion israéliens dans le cadre de l’opération « Plomb durci ».
Note de l’auteur et mise à jour
Tôt le samedi 7 octobre 2023, le Hamas a lancé l’opération « Tempête Al-Aqsa », dirigée par son chef militaire Mohammed Deif. Le même jour, Netanyahou a confirmé un soi-disant « état de préparation à la guerre ».
Israël a maintenant (7 octobre 2023) officiellement déclaré une guerre illégale contre la Palestine.
Les opérations militaires sont toujours planifiées longtemps à l’avance. L’opération « Tempête Al-Aqsa » était-elle une « attaque surprise » ? Netanyahou et son vaste appareil de renseignement militaire avaient-ils connaissance de l’attaque du Hamas ?
Un plan soigneusement formulé pour mener une guerre totale contre la Palestine a-t-il été envisagé avant le lancement de l’opération « Tempête sur Al-Aqsa » ?
Selon le Dr Philip Giraldi,
« En tant qu’ancien agent du renseignement, il m’est impossible de croire qu’Israël ne disposait pas de multiples informateurs à l’intérieur de Gaza, ainsi que de dispositifs d’écoute électronique tout au long du mur frontalier, qui auraient permis de repérer les mouvements de groupes et de véhicules.
[Netanyahou avait-il connaissance de l’évolution de la situation à Gaza et a-t-il choisi de la laisser se produire afin de pouvoir rayer Gaza de la carte… en guise de représailles ?
Il faut également comprendre que la déclaration de guerre illégale de Netanyahou contre Gaza, le 7 octobre 2023, s’inscrit dans la continuité de l’invasion de Gaza en 2008-2009 dans le cadre de l’opération « Plomb durci ». L’objectif sous-jacent est l’occupation militaire pure et simple de Gaza par les forces israéliennes de défense et l’expulsion des Palestiniens de leur terre natale (patrie).
Retour en arrière : Opération « Plomb durci » (2008-2009)
Gaza appartient à la Palestine. En décembre 2008, les forces israéliennes ont envahi la bande de Gaza dans le cadre de l’opération « Plomb durci ». Cette invasion a été justifiée par « des activités terroristes persistantes et une menace constante de missiles en provenance de la bande de Gaza et dirigés contre des civils israéliens ».
Quel était l’objectif caché ?
L’opération « Plomb durci » avait pour but de confisquer les réserves maritimes de gaz naturel de la Palestine.
Au lendemain de l’invasion, les gisements de gaz palestiniens ont été confisqués de facto par Israël, en violation du droit international.
Un an après l’opération « Plomb durci », Tel-Aviv a annoncé la découverte du champ de gaz naturel Leviathan en Méditerranée orientale « au large des côtes israéliennes ».
À l’époque, ce champ gazier était « … le champ le plus important jamais découvert dans la zone sous-explorée du bassin Levantin, qui couvre environ 83 000 kilomètres carrés de la région de la Méditerranée orientale ». (i)
Si l’on ajoute à cela le gisement de Tamar, situé au même endroit et découvert en 2009, les perspectives sont celles d’une manne énergétique pour Israël, pour Noble Energy, basée à Houston (Texas), et pour ses partenaires Delek Drilling, Avner Oil Exploration et Ratio Oil Exploration. (Voir Felicity Arbuthnot, Israel : Gas, Oil and Trouble in the Levant, Global Research, 30 décembre 2013).
Les champs gaziers de Gaza font partie de la zone d’évaluation du Levant.
Ce qui s’est passé, c’est l’intégration de ces champs gaziers adjacents, y compris ceux qui appartiennent à la Palestine, dans l’orbite d’Israël. (Voir la carte ci-dessous)
Il est important de souligner que l’ensemble du littoral de la Méditerranée orientale, qui s’étend du Sinaï égyptien à la Syrie, constitue une zone comprenant d’importantes réserves de gaz et de pétrole.
Michel Chossudovsky, Global Research, le 8ctobre 2023
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L’article suivant a été publié initialement le 12 janvier 2009.
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L’invasion militaire de la Bande de Gaza par les Forces israéliennes, est directement liée à la possession et au contrôle de réserves stratégiques de gaz en mer.
Il s’agit d’une guerre de conquête: on a découvert de vastes réserves de gaz au large du littoral de Gaza en 2002.
Dans un accord signé en novembre 1999, l’Autorité palestinienne (AP) a garanti des droits de prospection de gaz et de pétrole d’une durée de 25 à British Gas (BG Group) et son partenaire situé à Athène Consolidated Contractors International Company (CCC), une propriété des familles libanaises Sabbagh et Koury.
Ces droits sur les gisements de gaz en mer sont de 60 % pour British Gas, de 30 % pour Consolidated Contractors, et de 10 % pour le Fonds d’investissement palestinien. (Haaretz, 21 octobre 2007)
L’accord AP-BG-CCC inclut l’exploitation des gisements et la construction d’un gazoduc. (Middle East Economic Digest, 5 janvier 2001)
La licence de BG couvre toute la zone maritime située au large de Gaza, laquelle est contigüe à plusieurs installations gazières israéliennes. (Voir la carte ci-dessous). Il convient de souligner que 60 % des réserves de gaz le long du littoral de Gaza et d’Israël appartient à la Palestine.
BG Group a foré deux puits en 2000 : Gaza Marine-1 et Gaza Marine-2. British Gas estime que les réserves sont de l’ordre de 1,4 billions de pieds cubes, évaluées à environ 4 milliards de dollars. Ce sont les chiffres publiés par British Gas. La dimension des réserves de gaz palestiniennes pourrait s’avérer largement supérieure.
Carte 1
Qui possède les réserves de gaz?
La question de la souveraineté sur les gisements gaziers de Gaza est cruciale. D’un point de vue légal, ces réserves appartiennent à la Palestine.
La mort de Yasser Arafat, l’élection du gouvernement du Hamas, ainsi que la débâcle de l’Autorité Palestinienne ont permis à Israël de prendre de facto le contrôle de ces réserves.
British Gas (BG Group) a négocié avec le gouvernement de Tel-Aviv. En revanche, le gouvernement du Hamas n’a pas été consulté en ce qui a trait à la prospection et l’exploitation des gisements gaziers.
L’élection du premier ministre Ariel Sharon en 2001 fut un tournant majeur dans cette affaire. À l’époque, la souveraineté de la Palestine sur les réserves gazières en mer était contestée à la Cour suprême d’Israël. M. Sharon affirmait sans ambiguïté qu´« Israël n’achèterait jamais de gaz de la Palestine», suggérant ainsi que les réserves marines de Gaza appartenaient à Israël.
En 2003, Ariel Sharon a opposé son veto à un premier accord, qui aurait permis à British Gas d´approvisionner Israël en gaz naturel provenant des puits marins de Gaza. (The Independent, 19 août 2003).
La victoire électorale du Hamas en 2006 a contribuer à la chute de l’Autorité Palestinienne, par conséquent confinée à la Cisjordanie sous le régime mandataire de Mahmoud Abbas.
En 2006, British Gas «était sur le point de signer un accord pour acheminer le gaz en Égypte. » (Times, 28 mai 2007). Selon les reportages, le premier ministre britannique de l’époque, Tony Blair est intervenu pour le compte d’Israël pour faire capoter l’accord avec l’Égypte.
L’année suivante, en mai 2007, le Cabinet israélien a approuvé une proposition du premier ministre Ehud Olmert, « d’acheter du gaz de l’Autorité Palestinienne.» Le contrat proposé était de 4 milliards de dollars et les profits envisagés à 2 milliards de dollars, dont un milliard irait aux Palestiniens.
Toutefois, Tel-Aviv n’avait aucune ‘intention de partager ses recette avec la Palestine. Une équipe de négociateurs israéliens a été constituée par le Cabinet israélien afin d’arriver à un accord avec le BG Group en écartant à la fois le gouvernement du Hamas et l’Autorité Palestinienne:.
«Les autorités de la Défense israéliennes veulent que les Palestiniens soient payées en biens et en services, et insistent pour que le gouvernement du Hamas ne reçoive aucun argent.» (Ibid, souligné par l’auteur.)
L’objectif était avant tout de rendre caduc le contrat signé en 1999 entre le groupe BG Group et l’Autorité Palestinienne., alors sous Yasser Arafat.
En vertu de l’accord proposé en 2007 avec BG, le gaz palestinien des puits marins de Gaza devait être acheminé au port israélien d’Ashkelon par un gazoduc sous-marin, transférant ainsi à Israël le contrôle de la vente du gaz naturel.
Le plan a échoué et les négociations ont été suspendues :
«Le chef du Mossad, Meir Dagan, s´est opposé à la transaction pour des raisons de sécurité, craignant que les recettes engrangées ne servent à financer le terrorisme (Membre de la Knesset Gilad Erdan, allocution à la Knesset sur « Les intentions du vice-premier ministre Ehud Olmert d’acheter du gaz des Palestiniens alors que les paiements profiteront au Hamas», 1er mars 2006, cité dans l´article du lieutenant-gé néral (à la retraite) Moshe Yaalon, Does the Prospective Purchase of British Gas from Gaza’s Coastal Waters Threaten Israel’s National Security? Jerusalem Center for Public Affairs, octobre 2007)
L’intention d´Israël était d’éviter la possibilité que des redevances soient payées aux Palestiniens. En décembre 2007, BG Group s´est retiré des négociations avec Israël, et, en janvier 2008, ils ont fermé leur bureau en Israël. (site Internet de BG).
Le plan d’invasion à l´étude
Selon des sources militaires israéliennes, le plan d’invasion de la bande de Gaza, nommé l’«Opération Cast Lead» (Opération Plomb durci) a été mis en branle en juin 2008 :
« Des sources de la Défense ont déclaré qu’il y a six mois [en juin ou avant], le ministre de la Défense Ehoud Barak a demandé aux Forces Israéliennes de se préparer pour cette opération, bien qu´Israël ait commencé à négocier un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. (Barak Ravid, Operation « Cast Lead »: Israeli Air Force strike followed months of planning, Haaretz, 27 décembre 2008)
Durant ce même mois, les autorités israéliennes ont contacté British Gas afin de reprendre des négociations cruciales relativement à l’achat du gaz naturel de Gaza :
« Les directeurs général du Trésor et du ministère des Infrastructures nationales Yarom Ariav et Hezi Kugler ont convenu d’informer BG qu’Israël souhaitait renouer les pourparlers.
Les sources ont ajouté que BG n’a pas encore répondu officiellement à la requête d’Israël, mais que des cadres de la compagnie viendraient probablement en Israël dans quelques semaines afin de discuter avec des officiels du gouvernement. » (Globes online- Israel’s Business Arena, 23 juin 2008)
Chronologiquement, la décision d’accélérer les négociations avec British Gas (le Groupe BG) coïncidait avec la planification de l’invasion de Gaza amorcée en juin. Il semble qu’Israël s’empressait de conclure un accord avec BG Group avant l’invasion, dont la planification était déjà à un stade avancé.
Qui plus est, ces négociations étaient menées par le gouvernement d’Ehoud Olmert, qui était au courant qu’une invasion militaire était planifiée. Selon toute vraisemblance, le gouvernement israélien envisageait aussi un nouvel accord politico-territorial « d’après-guerre » pour la bande de Gaza.
En fait, les négociations entre British Gas et les officiels israéliens étaient en cours en octobre 2008, soit 2 à 3 mois avant le début des bombardements le 27 décembre.
En novembre 2008, les ministères israéliens des Finances et des Infrastructures nationales ont sommé Israel Electric Corporation (IEC) d’entamer des négociations avec British Gas concernant l’achat de gaz naturel de ses concessions en mer à Gaza. (Globes, 13 novembre 2008)
Yarom Ariav, directeur général du ministère des Finances, et Hezi Kugler, directeur général du ministère des Infrastructures Nationales, ont écrit récemment à Amos Lasker, chef de la direction d´IEC, l’informant de la décision du gouvernement de permettre aux négociations d’aller de l’avant, conformément à la proposition cadre approuvée plus tôt cette année.
Il y a quelques semaines, le conseil d´administration d´IEC, dirigé par le président Moti Friedman, a approuvé les principes de la proposition cadre. Les pourparlers avec BG Group commenceront dès que le conseil d´administration approuvera l’exemption pour l´offre. (Globes, 13 novembre 2008)
Gaza et la géopolitique de l’énergie
L’occupation militaire de Gaza a pour but de transférer la souveraineté des gisements gaziers à Israël, en violation du droit international.
À quoi pouvons-nous nous attendre après l’invasion ?
Quelle est l’intention d’Israël en ce qui concerne le gaz naturel de la Palestine ?
Y aura-t-il un nouvel arrangement territorial, avec le stationnement de troupes israéliennes et/ou la présence de « forces de maintien de la paix » ?
Assisterons-nous à la militarisation de la totalité du littoral de Gaza, lequel est stratégique pour Israël ?
Les gisements gaziers palestiniens seront-ils purement et simplement confisqués, et la souveraineté israélienne sur les zones maritimes de la bande de Gaza sera-t-elle déclarée unilatéralement?
Si cela devait arriver, les gisements gaziers de Gaza seraient intégrés aux installations adjacentes d’Israël en mer. (Voir la carte 1 ci-dessus).
Ces diverses installations en mer sont aussi reliées au couloir de transport énergétique d´Israël, qui se prolonge du port d’Eilat, port maritime terminal du pipeline sur la Mer Rouge, au terminal du pipeline à Ashkelon, et vers Haïfa au nord. Le corridor se rattacherait éventuellement par un pipeline israélo-turc, actuellement à l’étude, au port turc de Ceyhan.
Ceyhan est le terminal du pipeline Trans-Caspien Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC). « On envisage la liaison du pipeline BTC au pipeline Trans-Israel Eilat-Ashkelon, aussi connu sous le nom d’Israel´s Tipline. » (Voir Michel Chossudovsky, The War on Lebanon and the Battle for Oil, Global Research, 23 juillet 2006).
Lire l’article original en anglais : War and Natural Gas: The Israeli Invasion and Gaza’s Offshore Gas Fields
Traduction: Pétrus Lombard. Révisée par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.
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À propos de l’auteur
Michel Chossudovsky est un auteur primé, professeur d’économie (émérite) à l’Université d’Ottawa, fondateur et directeur du Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), Montréal, rédacteur en chef de Global Research.
Il a entrepris des recherches sur le terrain en Amérique latine, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique subsaharienne et dans le Pacifique et a beaucoup écrit sur les économies des pays en développement en mettant l’accent sur la pauvreté et les inégalités sociales. Il a également entrepris des recherches en économie de la santé (Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPA), FNUAP, ACDI, OMS, gouvernement du Venezuela, John Hopkins International Journal of Health Services (1979, 1983)
Il est l’auteur de douze livres dont The Globalization of Poverty et The New World Order (2003) – La mondialisation de la pauvreté, America’s « War on Terrorism » (2005) – Guerre et Mondialisation, The Globalization of War, America’s Long War against Humanity (2015).
Il collabore à l’Encyclopédie Britannica. Ses écrits ont été publiés dans plus de vingt langues. En 2014, il a reçu la médaille d’or du mérite de la République de Serbie pour ses écrits sur la guerre d’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie. On peut le joindre à [email protected]
Voir en anglais : Michel Chossudovsky, Notice biographique
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