La hantise de Bush
Ces jours-ci, la Maison-Blanche est plus nerveuse qu’habituellement. La cause de cette inquiétude est un ex-agent secret dont l’identité a été révélée à des journalistes par un et peut-être deux ou trois membres du personnel politique croisant quotidiennement le président Bush et le vice-président Dick Cheney. Depuis que le monde entier a appris que Valerie Plame étaient les nom et prénom d’un agent de la CIA, une enquête a été menée, un procès se poursuit.
L’affaire est grave, si grave que toute infraction à la loi protégeant l’identité de certains fonctionnaires des services américains de renseignements est passible de 25 ans d’emprisonnement. Actuellement, Lewis Libby est le seul accusé dans cette histoire. Il y a quelques mois encore, il était directeur de cabinet de Cheney jusqu’à ce qu’il soit dans l’obligation de remettre sa démission lorsque le procureur fédéral Patrick Fitzgerald a affirmé qu’il était à l’origine du dévoilement de l’emploi de Plame.
Cette dernière, il faut le souligner, est la femme d’un vétéran de la diplomatie américaine, Joseph Wilson. À la demande de la CIA, Wilson s’était rendu au Niger en 2002 pour déterminer si oui ou non Saddam Hussein avait tenté d’acheter de l’uranium. Sa conclusion? Pas du tout. Malgré les mises en garde des patrons de la CIA, Bush affirma dans son discours sur l’état de l’Union de janvier 2003 que l’ex-dictateur irakien avait de l’uranium du Niger dans ses cartons.
Au début de l’été 2003, Wilson signe une lettre ouverte dans le New York Times dans laquelle il pose la question suivante: «L’administration Bush a-t-elle manipulé les informations [de la CIA] sur les armes de destruction massive d’Hussein afin de justifier l’invasion de l’Irak?». Quinze jours après la publication de ce texte, l’identité de Plame est révélée.
Si Libby reconnaît avoir mentionné le nom de Plame lors des discussions avec des journalistes, il assure ne pas avoir été le premier. Son handicap? À titre de directeur de cabinet de Cheney, il était chargé du dossier armes de destruction massive. Autrement dit, il était au coeur de la collecte de renseignements fournis par la CIA et de leur… manipulation.
Cela étant, on retiendra que le procureur s’approche lentement mais sûrement de Karl Rove, réputé être expert en basses oeuvres auprès de Bush. Au cours des audiences, dont seul Libby est le sujet pour l’instant, l’ex-journaliste Matthew Cooper de Time Magazine a précisé que Rove avait été le premier à lui parler de Plame et que Libby n’avait fait que confirmer.
Le témoignage de Cooper corroborant ceux fournis par d’autres, plus d’un observateur se demande comment il se fait que Rove ne soit pas lui aussi sur la sellette. Certains vont jusqu’à laisser entendre que tout a été fait jusqu’à présent pour qu’un seul individu porte le chapeau ou plutôt que tout a été fait pour protéger Rove et préserver ainsi le président. Car s’il était démontré que l’ordre de lever le voile sur Plame a été donné à la Maison-Blanche, alors une procédure de destitution s’ensuivrait. Bref, les mensonges de Bush reviennent enfin le hanter.