La liberté de l’internet et la réforme des droits d’auteur: La mort suspicieuse d’Aaron Schwartz

Le Wall Street Journal titrait “Un activiste de l’internet se suicide”.

Le médecin examinateur de New York a annoncé la mort par un laconique: “s’est pendu dans son appartement de Brooklyn”.

Des suspicions demeurent. Pourquoi quelqu’un ayant tant à donner en finirait-il de la sorte ? Il était un des meilleurs et des plus intelligents de la génération internet.

Il était le défenseur de la liberté en ligne. Il recherchait de manière altruiste un monde ouvert et libre meilleur. L’information se devait d’être libre, d’accès libre, croyait-il. Il avait une légion de supporteurs dans le monde entier.

Vivant, il symbolisait une lutte vitale à poursuivre. La mort va sans doute l’élever au rang de martyr, mais cela enlève une figure clé qui se devait de rester en vie.

Le New York Times a titré “Un activiste de l’internet, créateur du RSS, retrouvé mort à 26 ans, apparemment dû à un suicide”.

Il était un héros populaire de l’internet. Il soutenait la liberté en ligne et une réforme des droits d’auteur. Il soutenait des sites internet libres et ouverts. Il était le champion d’une cause vitale. Il travaillait sans relâche à cette fin.

Le fondateur d’Internet Archive Brewster Kahle l’a appelé “inébranlable dans sa motivation à bâtir un monde meilleur et plus ouvert. Il est parmi les meilleurs esprits de cette génération internet”.

Qui va le remplacer maintenant qu’il n’est plus ? Il disait que verrouiller le domaine public était un pêché. Il travailla sans relâche pour prévenir cela.

En Juillet 2011, il fut arrêté. A cette époque, il téléchargeait de vieux articles universitaires. Il fut accusé de violer les lois fédérales sur le hacking. Le Massachussetts Institute of Technology (MIT) lui avait donné un compte sur invitation pour qu’il le fasse.

Il a développé RSS et fut un co-fondateur de Reddit, site internet d’information de réseau social.

Il fut retrouvé mort quelques semaines avant son procès. Il fut ciblé parce qu’il faisait ce qu’il fallait faire. Il ne volait pas et ne faisait aucun bénéfice. C’était un partageur. Son activisme était au delà des mots.

L’Electronic Frontier Foundation (EFF) défend la liberté sur l’internet, la liberté de parole, la vie privée, l’innovation et les droits des consommateurs. Elle est la championne de l’intérêt public dans chaque bataille critique qui s’applique aux droits digitaux.

Le 12 Janvier, elle titrait “Adieu Aaron Schwartz, activiste et hacker extraordinaire”. Elle l’appela “un ami cher et collaborateur”. Une tragédie mit fin à sa vie.

Des questions vitales demeurent sans réponses. Les supporteurs demandent des réponses, ainsi que les membres de sa famille. Ils accusent les procureurs pour ce qu’il s’est passé. Leur déclaration suite à son décès dit ceci:

“La mort d’Aaron n’est pas simplement une tragédie personnelle. C’est le produit d’un système de justice criminel pourri d’intimidation et d’abus de pouvoir procédurier. Les décisions prises par les officiels du bureau du procureur du Massachussetts et du MIT ont contribué à sa mort.”

Schwartz a fait autant si ce n’est plus que quiconque pour rendre l’internet ce qu’il est: un écosystème de connaissance libre et excitant. Il s’est battu pour le garder de la sorte. Il a défié des lois répressives concernant l’internet.

Il créa DemandProgress, qui “travaille pour gagner des changement de politiques progressistes pour les gens ordinaires en organisant un lobbying populaire”, disait-il.

DemandProgress met en priorité “les libertés civiques, les droits civiques et les réformes du gouvernement”. Il développe des campagnes en ligne pour la justice. C’est un avocat de l’intérêt public et il défie les politiques qui lui font du tort.

Le groupe mobilise plus d’un million d’activistes en ligne. D’autres projets incluent des spécifications pour RSS, web.py, tor2web, The Open Library et le Chrome Port of HTTPS Everywhere.

Il lança Creative Commons. Il fut un co-fondateur de Reddit, d’autres lui firent son succès. Le blog d’Aaron “Raw Thought” discute de “politique et de parodie.” Il avait beaucoup à dire et cela valait la peine d’être entendu.

En 2011, il utilisa le réseau du campus du MIT. Il téléchargea des millions d’articles de journaux. Il utilisait la base de données JSTOR. Les autorités ont affirmé qu’il avait changé l’IP de son ordinateur portable et ses adresses Mac. Elles ont dit qu’il l’avait fait pour circonvenir les blocages JSTOR/MIT.

Il fut accusé “d’accès non autorisé” sous le coup de la loi Computer and Abuse Act. Ce qu’il fit correspond à sortir trop de livres de bibliothèques en même temps.

Les procureurs d’Obama clament que procéder de la sorte est un acte criminel. Ils ont déclaré la guerre à la liberté de l’internet. Ils veulent que la neutralité de l’internet et l’expression libre soient abolies. Ils veulent que des lois fascistes les remplacent.

Ils usurpent le diktat du pouvoir, ils rejettent les principes de la règle de la loi et autres valeurs démocratiques. Ils renforcent l’autorité de l’état policier. Ils mettent en priorité ce qu’aucune société civile ne devrait tolérer.

Ils disent qu’Aaron avait l’intention de distribuer des matériaux sur les réseaux Peer to Peer (P2P). Il ne l’a jamais fait. Aucune importance. Les documents qu’ils sécurisaient étaient retournés, sans dommages, sans dégâts. Les autorités fédérales l’ont quand même mis en accusation.

En Juillet 2011, un grand jury du Massachussetts le convoqua. Il fut assigné à la cour de district de Boston. Il plaida non coupable à toutes les charges à son encontre. Il fut libéré sous caution non sécurisée de 100 000 US$.

S’il était condamné, il faisait face à une peine d’emprisonnement de 35 ans et une amende de 1 million de dollars. Il voulait que les articles scientifiques publiés par les universités et les journaux académiques soient libérés de toute contraintes, qu’ils appartiennent au domaine public. Il désirait que tout le monde y ait accès. C’est le droit de tout le monde.

Il voulait qu’une base de données gigantesque soit établie. Il l’avait fait auparavant. Il ne fut alors pas mis en accusation. Pourquoi donc maintenant ? “Bien que ses méthodes furent provocantes, ses buts étaient de libérer la littérature scientifique financée avec des fonds publics d’un système qui rend impossible leur accès à la vaste majorité de ceux qui en fin de compte paient pour que ces recherches soient réalisées”, a dit l’EEF.

L’EFF l’appelle une cause que tout le monde devrait soutenir. Aaron était politiquement actif. Il se battait pour ce qu’il pensait être juste, Il avait des supporteurs dans le monde entier.

Dans le “monde physique”, il aurait dû faire face au pire à des charges mineures, a dit l’EFF. Du même registre qu’ “empiéter sur une propriété lors d’une manifestation politique”.

Le faire en ligne a changé quelque chose. Il devait faire face à une incarcération de longue durée possible. Pendant des années, l’EFF s’est battue contre cette forme d’injustice. L’activiste politique et universitaire Lawrence Lessig a déclaré la mort d’Aaron une cause juste pour une réforme des lois criminelles informatiques. Les procureurs trop zélés sont des brutes épaisses de cours de récré. Ils en font trop et font du tort.

L’EFF a dit en signe de deuil::

“Aaron, ton amitié nous manquera durement, ainsi que ton aide pour construire un monde meilleur.” Beaucoup pensent la même chose.

Est-ce qu’Aaron s’est suicidé ou a t’il été tué ? Moti Nissani, professeur émérite de biologie de l’université d’état Wayne a demandé: “Qui a tué Aaron Schwartz ?”

Il cita Bob Marley:

Pendant encore combien de temps tueront-ils nos prophètes tandis que nous contemplons à bonne distance ?” Il a listé des raisons pour lesquelles le gouvernement d’Obama le voulait mort.

“Sa mort a été précédée par une campagne vicieuse et totalement injustifiée de surveillance, de harcèlement, de diabolisation et d’intimidation.”

Des personnalités puissantes du gouvernement et du monde des affaires déploraient sa présence. En 2009, des éléments du FBI firent une enquête sur lui. Il n’y eut pas de mise en accusation. Malgré de grosses pressions, il continua. Il défia les autorités de justice. En Octobre 2009, il posta son propre dossier au FBI en ligne. Ceci “signa probablement son arrêt pour le lynchage”, a dit Nissani.

Deux jours avant sa mort, JSTOR, sa supposée victime, retira sa plainte. Mieux encore, ils annoncèrent “que les archives de plus de 1200 articles de son journal seraient accessibles librement au public.”

Aaron avait une très bonne raison de célébrer. Devons-nous vraiment croire qu’il se soit suicidé au lieu de cela ? “Il était jeune et beaucoup l’admiraient.” Le “gouvernement invisible” l’a t’il tué ? “Ils l’ont fait même de manière indirecte, au travers d’un harcèlement constant… tout ceci soulève un dilemme pour ceux d’entre nous qui ont à la fois un conscience et un peu de cervelle.” Combien de temps allons-nous continuer à rester sans agir ? Combien de temps encore allons-nous tolérer ce qui demande une condamnation véhémente ? Quand défendrons-nous nos propres intérêts ?

La liberté est trop précieuse pour être perdue.

Aaron’s Guerrilla Open Access Manifesto

Ses propres mots en disent plus long.

“L’information c’est le pouvoir, mais comme tout pouvoir, il y a ceux qui veulent le garder pour eux-mêmes.” Disait-il.

“L’héritage entier culturel et scientifique, publié au cours des siècles que ce soit sous forme de livres, d’articles de journaux est de plus en plus digitalisé et verrouillé par une poignée de corporations privées…”

“Vous voulez lire des articles au sujet des résultats les plus célèbres de la science ? Vous devrez envoyer de grosses sommes d’argent à des maisons de publication comme Reed Elsevier.”

“Il y a ceux qui veulent changer tout ceci. L’Open Access Movement s’est vaillamment battu pour assurer que les scientifiques ne signent pas de décharges de leurs droits d’auteurs mais qu’ils s’assurent au contraire que leur travail soit publié en ligne sur la toile, sous des termes et conditions qui permettent à tout le monde d’y avoir accès.”

“Mais même sous les meilleurs scénarii, leur travail ne s’appliquera qu’à des choses publiées dans le futur. Tout ce qui a été fait jusque maintenant aura été perdu.”

“Ceci est un prix trop élevé à payer. Forcer des universitaires de payer de l’argent pour lire le travail de leurs collègues ? Scanner des librairies entières mais ne permettre qu’aux personnels de Google de pouvoir les lire ?”

“Fournir des articles scientifiques à ceux des universités des pays développés, mais pas aux enfants du sud global ? C’est honteux et inacceptable.”

“Je suis d’accord disent bon  nombre de personnes, mais que pouvons-nous y faire ? Les entreprises tiennent les droits d’auteurs. Ils font beaucoup d’argent en faisant payer pour l’accès et cela est parfaitement légal, il n’y a rien que nous puissions faire pour les en empêcher. Mais il y a quelque chose que nous pouvons faire, quelque chose qui a déjà été fait: nous pouvons les combattre.”

“Ceux qui ont accès à ces ressources, élèves, libraires, scientifiques, on vous a donné un privilège. Vous pouvez vous empiffrez au banquet de la connaissance tandis que le reste du monde est enfermé dehors.”

“Mais vous n’avez pas besoin, en fait, moralement, vous ne pouvez pas garder ce privilège juste pour vous. Vous avez le devoir de partager avec le reste du monde et vous l’avez fait: échangé des mots de passe avec des collègues, rempli des demandes de téléchargement pour des amis.”

“En même temps, ceux qui sont enfermés dehors ne sont pas restés les bras croisés. Vous vous êtes infiltrés dans les trous et escaladé des barrières, libérant l’information verrouillée par les maisons de publication et vous les avez partagé avec vos amis.”

“Mais toutes ces actions se font dans l’obscurité, cachées en sous-sol. Cela s’appelle du vol, du piratage comme si partager une montagne de connaissance était l’équivalent moral que de piller un navire en mer et de massacrer son équipage. Mais partager n’est pas immoral, c’est un impératif moral. Seuls ceux aveuglés par la veulerie refuseraient de laisser un ami avoir une copie.”

“De grandes entreprises, bien sûr, sont aveuglées par l’appât exclusif du gain. Les lois sous lesquelles elles opèrent le requièrent, leurs actionnaires se révolteraient à moins. Et les politiciens qu’ils ont achetés les soutiennent, faisant passer des lois leur donnant le pouvoir exclusif de décider qui peut faire des copies ou pas.”

Il n’y a aucune justice à suivre des lois injustes. Il est temps de venir à la lumière du jour et, dans une grande tradition de désobéissance civile, de déclarer notre opposition à ces grands vols de la culture et du patrimoine public.”

“Nous devons nous saisir de l’information où qu’elle soit stockée, faire nos propres copies et les partager avec le monde. Nous devons nous emparer de ce qui n’est plus dans le domaine des droits d’auteur et l’ajouter dans les archives.”

“Nous devons acheter des bases de données secrètes et les mettre en ligne. Nous devons télécharger des journaux scientifiques et les charger sur des réseaux de partage de fichiers. Nous devons nous battre pour la Guérilla de l’Open Access ou accès libre.”

“Lorsqu’il y aura assez d’entre nous dans le monde, nous ne ferons pas qu’envoyer un message fort d’opposition à la privatisation de la connaissance, nous en ferons une chose du passé. Nous rejoindrez-vous ?”

Ce manifeste d’Aaron Schwartz a-t-il l’air d’après vous d’un manifeste de quelqu’un planifiant de se suicider ?

Stephen Lendman

Le 15 Janvier 2013

Article original en anglais :

http://www.globalresearch.ca/internet-freedom-aaron-swartzs-suspicious-death/5319000

Traduction : Résistance 71

Stephen Lendman vit à Chicago et peut-être joint [email protected].

Son nouveau livre: “Banker Occupation: Waging Financial War on Humanity.”

 http://www.claritypress.com/LendmanII.html



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A propos :

Stephen Lendman lives in Chicago. He can be reached at [email protected]. His new book as editor and contributor is titled "Flashpoint in Ukraine: US Drive for Hegemony Risks WW III." http://www.claritypress.com/LendmanIII.html Visit his blog site at sjlendman.blogspot.com. Listen to cutting-edge discussions with distinguished guests on the Progressive Radio News Hour on the Progressive Radio Network. It airs three times weekly: live on Sundays at 1PM Central time plus two prerecorded archived programs.

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