La longue et cahoteuse lutte contre l’impunité des victimes du conflit armé du Guatemala

MONTRÉAL, le 22 avril 2013.Le procès contre l’ex-dictateur et général Efraín Rios Montt et Mauricio Rodriguez Sanchez, accusés de génocide et de crimes contre l’humanité contre des populations mayas, a pris un tournant inattendu jeudi dernier.

En effet, le procès fut menacé d’annulation par une résolution de la juge Carol Patricia Flores, qui cherchait à invalider toutes les procédures ayant eu lieu après le 23 novembre 2011 en raison d’un vice procédural, ce qui aurait comme effet de ramener le dossier au point où il était à cette date.

Cependant, la juge Yassmin Barrios, présidente du tribunal de Haut risque, qui traite présentement du cas, a déclaré vendredi cet ordre de la juge Flores comme étant illégal. Elle soutient que le procès ne peut être annulé, car la Cour constitutionnelle est la seule instance compétente pour prendre une telle décision. Elle a suspendu le procès jusqu’à ce que la Cour rende sa décision.

L’action de la juge Flores est intervenue un jour avant que les parties ne présentent leurs conclusions au procès et un jour avant qu’on demande aux accusés, Efrain Rios Montt et Rodriguez Sánchez, de se prononcer à propos des preuves présentées contre eux au cours des 20 derniers jours.

Rappelons que Efraín Rios Montt a été à la tête d’un gouvernement militaire pendant un peu plus d’un an entre 1982 et 1983, période qualifiée comme la plus meurtrière du conflit armé interne qui a sévi au Guatemala de 1960 à 1996. Celui-ci a bénéficié jusqu’en 2012 d’une immunité en étant membre du Congrès. Pour sa part, Mauricio Rodriguez Sanchez agissait comme chef de l’intelligence militaire durant la même époque. Le procès concerne les actes perpétrés dans la région Ixil (département du Quiche) en 1982 et 1983.

Il est aussi important de mentionner qu’il s’agit de la première fois de l’histoire qu’un ancien chef d’État est accusé de crime de génocide dans un tribunal national.

De nombreuses voix ont réagi face à la résolution d’annuler le procès. La procureure générale du pays, Claudia Paz y Paz, a dénoncé le fait que la juge Flores n’avait pas respecté les limites du mandat que la Cour constitutionnelle lui avait donné et qu’il s’agissait d’une mauvaise interprétation de sa part.

Le Bureau de la Haut-Commissionnaire des Nations Unies pour les droits de l’homme a manifesté sa préoccupation face à la suspension du procès, tout en décrivant le retour en arrière prévu par la résolution comme une claque au visage des nombreuses victimes des atrocités commises durant le conflit, qui ont attendu plus de 30 ans pour que la justice décide d’entendre leur cause.

Selon le Centre d’action légale pour les droits humains (CALDH), une des organisations ayant déposé les plaintes contre l’ex-dictateur en 2001 au nom des victimes et qui les représente légalement depuis, la résolution vient s’ajouter aux pages noires d’impunité de l’histoire guatémaltèque.

Le procès contre Rios Montt, dont les audiences ont débuté le 19 mars dernier, a donné la tribune à plus de 60 experts et 100 témoins d’origine maya Ixilayant survécu aux exactions commises durant le règne de l’ex-dictateur. Si la résolution est acceptée, elle rendrait nulles toutes les audiences ayant eu cours durant le procès et les témoins devraient comparaître de nouveau. Particulièrement traumatisant pour les femmes victimes de violences sexuelles commises durant le conflit, il s’agirait d’une re-victimisation pour celles-ci.

Des centaines de personnes ixil, témoins et victimes, ont marché pacifiquement vendredi après-midi du tribunal jusqu’à la Cour constitutionnelle pour réclamer justice. Une telle marche aurait été impensable ou violemment réprimée sous le règne de Rios Montt.

LeProjet Accompagnement Québec-Guatemala (PAQG) accompagne les victimes du conflit armé depuis plusieurs années dans leur lutte pour la justice et la réparation. Le PAQG, préoccupé par les récents événements, surveille de près les développements du procès et est d’avis que celui-ci doit continuer pour mettre fin à l’impunité et pour que le pays atteigne une paix véritable.

Source :

Marie-Dominik Langlois, coordonnatrice
[email protected] // 514.756.6966 (cell.) // 514.495-3131 (bureau) // www.paqg.org



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