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La menace de l’uranium appauvri
Par Thomas D. Williams
Mondialisation.ca, 23 août 2008
Truthout 23 août 2008
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Le Ministère de la Défense, le plus grand pollueur de la nation, décontamine à présent 29.500 sites pollués de nos jours ou jadis dans chaque État et territoire. La Californie à elle seule compte 3.912 sites contaminés dans 441 installations anciennes et actuelles du Ministère de la Défense. Un grand nombre d’installations ont déjà contaminé l’eau potable de la nappe phréatique. . . Le coût du nettoyage de la contamination des munitions toxiques et des engins non explosés dans les installations militaires en activité et anciennes à travers tout le pays peut atteindre 200 milliards de dollars. — The National Resources Defense Council, 21 avril 2004.

Le Ministère de la Défense refuse de se conformer aux ordres et de signer des contrats pour décontaminer 11 sites de déchets dangereux, dont un à Hawaii, et a demandé à la Maison Blanche et au Ministère de la Justice d’intervenir en son nom. Associated Press, 1er juillet 2008.

En essayant d’agir en tant que contrôleurs nucléaires de la planète, les États-Unis et la Grande-Bretagne sont devenus deux des plus grandes causes de cancer du monde, avec la poussière radioactive et la rouille des projectiles pollueurs en uranium appauvri.

Utilisant des chars et des avions, les États-Unis et les militaires britanniques ont tiré des centaines de tonnes de munitions radioactives à l’uranium appauvri, pendant la première guerre du Golfe, la guerre des Balkans et, plus récemment, les guerres en Afghanistan et en Iraq. Depuis deux décennies successives, le leadership étasunien et britannique n’ont pas fait grand chose pour nettoyer les déchets de guerre dangereux. Et, quand ils ont été mainte fois questionnés durant un mois par un grand nombre de courriels et d’appels téléphoniques à ce sujet, les porte-parole du Premier Ministre de Grande-Bretagne, Gordon Brown et du Président étasunien George W. Bush, ainsi que des deux candidats à l’élection présidentielle, le sénateur Barack Obama (démocrate, Illinois) et le sénateur John McCain (républicain, Arizona), n’ont pas répondu.

Ironiquement, tout en tirant ces sous-produits nucléaires partout en Irak, en Afghanistan et dans l’ancienne Yougoslavie, la Grande-Bretagne et les États-Unis critiquent régulièrement et mettent la pression financière ou politiques sur l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord et le Pakistan, pour développement d’armes nucléaires. Parmi ces quatre pays, seuls le Pakistan posséderait des munitions à l’uranium appauvri, mais ses forces militaires n’ont pas la réputation de les avoir utilisées.

L’uranium appauvri est un sous-produit de l’enrichissement de l’uranium naturel afin d’obtenir de l’uranium pour réacteur nucléaire et de qualité militaire pour arme nucléaire. Il sert en plus de blindage pour protéger les tanks. Sa densité est idéale pour faire des munitions qui percent facilement les tanks et les autres blindages en pénétrant à travers eux tout en brûlant. Mais, ce faisant, ces munitions créent de grandes quantités de poussière radioactive que le vent peut transporter à 20 ou 30 milles. Parfois, des projectiles qui n’explosent pas s’enfouissent et se désagrègent. Dès lors, dans les régions déchirées par la guerre, ils polluent ou menacent de contaminer les sources d’eau, le sol, les plantes, les oiseaux et les animaux.

Conséquences potentiellement graves pour la santé

Les dangereux débris d’uranium appauvri sont crédités par certains d’être à l’origine d’un taux de cancer et d’autres maladies plus élevé chez les enfants en Europe et au Moyen-Orient. Les fines particules d’uranium appauvri peuvent être nuisibles aux reins, aussi bien qu’à la peau et au cristallin des yeux. Et, quand elle est inhalée ou ingérée par l’homme, les animaux ou les poissons, cette poussière peut créer des dommages de santé graves et permanents. Par sa demi-vie de 4,5 milliards d’années [*], l’uranium appauvri utilisé contamine définitivement le terrain. La poussière d’uranium peut subsister dans les poumons, le sang et les autres organes pendant des années. Elle serait à l’origine de certaines des maladies soi-disant mystérieuses chez plus de 350.000 membres de l’armée des États-Unis, dont beaucoup ont cherché vainement un traitement médical après la première guerre du Golfe.

Au moins quatre États, New York, Californie, Louisiane et Connecticut, ont adopté inutilement des projets de loi pour tenter de forcer le Ministère de la Défense à mieux examiner et soigner les anciens combattants exposés à l’uranium appauvri. Leur corps législatif et les gouverneurs sont tous préoccupés par le personnel militaire malade, exposé à la poussière de l’uranium appauvri en temps de guerre.

Une étude scientifique de la British Royal Society précise : « Un grand nombre de pointes de projectiles (pénétrateurs) en uranium appauvri corrodées, profondément enfouis dans le sol, sont un danger potentiel à long terme si l’uranium s’infiltre dans la nappe phréatique. » Après les tirs d’obus, le sol est pollué par des déchets d’uranium sous forme de particules et par les fragments des munitions elles-mêmes. « La contamination par l’uranium appauvri doit être éliminée dans le périmètre d’impact des pénétrateurs sur les sites connus, » a dit la Royal Society. « Des prélèvement environnementaux, notamment dans l’eau et le lait, sont nécessaires en permanence. Ce sera une méthode efficace pour surveiller les composants sensibles dans l’environnement, et cela fournira des informations sur le taux d’uranium pour les populations locales concernées. Sur certains sites, la surveillance peut être renforcée par une évaluation spécifique des risques, si la situation justifie un examen plus approfondi. »

Bien que la Royal Society soutienne que les dangers pour la santé de ceux qui inhalent des poussières d’uranium appauvri est éloignée, et qu’ils se limitent à ceux qui en ont pris de grandes quantités, une étude sur des enfants irakiens exposés à l’uranium appauvri de la guerre contredit son appréciation. Le Dr Souad N. Al-Azzawi, membre du Comité Consultatif du Tribunal de Bruxelles, dit que les enfants qui respirent ou avalent des particules irradiantes dans les secteurs où les États-Unis font des tirs intenses de munitions à l’uranium appauvri, « donnent de forts indices de corrélation entre l’exposition aux radiations de faible niveau et la détérioration de la santé. » L’expositions à l’uranium appauvri a créé « un bond du taux de leucémie chez les jeunes enfants durant ces dernières années, » a déclaré le médecin. Une autre enquête, menée par trois professeurs dans les universités du Massachusetts et de Tufts, conclut : « Dans l’ensemble, les preuves épidémiologiques humaines concordent avec l’élévation du risque de malformation congénitale dans la descendance des gens exposés à l’uranium appauvri. »

Il y a quatre ans, le gouvernement provisoire irakien a demandé assistance à l’Organisation des Nations Unies pour décontaminer de larges pans de son pays, parsemés de projectiles des munitions utilisées, d’équipements détruits avec de l’uranium appauvri, balayés aléatoirement de nuées de particules et de vent de poussière d’uranium appauvri. L’Organisation des Nations Unies a exhorté vainement les militaire britanniques et étasuniens d’enlever les nombreux points dangereux qu’ils ont créé avec de l’uranium appauvri. En fait, les spécialistes de la décontamination environnementale des Nations Unies ont demandé aux fonctionnaires étasuniens et britanniques les endroits où les munitions ont été tirées en Irak, mais ils ont dit avoir reçu seulement les coordonnées des tirs de la Grande-Bretagne.

Mépris du besoin de nettoyer l’uranium appauvri

Ni les autorités britanniques, ni les autorités étasuniennes n’ont proposé d’augmenter les 4,7 millions de dollars donnés aux Nations Unies surtout par le Japon pour évaluer la contamination des sites de guerre que des experts de santé disent menacer le bien-être de millions de civils irakiens. Mais, contredisant les preuves scientifiques, fin octobre 2004 le lieutenant-colonel Marc Melanson a dit qu’une expérience sur cinq ans de 6 millions de dollars du Ministère de la Défense, avec simulation d’explosion de l’uranium appauvri d’un tank, montre que « les risques chimiques de la respiration dans la poussière d’uranium sont si bas que cela ne posera aucun risque de santé sur le long terme, » même pour l’équipage des tanks.

Quoi qu’il en soit, le règlement 700-48 de l’armée étasunienne et son Bulletin Technique 9-1300-278 exigent depuis des années de nettoyer les résidus d’uranium appauvri des tirs et des destructions. « Les matières radioactives et les déchets ne seront pas éliminés localement par enfouissement, immersion, incinération,  destruction en place, ou abandon, sans l’approbation du commandant général, » dit le règlement. « Si la mise au rebut  sur place est approuvée, le commandant responsable doit documenter la nature générale des matériaux éliminés et l’emplacement exact de la décharge. » Les équipements radioactifs, dans le cadre de ce même règlement, doivent être nettoyés et mis au rebut dès que possible. D’autres règlements militaires cruciaux demandent aux conducteurs de blindés à l’uranium appauvri de passer un examen médical s’ils sont exposés à la poussière ou à d’autres débris radioactifs. Des directives britannique similaires interdisent la collecte non autorisée de déchets radioactifs.

L’un des exemples les plus notables du problème des munitions à l’uranium appauvri et de leur danger pour le public a récemment ouvert un nouveau chapitre dans la longue et lancinante histoire des munitions. Devant le refus répété du Pentagone et de l’armée de l’obligation de respecter leur propre règlement, ce même leadership a participé ce printemps à une grande décontamination définitive et coûteuse des munitions à l’uranium appauvri au camp de Doha, une base de 200 hectares [500 acres US] au Koweït.

Malgré les dangers potentiels de santé pour quiconque marchant à proximité de la zone, la plupart des risques dus aux particules demeurent bien là, dans la terre, au-dessus et au-dessous du sol de ce camp militaire en service pendant plus de dix ans et demie. Dans les années depuis 1991, les déchets les plus dangereux de ce site ont été nettoyés partiellement de diverses manières. Cette négligence a provoqué des problèmes de santé pour tout ce qui vit à proximité ou qui est en garnison là-bas. Le camp militaire est sur une péninsule relativement proche de la ville de Koweït, la capitale où se tiennent les bureaux du gouvernement. Sa population comptait environ 191.000 habitants quand un accident s’est produit avec des munitions à l’uranium appauvri. Dans les alentours de ce coin se trouve l’aéroport international de Koweït City.

Il y a dix-sept ans, durant la première guerre du Golfe, Doha avait déjà été la proie d’un très grand incendie, avec des explosions de munitions à l’uranium appauvri et des zones de stockage des tanks. Le 11 juillet 1991, vers 10 heures 20 selon l’enquête du Pentagone, dans un transporteur de munitions M992 chargés d’obus d’artillerie de 155 millimètres, un appareil de chauffage défectueux a pris feu et a déclenché une série nourrie d’explosions et d’incendies. Les incendies et les explosions ont projeté les produits chimiques et la poussière radioactive des munitions et des chars dans l’air à des kilomètres, pendant qu’une fumée noire dangereuse montait haut dans le ciel. Des tanks, d’autres équipements, des véhicules et un grand magasin de munitions ont brûlé. Cinquante Étasuniens et six soldats britanniques ont été blessés. Deux soldats étasuniens ont été gravement blessés. Il a fallu de nombreux mois et des centaines de millions de dollars pour reconstruire cette importante base militaire. « La destruction a été incontrôlable, » a dit l’enquête du Pentagone. « Le feu et les explosions ont endommagé ou détruit 102 véhicules, dont quatre chars M1A1 et de nombreux autres véhicules de combat. Plus de deux douzaines de bâtiments ont aussi été endommagés. Parmi les quelques 15 millions de dollars de dommages ou de munitions détruites, il y avait 660 sabots de cartouches M829 de 120 millimètres en uranium appauvri. »

Au début, l’armée a travaillé pendant des mois sur un grand nettoyage. Puis, fin 1991, la deuxième et dernière phase du nettoyage du matériel dangereux a été confiée à Environmental Chemical Corporation. Et le rapport d’enquête du Pentagone a déclaré : « Le personnel qui emballait les batteries avec des pénétrateurs en uranium appauvri portaient des toques de chirurgien, des lunettes de sécurité, des masques de protection sur la moitié de la face, des combinaisons, des tabliers en caoutchouc butyle, des gants de chirurgien en caoutchouc avec rapiéçages de coton, et des chaussons de caoutchouc par dessus leurs bottes de travail habituelles. Un total de huit fûts ont été remplis avec environ 250 pénétrateurs en uranium appauvri. »

Le gouvernement koweïtien a embauché son propre entrepreneur privé, la société étasunienne Halliburton, pour déplacer le gros des carcasses brûlées vers une décharge dans le désert occidental, aux environs de la ville de Koweït. Mais, ce n’est que trois ans plus tôt, quand les États-Unis ont prévu de ne plus utiliser la base, que l’armée a mis au rebut les autres fragments d’obus. Et, ce n’est qu’en avril de cette année que le reste de ce gigantesque gâchis a finalement été neutralisé sur place. Le nettoyage, réalisé par MKM Engineers, dont le siège est à Stafford, au Texas, a été financé par le gouvernement koweïtien.

David Foster, un porte-parole des affaires publiques de l’armée, a déclaré : « dans ces circonstances, l’armée n’avait pas obligation légale de nettoyer les matériaux (sous forme de particules) » à Camp Doha. L’armée a amené à l’origine des munitions et du matériel pour protéger le Koweït, c’est donc maintenant de la responsabilité du Koweït de payer le nettoyage, le transport des matières dangereuses et leur enfouissement final en sécurité, a-t-il déclaré.

Au total, 6.700 tonnes de sable contaminé par des particules d’uranium appauvri et de plomb ont été expédiées en avril du Koweït vers le port de Longview, dans l’État de Washington. Les fûts ont ensuite été transférés sur des wagons de chemin de fer pour être livrés à l’American Ecology Corporation’s Idaho’s Grand View, une installation de gestion de déchets à faible niveau de radioactivité, à 70 milles au sud de Boise dans le désert de Owyhee.

« Se fondant sur le très faible niveau de contamination actuel, » selon Tchad Hyslop, le porte-parole de l’American Ecology, « le Ministère des Transports ne réglemente pas le sol comme les ‘’matières radioactives‘’. » Les pénétrateurs en uranium appauvri endommagés ont été extraits par MKM et envoyé séparément aux États-Unis pour leur mise au rebut, a déclaré Foster, le porte-parole de l’armée. Le Ministère de la Protection Environnementale et l’Agence de Réglementation Nucléaire, en acceptant de l’armée ses tests et sa description des dangers de la poussière, ont autorisé cette forme d’élimination.

L’EPA et le NRC abandonnent le nettoyage et l’enfouissement à l’armée

Ces deux organismes ont accepté la parole de l’armée, selon qui ces expéditions de poussières d’uranium appauvri ne posent aucun danger pour l’homme et l’environnement, bien qu’elles transitent à l’écart et sont stockées dans leur décharge finale éloignée, en Idaho. Mark MacIntyre, un porte-parole de l’EPA, a déclaré : « L’armée est responsable de définir les matériaux pour adapter le transport et l’élimination à leurs besoins. . . L’EPA n’a pas de norme spécifique relative à l’uranium appauvri. À l’égard de l’élimination, l’uranium appauvri est considéré comme un déchets de faible niveau radioactif et est soumis aux règlements de la Nuclear Regulatory Commission (NRC). » Neil Sheehan, un porte-parole du NRC, a expliqué : « Le sable  avec une petite quantité d’uranium appauvri envoyé à l’installation Ecology Idaho aux États-Unis pour être mis au rebut, contient une concentration d’uranium ‘’exemptée’’, moins de 0,5 pour cent de la charge. Si la concentration était plus grande, nous devrions le superviser. »

Doug Rokke [**], un major retraité de l’armée, titulaire d’un doctorat d’enseignement en physique et en technologie de l’université de l’Illinois, a combattu le recours à l’uranium pendant des années avec Internet et à d’autres moyens. Il estime que l’opération actuelle, de mise au rebut des déchets d’uranium appauvri de Doha, viole les directives sur la sécurité. Au cours de la première guerre du Golfe, il travaillait avec les équipes des opérations spéciales de la 3ème Armée, l’équipe d’étude des équipements conquis et l’équipe d’évaluation de l’uranium appauvri. Suite à son travail de nettoyage de l’uranium appauvri, Rokke dit être malade, les radiations ayant endommagé ses poumons et ses reins. Il a aussi des cataractes dues aux rayonnements, une fibromyalgie, des éruptions cutanées, une perte de l’audition, de la diarrhée, une maladie réactive des bronches, des lésions cérébrales, les dents qui se détachent et tombent, et des anomalies neurologiques.

Il est grotesque, dit Rokke, que la NRC, l’EPA et l’armée nient les dangers de l’uranium appauvri de Doha. Ils agissent ainsi, a-t-il dit, alors même que le gouvernement des États-Unis rend obligatoire un énorme nettoyage de munitions à l’uranium appauvri à Concord, dans le Massachusetts, sur le site du fabricant Starmet’s Superfund, et c’est vraiment se donner du mal pour expédier aux États-Unis l’uranium appauvri du Camp Doha au Koweït, en mettant en danger l’environnement et toute personne s’approchant de cette cargaison.

Santé gâchée par l’uranium appauvri

Todd Lightfoot, un ancien Premier Lieutenant est l’un des nombreux anciens combattants de l’armée qui estiment être tombés malades suite à l’incendie quand il était en garnison à Camp Doha en 1991. Il explique sur son site Internet : « Au cours de mon service entier, on peut dire que, j’étais au courant (sur les opérations). » Lightfoot a ajouté qu’il a passé en revue les « notes de toutes les réunions que nous avions . . . et nous en avions deux fois par jour tous les jours . . . avec plusieurs fois une séance ou deux entre les deux. Je n’arrive toujours pas à trouver une mention sur les risques potentiels pour la santé de l’uranium appauvri ou sur l’éventuelle contamination de la zone du Camp Doha, » et je suis maintenant malade depuis environ 1995, » a déclaré Lightfoot. « J’ai ce qu’ils appellent le syndrome du côlon irritable, mais ils ont été incapable de réussir à me soigner. Ça crée constamment de violentes crampes dans le bas-ventre, une sévère fatigue, de violentes douleurs articulaires, tous les symptômes relevés sous l’étiquette « maladie de la guerre du Golfe ! »

« Concernant ce que je pense être à l’origine de la détérioration de ma santé, » a déclaré Lightfoot, « il y avait trois constantes quand je suis arrivé à Doha. Il y avait l’incendie des puits de pétrole. Il y avait la présence constante d’insectes et de pesticides. Et ensuite il y a eu l’uranium appauvri. J’ai toujours pensé qu’il y avait plus d’uranium appauvri que le gouvernement étasunien et le Ministère de la Défense auraient aimé que nous le pensions. » Foster, le porte-parole de l’armée, n’a pas répondu aux questions sur Lightfoot.

Appels internationaux à l’interdiction et au nettoyage de l’uranium appauvri

Déjà en 1999 un comité des Nations Unies avait appelé à l’interdiction des munitions à l’uranium appauvri dans le monde entier car son impact néfastes à long terme sur la santé des civils viole le droit international. Plus récemment, en janvier, l’ONU a voté pour approuver une enquête dans les pays membres pour déterminer les incidences néfastes des munitions à l’uranium appauvri. Trois ans plus tard, l’Organisation Mondiale de la Santé recommandait que soit surveillée « l’exposition des jeunes enfants à l’uranium appauvri, que des mesures préventives soient prises, et que les secteurs fortement touchés par l’impact des munitions à l’uranium appauvri soient bouclés et nettoyés. » En fait, les responsables étasuniens n’ont pas mis en garde le gouvernement afghan au sujet de ce véritable danger. BBC News a signalé en avril : « Les médecins en Afghanistan disent que le taux des problèmes de santé touchant les enfants a doublé au cours des deux dernières années. Certains scientifiques disent que la hausse est liée au recours à des armes contenant de l’uranium appauvri par la coalition menée par les États-Unis qui a envahi le pays en 2001. Un groupe de recherche du Canada a trouvé un niveau très élevé d’uranium chez les Afghans au cours de tests juste après l’invasion. Un porte-parole des forces étasuniennes a refusé d’admettre que ses armes aient eu des effets sur la santé des Afghans ou sur l’environnement dans leur pays. »

Malgré quelques nettoyages opérés dans les Balkans, les recommandations n’ont créé que peu de coopération. En définitive, fin mai, le Parlement européen a approuvé par un raz-de-marée de voix l’interdiction mondiale de ces armes. Son raisonnement : « Depuis son utilisation par les forces alliées dans la première guerre contre l’Iraq, il y a eu de graves préoccupations quant à la toxicité radiologique et chimique des fines particules d’uranium produites lors de l’impact de ces armes sur les cibles. Des soucis ont aussi été exprimés sur la contamination du sol et des nappes phréatiques par les obus utilisés qui ont manqué leur cible et sur leurs implications pour les populations civiles. Bien que la recherche scientifique a été jusqu’à présent dans l’incapacité de trouver une preuve concluante de leur nuisance, il existe de nombreux témoignages quant à leur nocivité et effets souvent mortels sur les militaires et les civils. Ces dernières années ont vu de grandes avancées en termes de compréhension des risques environnementaux et de santé posés par l’uranium appauvri, et il est grand temps que cela se reflète dans les normes militaires, à mesure qu’elles se développent. Le recours à l’uranium appauvri pendant la guerre va à l’encontre des règles de base, des principes consacrés par écrit et du droit coutumier international, humanitaire et environnemental. »

Les porte-parole de presse du Président George W. Bush et du Vice Président Dick Cheney m’ont dit dans le passé, qu’il faisaient confiance au Pentagone pour le conseil sur l’usage, l’impact sur la santé et le nettoyage des munitions à l’uranium appauvri. Ni le Premier Ministre britannique Gordon Brown, ni l’agence environnementale britannique n’ont répondu précisément à mes demandes répétées au sujet de leur politique envers les munitions à l’uranium appauvri et leur nettoyage.

Le Ministère britannique de la Défense indique sur son site Internet : « Aucun scientifique ou preuve médicale sérieux ne relie l’uranium appauvri à la mauvaise santé des anciens combattants, que ce soit du Golfe ou des Balkans, ou chez les gens vivant dans ces régions. De nombreux rapports indépendants ont été produits et des chercheurs continuent à étudier les conséquences de l’utilisation des munitions à l’uranium appauvri sur le champ de bataille. Ces rapports comprennent des travaux de la Royal Society, de la Commission Européenne, du Programme Environnemental des Nations Unies (PNUE) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Aucune de ces organisations n’a trouvé de lien entre l’exposition à l’uranium appauvri et la maladie, et aucune n’a constaté que la contamination généralisée à l’uranium appauvri suffit pour avoir un impact sur la santé générale de la population ou du personnel déployé. »

Jasem Al-Budaiwi, le premier secrétaire de l’ambassade du Koweït à Washington, a envoyé mes demandes de renseignements à son gouvernement, mais aucune réponse n’est revenue. Les demandes répétées durant un mois entier, par appels téléphoniques et courriels aux candidats à l’élection présidentielle, le sénateur Barack Obama (démocrate, Illinois) et le sénateur John McCain (républicain, Arizona), n’ont donné lieu à aucune réponse.

Il a fallu attendre octobre 2006, après des décennies de plaintes sur les dangers, pour que le Président Bush signe un projet de loi au Congrès appelant à étudier les effets des munitions à l’uranium appauvri tirées sur la santé des troupes étasuniennes, mais pas sur les millions de civils étrangers exposés. En conséquence, un comité législatif devrait demander à l’armée de vérifier la véracité des faits concernant l’exposition intense et les risques cancérogènes qu’elle présente.

Cet été, Alex Atamanenko, un membre du Parlement canadien en Colombie-Britannique, a demandé à son gouvernement « d’engager toutes les mesures possibles pour assurer que les armes de destruction massive à l’uranium appauvri soient interdites à jamais. » Atamanenko a continué : « La Belgique a interdit l’usage de l’uranium dans tous les systèmes d’armes classiques. Mais, au moins 18 pays, dont les États-Unis, possèdent des armes à l’uranium appauvri dans leur arsenal. Elles sont considérées comme des armes de destruction massive en vertu du droit international. Selon un accord entre le Canada et les États-Unis, l’uranium canadien exporté peut seulement servir à des fins pacifiques. » Néanmoins, a-t-il dit, l’uranium brut fourni par le Canada aux États-Unis et à d’autres pays est traité et l’uranium appauvri est ensuite utilisé dans des armes.

Certains ont abandonné les munitions à l’uranium appauvri

Maintenant, dit Dai Williams, un expert britannique sur l’uranium qui écrit sur www.eoslifework.co.uk, la plupart des munitions à l’uranium appauvri sont devenues dépassées, mais, dans leur sillage, des obus à l’uranium non appauvri, faits d’uranium naturel ont été tirés et sont produits par les fabriquants d’armes du monde entier. « Pourquoi est-ce un problème ? » demande Williams. « Parce que l’uranium naturel dans l’environnement se trouve le plus souvent sous forme de grosses particules créées par le processus d’érosion. Le corps semble capable de les éliminer. Mais la poussière d’uranium de ces armes forme à haute température des particules ultra-fines sous forme d’aérosols qui peuvent s’infiltrer à travers les parois cellulaires etc. Dans les poumons, celles-ci se logeront dans les tissus mous et resteront là au lieu d’être expectorées à l’extérieur, » explique Williams. Pendant ce temps-là, explique-t-il, des tonnes d’anciennes munitions à l’uranium appauvri toujours en stock peuvent être éventuellement tirées par des pays incluant la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les Britanniques, a-t-il dit, utilisent à présent du tungstène, un métal dur, pour leurs munitions faites auparavant d’uranium. Étant donné leur danger potentiel pour la santé, même l’US Navy et les Marines ont abandonné les munitions à l’uranium appauvri.

Il y a deux ans, une enquête du Government Accountability Office (GAO), sur la manipulation par l’armée et le Ministère de l’Énergie de l’uranium appauvri et d’autres déchets nucléaires, a constaté le bourbier financier du nettoyage. Aux États-Unis, les opérations de fabrication de munitions à l’uranium appauvri ont créé de nombreux déchets dangereux. L’armée a dû s’occuper du nettoyage des tir à l’uranium appauvri, tandis que le Ministère de l’Énergie est responsable de la supervision des installations nucléaires. « Les installations militaires et nucléaires nationales de fabrication d’armes, » a déclaré le GAO, « ont accumulé au fil des ans de nombreuses sortes de déchets et de la contamination. Le gouvernement fédéral a estimé sa responsabilité morale environnementale de nettoyer ces déchets à 249 milliards de dollars au cours de l’exercice 2004, soit la troisième plus grande charge lui incombant. Ça représente d’importantes sorties de fonds futures, en même temps que de nombreuses autres demandes de fonds fédéraux, mais ce n’est pas en examen actuellement, » a déclaré le GAO.

Pour lire l’article original en anglais, publié le 15 août 2008, cliquez ici.

Tradution de Pétrus Lombard .

Notes de traduction

* Par transmutation naturelle, l’uranium appauvri perd la moitié de sa masse en 4,5 milliards d’années. Ce produit est donc nuisible pour l’éternité.

** Pour en savoir plus sur Doug Rokke, lire Une question d’intégrité.

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