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La menace nucléaire viendrait-elle des États-Unis?!
Par Bert De Belder
Mondialisation.ca, 25 avril 2006
Solidaire 25 avril 2006
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/la-menace-nucl-aire-viendrait-elle-des-tats-unis/2332

La semaine dernière, l’éminent journaliste américain Seymour Hersh a dévoilé les plans militaires des Etats-Unis contre l’Iran. Une des options proposées par le président Bush serait de bombarder les installations nucléaires de l’Iran avec des armes nucléaires!

19 avril 2006

«Sizdah Bedar», une fête traditionelle perse, jour férié: les enfant iraniens jouent dans un parc de Téhéran. (Photo Belga- AFP )

Seymour Hersh n’est pas n’importe quel journaliste. Il est connu pour ses révélations notamment sur les délits commis par les Etats-Unis durant la guerre du Vietnam et les sévices infligés aux prisonniers de la prison d’Abu Ghraib en Irak. Il a déclaré dans la revue The New Yorker1 que Bush veut à tout prix changer le régime en Iran. Rien à voir donc avec la version officielle, selon laquelle les Etats-Unis tenteraient de couper court à l’hypothétique programme nucléaire du président iranien Ahmadinejad en utilisant la voie diplomatique. Bush aurait déjà eu un entretien avec les membres du Parlement sur une opération militaire contre l’Iran et «personne ne serait vraiment contre». Le pire selon l’article de Hersh est que le gouvernement Bush envisagerait également d’employer des armes nucléaires tactiques, ce que l’on appelle les «bunker busters», contre les installations nucléaires souterraines de l’Iran.

Ces armes nucléaires explosent à une profondeur de quelques dizaines de mètres à peine et peuvent avoir une puissance équivalente à un tiers de la puissance de la bombe Hiroshima. Elles pourraient former un énorme cratère, faire une multitude de victimes directes et entraîner une contamination radioactive qui persisterait plusieurs années. Tout le monde se souvient des motifs bidon invoqués par les Etats-Unis lors de l’agression de l’Irak: armes de destruction massive dont le pays ne disposait pas (ou plus). A présent, ce sont les Etats-Unis qui envisagent d’employer des armes de destruction massive

Certains observateurs ont prétendu que les rumeurs d’une attaque militaire contre l’Iran devaient surtout servir à mettre encore plus la pression sur Téhéran. Il serait donc question d’une rude guerre psychologique. Mais ce n’est pas tout. Joseph Cirincione, directeur pour la non-prolifération des armes nucléaires du Carnegie Endowment for International Peace, a déclaré fin mars que: «Des mois durant j’ai répété aux journalistes qu’aucun haut responsable politique ou militaire n’envisageait sérieusement une attaque militaire de l’Iran. Ces dernières semaines, j’ai dû revoir ma position en partie suite à ce qu’ont raconté certains collègues qui ont des liens étroits au Pentagone et au gouvernement. Ils ont bel et bien l’intention de frapper l’Iran.»2

Ce qui est particulièrement préoccupant c’est que dans les plus hautes sphères américaines l’idée d’endiguer la «menace» iranienne par la pression diplomatique et les sanctions fait, de plus en plus place à l’option militaire. Même si la guerre avec l’Iran ne serait, comme le prétend The New York Times3, «qu’une pure ineptie», l’on sait que Bush & Co sont capables des actes illégaux et criminels les plus irresponsables. Il suffit de songer à la guerre en Irak. Et tout comme pour la guerre en Irak, il faudra une puissante et large mobilisation mondiale pour couper court à toute éventuelle agression contre l’Iran. Il existe d’ailleurs déjà une pétition internationale sur le site www.stopwaroniran.org.

1 http://www.newyorker.com/printables/fact/060417fa_fact Les petites armes nucléaires tactiques (‘mini-nukes’) sont destinées à être employées sur le champ de bataille pour atteindre des cibles précises et restreintes. Les armes nucléaires stratégiques quant à elles peuvent atteindre depuis une grande distance des cibles ennemies importantes (villes, par exemple) et en principes elles ont plutôt un rôle dissuasif. 2 Foreign Policy, 27 mars · 3 The New York Times, 11 avril

Les Etats-Unis veulent produire 125 nouvelles bombes nucléaires par an

Si l’Iran a réellement l’intention de mettre au point une bombe atomique, il lui faudra selon les experts encore cinq ans au moins pour y parvenir. De leur côté, les Etats-Unis développent une nouvelle bombe H et de nouvelles armes nucléaires tactiques.

La semaine dernière, le président Ahmadinejad a annoncé que l’Iran avait enrichi avec succès une petite quantité d’uranium. Cela ne veut toutefois pas dire que l’Iran s’apprête à mettre au point une arme nucléaire. Téhéran a toujours nié vouloir développer l’énergie nucléaire pour d’autres objectifs que des objectifs pacifiques. Et si l’Iran tentait réellement de mettre au point une arme nucléaire, il lui faudrait, selon l’Agence Internationale de l’Energie atomique (AIEA), au moins encore cinq ans.1

De leur côté, les Etats-Unis sont occupés, sans le moindre scrupule, à se dépêcher de renouveler complètement leur arsenal nucléaire. En 2002, le Pentagone revoyait sa stratégie nucléaire dans un document désormais tristement célèbre, le Nuclear Posture Review. Ce document prévoit la mise au point des mini-nukes et permettrait l’utilisation d’armes nucléaires lors d’attaques préventives contre des pays comme l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord et même la Chine ou la Russie. Au début de cette année, il a été annoncé que des spécialistes américains travaillaient pour la première fois depuis 20 ans à la mise au point d’une nouvelle bombe H, «probablement la première d’une série de nouvelles bombes nucléaires». Les laboratoires les plus sophistiqués des Etats-Unis rivalisent pour concevoir les meilleurs plans. Le vainqueur peut être sûr de décrocher des contrats qui lui rapporteront des centaines de millions de dollars.2

Le 5 avril dernier, le gouvernement Bush a déposé un projet concret sur la table en vue d’un renouvellement intégral de l’arsenal nucléaire américain. Les Etats-Unis veulent d’ici 2022 pouvoir produire 125 nouvelles bombes nucléaires par an. La dernière bombe nucléaire fabriquée par les Etats-Unis remonte à 1989 et les derniers essais remontent à 1992.3 Les nouvelles armes nucléaires devront nécessairement être testées bien qu’il existe un traité international interdisant les essais nucléaires. Sidney Drell, physicien à la Hoover Institution à Stanford, a déclaré: «J’ai du mal à croire qu’un amiral, un général ou un futur président, qui peuvent mettre la survie des Etats-Unis en jeu, acceptent une arme non testée.» John Hamre, ex-assistant du ministre de la Défense a déclaré quant à lui: «Je pense que nous devons tester nos nouvelles armes pour prouver au monde qu’elles sont crédibles.»4

1 www.newyorker.com/· 2 The Oakland Tribune, 7 février · 3 The Los Angeles Times, 6 avril · 4 The Oakland Tribune, 7 février

«Regime change», made in USA

Vincent Cannistraro, ancien chef des opérations anti-terrorisme de la CIA, a déclaré que des opérations militaires secrètes étaient déjà en cours en Iran. Des special forces sont chargées d’identifier les cibles et apportent une aide militaire aux organisations dissidentes. Selon Cannistraro, ces opérations auraient déjà fait des morts.1 Le gouvernement Bush a approuvé un budget de 85 millions de dollars pour la propagande radiotélévisée en Iran et pour le soutien des ONG et groupes d’opposition. Selon Hersh, des bombardiers américains procéderaient déjà à des vols d’entraînement depuis des porte-avions dans la Mer d’Arabie en prévision de bombardements atomiques, juste devant la côte iranienne. Un conseiller du Pentagone lui aurait également raconté que les forces aériennes auraient déjà, lors d’une attaque, touché plusieurs centaines de cibles en Iran, dont «99% n’aurait rien à voir avec la prolifération des armes nucléaires».

1 The Guardian, 10 avril

Combien d’armes nucléairesdans le monde?

Les Etats-Unis disposent de 7650 armes nucléaires opérationnelles, la Russie en a 6.000. Viennent ensuite la France (450), la Chine (400), la Grande-Bretagne (185), Israël (100 à 300), l’Inde (50 à 80) et le Pakistan (10 à 25). Petit détail croustillant: les trois derniers pays cités ne sont pas signataires du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui vise à réduire la prolifération d’armes nucléaires dans le monde. Un détail plus croustillant encore c’est que ce même TNP oblige en son article 6 les puissances atomiques existantes à démanteler petit à petit leur arsenal nucléaire. L’application de cet article pourrait être, selon Paul Aerts de l’Université d’Amsterdam, «la seule et unique manière de dissuader l’Iran de mettre au point une arme nucléaire, si les autres pays étaient disposés à démanteler leur arsenal».1

1 De Standaard, 11 avril

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