La minière Anvil est accusée d’avoir facilité des crimes de guerre en RDC
Trois anciens employés d’une société minière canado-australienne risquent d’être accusés de complicité dans un massacre commis par l’armée congolaise en octobre 2004.
Selon l’organisation britannique de défense des droits de l’homme RAID (Rights and Accountability in Development), une commission juridique militaire ayant enquêté sur les événements survenus à Kilwa, une petite ville située dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), a publié la semaine dernière une «décision de renvoi» mettant en cause ces trois hommes, dont Pierre Mercier, un citoyen canadien qui occupait les fonctions de directeur général au moment des événements.
Une décision de renvoi équivaut à une recommandation de porter des accusations devant un tribunal.
L’agence Reuters a précisé hier, après avoir vu le document congolais, qu’il est reproché aux trois hommes d’avoir «facilité» les «crimes de guerre» commis par les forces armées de la République démocratique du Congo entre le 15 et le 18 octobre 2004 à Kilwa, en mettant à leur disposition des camions et des avions.
Les deux autres ex-employés de la société minière cités par la commission militaire congolaise sont de nationalité sud-africaine.
Il est reproché à un commandant des forces armées de la RDC, le colonel Ademar Ilunga, et à huit de ses subordonnés d’avoir directement commis les atrocités alléguées. L’officier supérieur est aux arrêts depuis 2005.
Kilwa est située dans la province du Katanga, à une cinquantaine de kilomètres de la principale mine exploitée par Anvil Mining, une société qui a été incorporée au Canada en 2004 mais dont le siège social est établi à Perth, en Australie, et dont les actions sont transigées à Toronto, en Australie et en Allemagne.
À cette époque, les soldats avaient réprimé une rébellion menée par un petit groupe d’individus, bombardant la ville de Kilwa et tuant une centaine de résidants, dont plus d’une vingtaine par exécution sommaire, en plus de se livrer à des actes de pillage.
L’année suivante, le massacre avait été porté à l’attention du monde par la télévision publique australienne.
RAID et plusieurs autres ONG occidentales, dont Droits et Démocratie, l’Entraide missionnaire de même qu’une section locale de l’Association africaine de défense des droits de l’homme, ont fait campagne pour qu’une enquête fasse la lumière sur une possible implication d’Anvil Mining.
Cette dernière a publié en 2005 un communiqué niant toute responsabilité dans les événements de Kilwa. Dans une entrevue, le p.-d.g. de la société minière avait toutefois admis que des véhicules avaient été réquisitionnés par les forces armées.
Un rapport d’enquête préparé par la MONUC (Mission de l’Organisation des Nations unies en RDC) a subséquemment mis en doute cette interprétation des faits.
Il n’a pas été possible hier d’obtenir de commentaires de la part de la société.
«Il y a toujours eu de l’incertitude sur la question de savoir si Anvil a volontairement ou involontairement joué un rôle. Ils savaient certainement ce qui se préparait. Ce qui reste obscur, c’est comment ça s’est passé», a noté hier Patricia Feeney, directrice de RAID, au cours d’un entretien téléphonique.
L’organisation britannique s’est félicitée de la décision de la commission juridique militaire congolaise, exprimant le souhait qu’un procès conforme aux normes internationales ait lieu.
«Ce rapport confirme que les ONG avaient raison, affirme Denis Tougas, de l’Entraide missionnaire. Leurs allégations et celles de la MONUC ont été reconfirmées par une instance juridique qui dit qu’il y a eu crimes de guerre. On monte d’un cran.»
«Jusqu’ici, dans nos contacts avec le gouvernement canadien, on nous disait qu’on n’avait pas de responsabilités vis-à-vis de cette compagnie», ajoute M. Tougas.
***
Avec Reuters