La Pérou paralysé par une grève générale : 4 morts, de nombreux blessés et 160 arrestations. Alan García perd sa crédibilité

Le ministre Jorge del Castillo a menacé :”En aucune manière, le gouvernement n’acceptera que des gens aux idéologies étrangères au Pérou ou ennemies du progrès prétendent empêcher le déroulement normal des activités. »  Le président Alan García, a quelques jours du premier anniversaire de son mandat, a contraint les forces armées à prendre le contrôle de toute le territoire national. Motif : le Pérou se retrouve totalement paralysé par la grève générale organisée par les principaux syndicats et organisations paysannes.

Les revendications sont diverses : les enseignants protestent contre la Loi sur la carrière publique d’enseignant*, la Confédération syndicale des travailleurs réclame la solution de plus de 70 conflits du travail en cours, à Puno on réclame des investissments publics dans le secteur social, à Tacna et Moquega on a des revendications budgétaires, à Susco on a des revendications locales et sociales, les agrariens s’opposent à l’exploitation minière, les cultivateurs de coca s’opposent aux mesures répressives usaméricaines, Pisco et Tupac Amaru descendent dans la rue contre l’extension annoncée d’une usine de Pluspetrol et pratiquement toutes les forces sociales expriment leur désapprobation de la signature d’un traité de libre-échange avec les USA** sans consultation du peuple. Bref, c’est comme dans Fuenteovejuna: Todos a una***.

La crise majeure à laquelle est confronté un Alan García reboosté, et reconverti en néoliberal à outrance aligné sur Bush et Uribe, au début de sa seconde présidence, est liée à la détérioration croissante des conditions de vie de la majorité des Péruviens, qui vivent sous le seuil de pauvreté, en dépit des annonces tonitruantes sur la “croissance” macroéconomqiue.

Selon le sondage rendu public par l’Institut d’Opinion publique de l’Université catholique pontificale du Pérou  (PUCP), « le taux d’approbation des Péruviens à la gestion du président Alan García est descendue à 35%, tandis que 59 % la désapprouvent au niveau national. D’autre part 43% et 33% des interrogés ont dit avoir peu ou pas de confiance dans l’administration du  Parti Apriste Péruvien, dirigé par García Pérez », comme le rapporte le quotidien électronique Sur Noticias. Selon le journal, Fernando Tuesta, qui a dirigé le sondage, a affirmé que les résultats “sont réellement préoccupants”, vu qu’Alan García accomplira la première année de son mandat à la tête du pays le 28 juillet prochain. (…)

La manifestation unitaire de masse d’avant-hier  (mercredi 11 juillet 2007) a rassemblé les diverses foces sociales dans la capitale du pays. On retrouvait sur et autour de la Place historique du 2 Mai , le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation (SUTEP), en grève illmitée; des syndicats affiliés à la Confédération générales travailleurs du Pérou (CGTP), la Centrale Unitaire des travailleurs (CUT); la Fédération des étudiants du Pérou ( FEP), la Confédération paysanne du Pérou  (CCP),  la Confédération nationale agraire (CNA) et  la CONACAMI. Les ont rejoints des groupes de militants du Parti nationaliste (Ollanta Humala), du Parti socialiste, du Mouvement Nouvelle gauche, du Parti communiste ainsi que d’autres forces politiques et organisations sociales.  Parmi les slogans entendus, ceux-ci : « Ce que nous avons, ce n’est un président,c’est un délinquant », « Dis donc Alan : c’est quand que tu as travaillé ? », « Et maintenant, venez dire que nous sommes une minorité ! », pour finir par un chœur général : « Il va tomber, il va tomber… Alan García  va tomber » (Y va a caer…y va a caer…Alan García va a caer…)****.

La tension monte au fil des heures.

La répression, qui a fait 4 morts, des dizaines de blessés et 160 arrestations (mais Javier Diez Canseco [ex-candidat à l’élection présidentielle du Parti socialiste] et ses camaradas ont été remis en liberté) plus l’ordre de militarisation marquent la voie empruntée par le gouvernement. Les protestations massives sont la voie prise par les mouvements sociaux.

Les dés sont jetés.

NdT

*Cette loi soumet les enseignants à des évaluations s’ils veulent conserver leur poste, ce que ceux-ci considèrent comme une manière commode de licencier les enseignants non-conformes. 300 000 enseignants participent à la grève.

**Le Traité de libre-échange : communément appelé TLC, il s’agit de l’Accord de promotion commerciale Pérou-USA, qui menace directement la production agricole nationale, puisqu’il permettrait l’entrée massive de produits agricoles usaméricains subventionnés. Voir ci-dessous.

***Fuenteovejuna : todos a una. La traduction la plus moderne de “todos a una” serait le fameux “tous ensemble, tous ensemble” des manifestations sociales françaises. Fuenteovejuna est un classique du théâtre espagnol : cette pièce  de Lope de Vega créée en 1619  s’inspire de la révolte du village du même nom en Castille, dont la population se souleva en 1476  contre un Commandeur de l’Ordre de Calatrava, Fernán Gómez de Guzmán, qui la maltraitait, et le tua. La réplique la plus célèbre de la pièce est celle que répètent l’un après l’autre les habitants interrogés avec des méthodes musclées par le juge envoyé par le Roi. À la question “¿quién mató al Comendador? “ (qui a tué le Commandeuur?”), tous répondent  “Fuenteovejuna, Señor“ (C’est Fuenteovejuna, Monsieur).

*** Voir une vidéo du meeting clôturant la manifestation

 

L’âne est devenu l’emblème de la lutte contre le Traité de libre-échange avec les USA. Âne se dit asino en espagnol et Asi NO signifie : « pas comme ça »! Il fallait y penser.

Article original, Altercom, publié le 13 juillet 2007 

Non au TLE avec les USA

 

1  Parce que les seuls à en bénéficier seront les exportateurs de produits agricoles qui ne représentent que 3% des producteurs nationaux ;

2  Parce qu’il portera atteinte aux conditions des 7 millions de petits producteurs, lesquels, ne pouvant entrer en compétition avec les subsides et la technologie des USA, seront contraints d’abandonner la production et de devenir des consommateurs sans emploi et sans revenu ;

3  Parce que les 28 millions de Péruviens seront contraints de consommer des produits transgéniques (qui ont des effets cancérigènes) ;

4  Parce que le TLE ne permettra pas de renégocier les Contrats de stabilité fiscale;

5  Parce qu’il entraînera l’appauvrissement des terres paysannes et indigènes, données en concession aux multinationales ;

6 Le TLE aiguisera l’exploitation des travailleurs, ceux-là même que les multinationales de l’agro-business font travailler jusqu’à 20 heures d’affilée, les obligeant à travailler dans des conditions inhumaines, sans même leur payer le salaire minimum ;

7 Il sera une grave ingérence dans notre SOUVERAINETÉ NATIONALE , puisque le TLE primera sur notre Constitution et sur les lois du Pérou ;

8 Parce que le TLE répond aux intérêts géopolitiques des USA et des entreprises multinationales qui y font la loi, lesquelles voudraient s’approprier notre eau, notre biodiversité, notre écosystème et nos connaissances antiques.

PLATEFORME DE LUTTE INTÉGRALE POUR

Dire NON au Traité de libre-échange avec les USA

dire NON à la concession de nos ressources minérales (eau, territoire, mines et forêts)

proclamer l’état d’urgence pour l’agriculture dans tout le pays (effacement des dettes et bilan préventif pour l’agriculture)

donner vie à une assemblée constituante qui servira principalement à récupérer la propriété pleine et entière de nos territoires et la souveraineté nationale

faire en sorte que les petits producteurs péruviens de coca deviennent maîtres de leurs propres terres

dire non à la persécution politiques des dirigeants engagés dans la défense des droits des peuples

obtenir le respect du droit coutumier des communautés paysannes et indigènes et l’autonomie pour les “patrouilles paysannes”

obtenir l’abrogation des décrets  D.S. 014-2007.EM et 015-2007-AG, qui favorisent les entreprises minières, excluant les communautés de toute consultation et privant de toute autonomie les gouvernements locaux qui ne peuvent plus prendre d’ordonnances territoriales

obtenir que soit éliminé le régime de travail appliqué dans les entreprises d’exportation de produits agricoles.

Lima, juillet 2007

CNA, CCP, CONACAMI, ANAMEBI, ANPAL, Fronts régionaux , FEMUCARINAP, CGTP, Agriculteurs Cocaleros, Patrouilles paysannes, CUT, AIDESEP, conamuacay,  spar, conap, Fédérations universitaires et étudiantes, Fédération des Marchés, travailleurs de l’éducation et société civile.

  

Promu par la  Campagne continentale contre l’ ALCA (Accord de libre-échange des Amériques):

Source : http://movimientos.org/noalca/

« Oui à la vie, Non à l’ALCA; Une autre Amérique est posible”

Traduit par  Fausto Giudice.  Fausto Giudice est membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.



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