La Palestine spoliée

Lettre à monsieur François-Philippe Champagne, ministre canadien des Affaires étrangères

Les journaux nous apprennent l’entente Trump-Nétanyahou sur un plan de paix pour Israël et la Palestine : un plan de paix fixé sans la participation des représentants palestiniens, un plan de paix qui proclame Jérusalem « capitale indivise » d’Israël, un plan de paix qui spolie la Palestine du tiers de son territoire (la vallée du Jourdain) et qui annexe les colonies juives présentes ailleurs. Toutes choses qui violent explicitement le droit international ; qui contredisent la décision de l’ONU de 1947 lorsque celle-ci a donné un pays aux Juifs décimés par l’holocauste en souhaitant l’existence de deux pays autonomes ; et qui contreviennent à la volonté de l’ONU qui s’en tient aux frontières définies en 1967.
Monsieur le Ministre, pourquoi ne condamnez-vous pas cette proposition, en particulier cette annexion des colonies (comme le Canada l’a fait pour l’invasion de la Crimée par la Russie en mars 2014) ?
Plus largement, pourquoi n’en profitez-vous pas pour reconnaître la Palestine comme État souverain (comme de nombreux pays l’ont déjà fait) et pour favoriser sa présence de plein droit à l’ONU ?) Ce ne serait que justice, l’ONU ayant reconnu l’État d’Israël en 1948 et refusé de le faire pour la Palestine en 1988 quand celle-ci a proclamé son indépendance.) Et cela pourrait avoir plusieurs effets positifs : redonner dignité et confiance aux Palestiniens, établir une meilleure égalité entre les partenaires en présence, relancer les négociations sur un meilleur pied et favoriser la paix dans la région. Il est bien évident, en effet, que la présente proposition, ainsi que la colonisation et la ségrégation actuelles suscitent la colère des Palestiniens et justifient la violence de certains. À propos de ce dernier point, rappelons que l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) a renoncé à la violence et a reconnu l’État d’Israël en 1993. Le Fatah qui gouverne en Cisjordanie refuse lui aussi la violence. Quant au groupe palestinien le Hamas (qui dirige Gaza), groupe dit terroriste, il a conclu deux fois un gouvernement d’union avec le Fatah, acceptant implicitement de cesser la violence contre Israël.
Monsieur le Ministre, pourquoi ne pas encourager aussi les Juifs du Canada à dénoncer ce prétendu « plan de paix » : on peut critiquer une politique particulière d’un pays sans être contre ce pays lui-même. C’est le contraire qui est vrai : aimer un pays inclut le fait d’en critiquer les dérives.
Guy Durand
Guy Durand, professeur émérite de l’Université de Montréal et auteur du livre Israël et Palestine : histoire ancienne et fractures actuelles, Montréal, Éditions des Oliviers


Articles Par : Guy Durand

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