La pique d’adieu d’Obama contre la Russie

Comme l’une de ses dernières initiatives avant de remettre la Maison Blanche à Donald Trump, le président Barack Obama a ordonné aux agences de renseignement américaines de mener « un examen complet » des tentatives alléguées de la Russie de s’immiscer dans l’élection présidentielle de 2016.

La principale conseillère antiterroriste d’Obama, Lisa Monaco, a déclaré vendredi aux journalistes : « Nous avons peut-être franchi un nouveau seuil, et il nous incombe de faire le bilan, d’examiner, de prendre des mesures pour comprendre ce qui s’est passé et de transmettre les quelques leçons apprises ».

Plus tard, le porte-parole d’Obama a déclaré à une conférence de presse de la Maison Blanche que l’enquête était « une énorme priorité ».

« C’est une priorité majeure pour le président des États-Unis », a déclaré le vice-porte-parole du gouvernement Eric Schultz. « Il a ordonné à sa communauté du renseignement et aux responsables de la sécurité nationale d’agir sur cette question. Il s’attend à ce que ce rapport lui soit remis avant son départ ».

Quel « nouveau seuil » a été franchi ? Pourquoi cette question est-elle une « énorme priorité », six semaines avant que Donald Trump n’arrive au pouvoir à la tête du gouvernement le plus à droite de l’histoire des États-Unis ?

L’accusation selon laquelle Moscou a cherché à influencer les élections américaines a été lancée en octobre par le gouvernement américain, qui n’a pas présenté la moindre preuve pour soutenir ses affirmations de piratage de la part de la Russie.

Même si c’était vrai, le « seuil » d’ingérence dans les élections étrangères a été franchi par Washington lui-même il y a longtemps. Au cours des sept dernières décennies, la CIA est intervenue à maintes reprises pour truquer des élections ou renverser des élus jugés trop peu fidèles aux intérêts de l’impérialisme américain. Son bras public, le National Endowment for Democracy, a poursuivi ces opérations de la Géorgie et l’Ukraine au Venezuela, au Honduras et à Haïti.

Obama a lui-même s’est vanté du fait que Washington a la plus grande capacité de guerre cybernétique de toutes les nations sur la planète, et il l’a régulièrement employée, tout en développant des plans pour des attaques mettant hors service l’infrastructure civile de la Russie, de la Chine et de l’Iran. Les États-Unis ont piraté les téléphones et courriels des dirigeants mondiaux allant de la chancelière allemande Angela Merkel à l’ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff.

De quoi exactement la Russie est-elle accusée ?

Le mois dernier, un officiel de la Maison Blanche a publié une déclaration affirmant que l’élection avait été « libre et juste du point de vue de la cybersécurité ». En d’autres termes, il n’y avait pas eu de piratage du vote par les Russes. Il a ajouté que les résultats des élections « reflètent fidèlement la volonté du peuple américain », un mensonge grotesque, étant donné que Donald Trump s’apprête à prendre le pouvoir après avoir perdu le vote populaire par une marge de l’ordre de 3 millions de voix. Cette déclaration venait en opposition aux efforts lancés par la candidate présidentielle du Parti Vert Jill Stein pour forcer un nouveau dépouillement dans les États industriels du Wisconsin, du Michigan et de la Pennsylvanie qui pourraient faire pencher la balance vers Clinton.

Ce qui reste des accusations de l’ingérence russe, ce sont des allégations selon lesquelles le gouvernement du président russe Vladimir Poutine aurait aidé à révéler les secrets que le Parti démocrate cachait à ses propres électeurs, en particulier les efforts fourbes du Comité national démocrate pour saboter la campagne de Bernie Sanders et garantir la nomination présidentielle à Hillary Clinton. Moscou est également accusé de piratage des courriels du directeur de campagne de Clinton, John Podesta, afin de rendre publiques les discours de Clinton promettant fidélité aux banquiers de Wall Street et les activités corrompues du Parti démocrate et de la Fondation Clinton.

Comme l’a dit avec délicatesse le New York Times vendredi dernier, en parlant de l’enquête ordonnée par Obama : « Il n’est pas clair si le contenu de l’examen sera rendu public ». Les preuves ne seront pas présentées au peuple américain parce qu’elles n’existent pas.

En fin de compte, on reproche à Moscou de révéler des vérités politiques incommodes au peuple américain que Obama, Clinton et les démocrates voulaient lui dissimuler.

Que ce soit une « énorme priorité » en dit long sur la politique de l’administration Obama. Dans le même discours annonçant l’enquête, le conseiller antiterroriste a clairement indiqué qu’Obama n’avait aucune intention de prendre aucune mesure pour fermer le camp de prisonniers de Guantánamo à Cuba, ce qu’il avait promis de faire au cours de sa première année de mandat. Il remettra l’infâme installation à Trump, qui a juré de la remplir de prisonniers et de reprendre la torture.

L’administration a clairement indiqué qu’elle ne s’opposerait pas à la nomination par Trump de l’ancien général des marines James « Mad Dog » Mattis comme secrétaire à la Défense, bien que son entrée en fonction requiert la suppression d’une disposition destinée à exclure du poste des officiers ayant servi en uniforme et récemment retraités afin de maintenir le contrôle civil des militaires.

Obama n’a rien dit alors que Trump rassemble son cabinet avec un ramassis de milliardaires de droite et de semi-fascistes voués à la guerre contre la classe ouvrière et les droits démocratiques. Au lieu de cela, le porte-parole de la Maison Blanche a déclaré qu’on l’on « devrait accorder [à Trump] une grande latitude pour qu’il réunisse son équipe ».

Vendredi, le secrétaire adjoint à la presse, Schultz, a de nouveau souligné que l’administration ne remettrait pas en question le résultat des élections, affirmant que l’enquête que Obama avait ordonnée n’était « pas un effort pour contester le résultat des élections ». Il a ajouté qu’Obama « s’était en fait mis en quatre pour s’assurer que nous fournissions une transition sans faille du pouvoir « à Trump.

Alors, sur quoi porte réellement cette enquête ? Le but est d’empoisonner les relations entre Washington et Moscou autant que possible jusqu’au jour de l’inauguration afin de s’assurer que Trump continue les préparatifs de l’impérialisme américain pour la confrontation militaire avec la Russie, considérée comme le principal obstacle à la volonté de Washington d’affirmer son hégémonie sur l’Eurasie.

Le Parti démocrate et Clinton ont fait campagne à droite de Trump lors des élections sur la question de la Russie et de la guerre, dépeignant Trump comme une « marionnette de Poutine » en raison de ses suggestions selon lesquelles l’OTAN serait dépassée et qu’il pourrait négocier avec Moscou, y compris sur une politique commune en ce qui concerne la Syrie.

Si elle avait gagné, Clinton aurait revendiqué un mandat pour intensifier l’intervention américaine en Syrie et pour intensifier le renforcement militaire provocateur de l’OTAN sur les frontières russes en Europe de l’Est.

Le New York Times, qui fonctionnait de fait comme un organe de campagne de Clinton et des démocrates pendant l’élection, a publié un éditorial principal dans sa première édition de dimanche après le vote intitulé « Le danger d’être conciliant envers la Russie ».

Cette semaine, les dirigeants démocrates de la Chambre des représentants ont envoyé une lettre à Obama pour lui demander d’informer le Congrès des allégations d’efforts russes pour influencer les élections. Les principaux dirigeants démocrates ont également présenté un projet de loi pour créer une commission indépendante pour étudier le piratage.

Les républicains du Sénat lancent leur propre enquête sur l’ingérence présumée de la Russie dans l’élection. La Chambre contrôlée par les républicains a adopté une loi imposant des sanctions à tout pays soutenant le gouvernement syrien dans sa guerre contre les milices islamistes soutenues par les États-Unis, une mesure clairement dirigée contre Moscou. Et le projet de loi du budget du Pentagone comprend des millions de dollars en aide militaire létale à l’Ukraine, une provocation ouverte contre la Russie.

Entre-temps, les militaires à la retraite que Trump a recrutés dans son cabinet, Mattis au poste de secrétaire à la défense et John Kelly comme secrétaire à la sécurité intérieure, se sont tous prononcés vigoureusement en faveur du renforcement militaire américaine contre la Russie.

En fin de compte, alors que le gouvernement le plus à droite de l’histoire des États-Unis se prépare à prendre ses fonctions, tous les secteurs de l’establishment dirigeant américain sont unis dans leur volonté de se préparer à la guerre mondiale.

Bill Van Auken

Article paru en anglais, WSWS, le 10 décembre 2016



Articles Par : Bill Van Auken

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