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La politique profonde de Hollywood
Par Matthew Alford et Robbie Graham
Mondialisation.ca, 07 mars 2009
7 mars 2009
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Tom Cruise, « la célébrité la plus puissante du monde » selon le magazine Forbes, s’est fait renvoyer de but en blanc en 2006. Son congédiement est particulièrement consternant, car ce n’est pas son employeur immédiat, Paramount Studios, qui l’a licencié, mais plutôt sa société mère, Viacom. Son PDG – il possède une longue liste d’entreprises médiatiques incluant CBS, Nickelodeon, MTV, et VH1 – Sumner Redstone, connu pour son irascibilité, a déclaré que M. Cruise avait commis un « suicide créatif » en faisant une série d’apparitions publiques frénétiques. Ce fut un licenciement digne d’un épisode de The Apprentice [1].

L’affaire Cruise démontre que, contrairement à ce que l’on s’imagine, les mécanismes internes de Hollywood ne sont pas entièrement déterminés par les désirs du public, pas plus qu’ils ne sont équipés pour répondre uniquement aux décisions des réalisateurs, voire des dirigeants des studios. En 2000, le Hollywood Reporter publiait un palmarès des 100 personnalités les plus puissantes de l’industrie au cours des 70 dernières années. Rupert Murdoch, patron de News Corporation, propriétaire de Twentieth Century Fox, était la plus puissante de toutes. À l’exception de Steven Spielberg (no. 3) aucun artiste ne figurait parmi les 10 premières personnalités.

Chacun des grands studios de Hollywood (« les majors ») est désormais une filiale d’une compagnie bien plus grande et, par conséquent, ne constitue pas vraiment une entreprise distincte ou indépendante, mais plutôt une source de revenus parmi tant d’autres au sein de l’empire financier de sa société mère. Les grands studios et leurs propriétaires sont : Twentieth Century Fox (News Corp), Paramount Pictures (Viacom), Universal (General Electric/Vivendi), Disney (The Walt Disney Company), Columbia TriStar (Sony) et Warner Brothers (Time Warner). Ces sociétés mères figurent parmi les plus grandes et les plus puissantes au monde et sont habituellement gérées par des avocats et des prestataires de services d’investissement ou placeurs [2]. Leurs intérêts économiques sont donc parfois étroitement liés à des secteurs politisés, comme l’industrie de l’armement, et sont fréquemment enclins à amadouer le gouvernement en place puisqu’il règlemente le secteur financier.

Tel que le disait le journaliste gagnant du prix Pulitzer, le professeur Ben Bagdikian, alors que les hommes et les femmes propriétaires de médias pouvaient autrefois remplir une « modeste salle de bal », on pourrait aujourd’hui réunir ces mêmes propriétaires (tous masculins) dans « une grande cabine téléphonique ». Celle-ci n’étant pas exactement le lieu privilégié par les pairs de Rupert Murdoch et Sumner Redstone, il aurait pu ajouter que ces individus se rencontrent en effet dans des endroits cossus tels que Sun Valley en Idaho, afin d’identifier et de forger leurs intérêts collectifs.

Certes, en général, le contenu du film d’un studio n’est pas entièrement déterminé par les intérêts politiques et économiques de sa société mère. Les PDG des studios jouissent habituellement d’une liberté de manœuvre pour faire les films qu’ils désirent sans que leurs maîtres ultimes interviennent directement. À tout le moins cependant, le contenu des films des studios de Hollywood reflète largement leurs intérêts corporatifs élargis et il arrive que les compagnies mères se préoccupent consciemment de certains films. Il y a une bataille entre les forces « descendantes » et « ascendantes », mais les milieux académiques et médiatiques dominants se concentrent traditionnellement sur cette dernière plutôt que sur la précédente.

Examinons la superproduction Australie, film épique de Baz Luhrmann. Deux de ses aspects sont particulièrement frappants : il dissimule l’histoire des aborigènes d’une part, et, de l’autre, présente l’Australie comme un endroit fantastique où aller en vacances. Cela ne devrait étonner personne : la société mère de Twentieth Century Fox, News Corp, propriété de Rupert Murdoch, a travaillé main dans la main avec le gouvernement australien tout au long de la production par intérêts mutuels. Le gouvernement a bénéficié de l’énorme campagne touristique de M. Luhrmann, incluant non seulement le film, mais aussi une série de publicités communes extravagantes (soutenant toutes en apparence son programme maladroit de « réconciliation » avec les Aborigènes). En revanche, le gouvernement a donné à son fils favori des dizaines de milliers de dollars en crédits d’impôt. Le journal West Australian a même prétendu que M. Murdoch a demandé à son « infanterie journalistique » de s’assurer que les critiques de Australie soient dithyrambiques dans chaque division de son empire médiatique. Cela est bien illustré dans le Sun, où le critique a apprécié « un bon divertissement classique rare », à tel point qu’il a été « tenté de faire un saut à l’agence de voyage ».

Une telle ingérence a des précédents historiques. En 1969 Haskell Wexler, caméraman pour Vol au dessus d’un nid de coucou, a éprouvé des difficultés considérables à faire sortir son film Medium Cool, lequel traitait des manifestations antiguerre au Congrès démocrate de l’année précédente. Wexler affirme qu’il possède des documents, obtenus en vertu de la Loi d’accès à l’information, révélant que le veille de la sortie du film, le maire de Chicago, Richard J. Daley, ainsi que des sources haut placées du Parti démocrate ont fait savoir à Gulf and Western (société mère de Paramount à l’époque) que si le film prenait l’affiche, Gulf and Western ne pourrait profiter de certains avantages fiscaux et autres bénéfices. « Un enculé intransigeant n’a pas de sens moral », nous a dit Wexler furieux en faisant référence aux chefs d’entreprises hollywoodiens, « et ils n’ont pas de sens moral ».

Wexler a décrit comment ce complot corporatif a été ordonné pour minimiser l’attention portée au film : « Paramount m’a téléphoné et m’a demandé des décharges de tous les [manifestants] qui se trouvaient dans le parc, ce qui était impossible à fournir. Ils m’ont dit que si les gens allaient voir ce film, quittaient le cinéma et commettaient des actes de violence, les bureaux de Paramount pourraient être poursuivis. » Bien que Paramount était dans l’obligation de sortir le film, la compagnie a réussi a le faire classer X, a fait peu de publicité et a interdit à Wexler de participer à des festivals de films. Ce n’est pas une bonne façon de faire du profit avec une production, mais un moyen efficace de protéger les intérêts élargis de la société mère.

Puis il y a le fameux cas de Fahrenheit 9/11 (2004), la superproduction de Michael Moore à laquelle la Walt Disney Company a tenté de nuire malgré son « énorme succès » lors de prévisionnements. La filiale de Disney, Miramax, a affirmé que sa société mère n’avait pas le droit d’empêcher la sortie du film puisque son budget était bien en deçà du niveau nécessitant l’approbation de Disney. Les représentants de cette dernière ont rétorqué qu’ils avaient un droit de veto sur n’importe quel film de Miramax si sa distribution paraissait nuisible à leurs intérêts. Ari Emanuel, l’agent de M. Moore, a déclaré que le patron de Disney, Michael Eisner, lui avait dit qu’il désirait se retirer de cette affaire car il s’inquiétait des répercussions chez politiciens conservateurs, particulièrement en ce qui concernait les allégements fiscaux dont bénéficiait les propriétés de Disney en Floride, comme Walt Disney World (dont le gouverneur était le frère du président des États-Unis, Jeb Bush). Disney avait également des liens avec la famille royale saoudienne, laquelle était représentée défavorablement dans le film : un membre influent de la famille, Al-Walid ben Talal, ¸détenait une grosse part dans Eurodisney et avait contribué à sauver le parc d’amusement de ses ennuis financiers. Disney a démenti tout manège dans les hautes sphères politiques en expliquant qu’ils craignaient « d’être entraînés dans une bataille politique hautement partisane », qui, selon eux, éloignerait les clients.

Disney avait systématiquement propagé des messages proestablishment dans ses films, particulièrement sous les bannières de ses filiales, comme Hollywood Pictures et Touchstone Pictures (quoi que le film Nixon de Oliver Stone de 1995 soit une exception notoire). Plusieurs d’entre eux ont reçu de généreuses contributions du gouvernement américain : le Pentagone a financé In the Army Now (1994), USS Alabama (1995), Armageddon (1998), ainsi que Mauvaise fréquentation (2002) et La Recrue (2003), approuvés par la CIA. En 2006 Disney a sorti le téléfilm The Path to 9/11, excessivement biaisé afin d’exonérer l’administration Bush et de blâmer celle de Clinton pour les attaques terroristes, provoquant l’indignation de l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright et de l’ancien conseiller à la Sécurité nationale de Bill Clinton, Sandy Berger, qui se sont plaints par écrit.

L’on comprend la nature des productions de Disney lorsque l’on considère les intérêts des hauts échelons de l’entreprise. Disney entretient des liens historiques avec le département de la Défense, et Walt Disney était lui-même un anticommuniste virulent (quoique des reportages à l’effet qu’il ait été un informateur secret du FBI ou même un fasciste relèvent davantage de la spéculation). Dans les années 1950, des commanditaires privés et gouvernementaux ont aidé Disney à produire des films faisant la promotion de la politique « Atoms for Peace » (Des atomes pour la paix) du président Eisenhower, ainsi que le documentaire tristement célèbre Duck and Cover (Plonge et couvre-toi) suggérant aux écoliers qu’ils pouvaient survivre à une attaque atomique en se cachant sous leur bureau. Ces liens existent encore à l’heure actuelle : un membre de longue date du conseil d’administration de Disney, John E. Bryson, est également directeur chez Boeing, un des plus grands entrepreneurs au monde dans le domaine de l’aérospatial et de la défense. Boeing a reçu 16,6 milliards de dollars en contrats du Pentagone dans la foulée de l’invasion américaine de l’Afghanistan [3]. Cela aurait été un incitatif considérable pour que Disney évite de cautionner des films critiques de la politique étrangère de M. Bush, tels que Fahrenheit 9/11.

Par ailleurs, il ne faut pas s’étonner de l’accueil cynique réservé au film Pearl Harbor (2001) de Disney à sa sortie. Ce film simpliste à gros budget, réalisé avec l’entière collaboration du Pentagone, célébrait le regain du nationalisme américain après « le jour de l’infamie ». Pourtant, malgré des critiques lamentables, Disney a étonnamment décidé en août 2001 d’allonger la projection nationale du film à sept mois, une durée stupéfiante comparativement à la norme de deux à quatre mois, ce qui signifiait que cette superproduction « estivale » serait en salle jusqu’en décembre. En outre, Disney a augmenté le nombre de salles où elle était projetée de 116 à 1036. Pour les entreprises qui allaient profiter des suites du 11 septembre, Pearl Harbor constituait, lugubrement, une musique d’ambiance appropriée.

Cependant, alors que des films tels Australie et Pearl Harbor ont droit à des traitements préférentiels, les films provocateurs et incendiaires sont fréquemment relégués dans le trou noir cinématographique. Salvador (1986) de Oliver Stone était un portrait cru de la guerre civile salvadorienne : son récit était largement compatissant envers les paysans révolutionnaires de gauche et explicitement critique envers la politique étrangère américaine, condamnant le soutien des États-Unis aux militaires salvadoriens de droite et aux tristement célèbres escadrons de la mort. Tous les grands studios de Hollywood ont refusé le film de M. Stone – l’un d’eux l’a même qualifié « d’œuvre haineuse » – malgré les excellentes critiques de nombreux journalistes. Le film a finalement été financé par des investisseurs britanniques et mexicains et sa distribution fut limitée. Plus récemment, des millions de personnes ont visionné par Internet des documentaires controversés comme Loose Change (2006/2007), faisant valoir que le 11 septembre était un coup monté de l’intérieur, et Zeitgeist (2007), lequel dresse un portrait effrayant de l’économie mondiale, sans que les médias dominants ne les abordent [4].

Les productions contemporaines de Universal studios ont soutenu le pouvoir américain de façon moins rigoureuse, tel que le démontrent des films comme Les Fils de l’homme (2006), Jarhead, la fin de l’innocence (2005) et Raisons d’État (2006). Mais encore, avec des films comme U-571 (2000) et La Guerre selon Charlie Wilson (2007) on peut comprendre que la société mère de Universal soit General Electric (GE), dont les intérêts les plus lucratifs se rapportent à la fabrication d’armes et la production de composantes essentielles aux avions de guerre sophistiqués, à la technologie de surveillance perfectionnée ainsi qu’au matériel essentiel destiné aux industries mondiales du pétrole et du gaz, notamment en Irak depuis la chute de Saddam Hussein. Le conseil d’administration de GE a des liens étroits avec des organisations libérales telles que la Fondation Rockefeller. Alors que le terme « libéral » peut avoir une connotation positive une fois que l’on a connu le genre de conservatisme impopulaire de M. Bush, les organisations libérales sont coulées dans le béton de l’élite étatsunienne et ont fréquemment été les architectes de la politique étrangère interventionniste des États-Unis, y compris contre le Vietnam. Elles sont prêtes à s’allier aux conservateurs sur certaines questions, particulièrement celle de la sécurité nationale. Il ne faut donc pas se surprendre que GE était près de l’administration Bush par l’entremise de ses actuel et ancien PDG. Jack Welch (PDG de 1981 à 2001) affiche publiquement son dédain pour « le protocol, la diplomatie et les autorités de réglementation » et a même été accusé par le membre du Congrès Henry Waxman d’avoir fait des pressions au réseau NBC pour qu’ils déclarent avant l’heure M. Bush gagnant des élections volées de 2000, en se présentant à l’improviste dans la salle des nouvelles lors du dépouillement des bulletins. Le successeur de M. Welsh, l’actuel PDG de GE, Jeff Immelt, est un néoconservateur qui a contribué généreusement à la campagne électorale pour la réélection de M. Bush

Le film de GE/Universal qui a probablement fait le plus sourciller est United 93 (2006), présenté comme « le vrai récit » des passagers héroïques ayant « déjoué le complot terroriste » le 11 septembre en provoquant l’écrasement hâtif de l’avion dans un champs de la Pennsylvanie. Même si le film a fait des gains en raison de son faible coût, le public l’a accueilli avec beaucoup d’apathie et d’hostilité avant sa sortie à travers le pays. À l’époque, les médias indépendants questionnaient sérieusement la version officielle du 11 septembre de M. Bush : selon les résultats d’un sondage Zogby de 2004, la moitié des New Yorkais croyaient que « les leaders des États-Unis était au courant des attaques imminentes du 11 septembre et se sont “consciemment abstenus” d’agir ». Par ailleurs, seulement un mois avant la sortie de United 93, 83 % des téléspectateurs de CNN croyaient que « le gouvernement américain camouflait les vrais événements du 11 septembre ». Comme sa version officielle faisait l’objet de violentes critiques, l’administration Bush a accueilli la sortie de United 93 à bras ouverts : il était une traduction audio-visuelle du Rapport de la Commission nationale d’enquête sur les attaques terroristes contre les États-Unis et l’on avait glissé dans son générique des remerciements particuliers au contact hollywoodien du Pentagone, Phil Strub. Peu après sa sortie, le président Bush a visionné le film avec des proches des victimes lors d’une projection privée à la Maison-Blanche, un geste pouvant être interprété comme une approbation officielle et une manoeuvre cynique de relations publiques [5].

Le film Munich (2005) de GE/Universal, une réflexion de Steven Spielberg sur la vengeance d’Israël à la suite des attentats terroristes palestiniens aux Olympiques de 1972, éveille des doutes similaires. Même si la Zionist Organisation of America a appelé à son boycott parce que, selon elle, il assimilait Israël aux terroristes, une telle lecture est moins que convaincante. En effet, a moment où le générique de Munich commence à défiler, les personnages des Forces spéciales israéliennes ont déjà imprimé de façon indélébile ses principaux messages dans le cerveau du spectateur : « Il est nécessaire pour chaque civilisation de faire des compromis avec ses propres valeurs », « Nous tuons pour notre avenir, nous tuons pour la paix » et « Ne faites pas ch*er les juifs ». Évidemment, Israël est l’un des plus fidèles clients de GE : il achète ses missiles au laser Hellfire II, ses systèmes de propulsion pour les chasseurs F-16 Falcon et F-4 Phantom, les hélicoptères d’attaque AH-64 Apache et les hélicoptères UH-60 Black Hawk. Durant les 167 minutes de Munich, la voix accordée à la cause palestinienne est réduite à deux minutes et demi de dialogues simplistes. Au lieu d’être un « cri impartial pour la paix » tel qu’acclamé par le Los Angeles Times, Munich de General Electric est bien plus un endossement corporatif subtil des politiques d’un fidèle client.

Dans la gamme de films moins libéraux des dernières années on trouve Warner Brothers : JFK (1991), Le Géant de fer (1999)South Park – le film : Plus long, plus grand et pas coupé, Good Night and Good Luck (2005), V pour Vendetta (2005) A Scanner Darkly (2006) Détention secrète (2007) et Dans la vallée d’Elah (2007). Cela démontre qu’à la suite de plaintes concernant les stéréotypes raciaux dans le film d’action Ultime décision (1996) de Warner Bros, financé par le Pentagone, le studio a pris des mesures inhabituelles et a engagé Jack Shaheen, un conseiller en politiques raciales sur les plateaux de tournage, ce qui a eu pour résultat l’un des meilleurs films du genre de sa génération, Les Rois du désert (1999) [6]. Ce n’est peut-être pas une coïncidence que la société mère de Warner Brothers, Time Warner, soit moins intimement liée à l’industrie de l’armement ou à la clique néoconservatrice.

Toutefois, pour avoir une idée de ce qui arrive aux films lorsque l’on soustrait les intérêts multinationaux de l’industrie, examinons le distributeur indépendant Lions Gate Films (fondé au Canada par un placeur), lequel est toujours partie prenante du système capitaliste, mais non redevable à une société mère multimilliardaire ayant des intérêts multiples. Bien que Lions Gate ait généré un bon lot de productions sanglantes et politiquement vagues, il a également été derrière certains des films politiques populaires les plus originaux et les plus audacieux des dix dernières années, critiquant le corporatisme dans American Psycho (2000), la politique étrangère étasunienne dans Hôtel Rwanda (2004), le commerce des armes dans Lord of War (2005), le système de santé américain dans Sicko (2007) de Michael Moore, ainsi que l’establishment étatsunien en général dans Les U.S.A. contre John Lennon (2006).

Nul besoin de répéter que Hollywood est davantage motivé par le désir des dollars que par l’intégrité artistique. Le cinéma comme tel est ouvert aux produits de placement sous diverses formes, des jouets aux autos en passant par les cigarettes, même par l’armement dernier cri (d’où les remerciements particuliers à Boeing dans le générique de L’Homme de fer (2008)). Ce qui est moins évident cependant, et moins bien fouillé, est l’impact même des intérêts des sociétés mères des studios sur le cinéma, à la fois aux niveaux systémique et individuel. Nous espérons que l’attention critique se déplacera vers les premiers producteurs de ces films pour qu’ils contribuent à expliquer la faiblesse de leurs contenus, et ultimement à aider le public à faire des choix éclairés sur ce qu’il consomme. En levant les yeux de notre pop corn, il est bien de se rappeler que derrière la magie des films se cachent les magiciens des relations publiques corporatives.

NOTES

[1] La plus mémorable étant lorsqu’il a déclaré son amour pour Katie Holmes en sautillant à l’émission d’Oprah.

[2] Dans la liste Global 500 du magazine Fortune de 2008, General Electric occupait la 12e place avec des revenus de 176 milliards de dollars. Sony était au 75e rang, Time Warner au 150e, la Walt Disney Company au 207e et News Corp au 280e. Par comparaison, Coca Cola occupait la 403e place.

[3] Fait intéressant, le PDG de Disney, Michael Eisner, s’est impliqué personnellement dans le retrait de l’émissions de Bill Maher, Politically Incorrect, après que l’animateur ait commis un péché capital en disant qu’en utilisant des missiles de croisière, les États-Unis posaient un geste plus lâche que les attaques du 11 septembre. M. Eisner « a convoqué M. Maher dans son bureau pour lui flanquer une correction », d’après Mark Crispin Miller de l’hebdomadaire The Nation.

[4] La distribution de la satire de science-fiction de John Carpenter Invasion Los Angeles peut également servir d’argument – moins convaincant, néanmoins intriguant – pour démontrer la grande influence politico-économique dans le domaine. Ce film raconte comment le monde est mené par une force envahissante d’extra-terrestres maléfiques alliée à l’establishment américain. Il a été bien accueilli par les critiques (sauf, exception notoire, par le New York Times et le Washington Post) et s’est classé numéro un au palmarès dès sa sortie. Il a facilement engrangé un retour d’investissement de 4 millions de dollars en une fin de semaine et, bien qu’il soit descendu à la quatrième place la fin de semaine suivante, il a tout de même récolté 2,7 millions de dollars. Lorsque le film était à l’affiche, le distributeur, Universal Pictures, avait fait une publicité montrant un extra-terrestre squelettique en veston cravate, arborant une crinière semblable à celle de Dan Quayle, le nouveau vice-président élu des États-Unis. L’élection présidentielle avait eu lieu quelques jours auparavant, le 8 novembre. La co-vedette Keith David a fait remarquer ceci : « Personne n’est paranoïaque, mais… soudainement on ne pouvait plus le voir [Invasion Los Angeles] nulle part. C’est comme si on l’avait volé. »

[5] Nous avons mentionné ailleurs que des représentants de Universal avaient assisté à la projection. Il s’agissait d’une erreur.

[6] M. Shaheen a également été conseiller sur le plateau de Syriana (2005) de Warner Bros.

Article original en anglais, The Deep Politics of Hollywood, In the Parents` Best Interests, le 26 février 2009.

Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.

Matthew Alford est l’auteur du livre qui sera publié prochainement « Projecting Power: American Foreign Policy and the Hollywood Propaganda System ». Robbie Graham est chargé de cours en Cinéma au Stafford College. Des références sont disponibles sur demande.

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