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La prise d’assaut du Parlement irakien: un «avertissement » de Moqtada al-Sadr à Nouri al-Maliki
Par Majdi Ismail
Mondialisation.ca, 30 juillet 2022
Anadolu
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Le chercheur et expert en affaires irakiennes, Nadir al-Kandouri, a considéré la prise d’assaut par les manifestants du Parlement irakien, mercredi, comme étant un message urgent adressé par le Courant sadriste au « Cadre de coordination », une alliance de factions chiites pro-Iran, avec comme cible Nouri al-Maliki pour les avertir de ne pas le marginaliser, prévoyant l’organisation d’ici quelques mois, d’élections anticipées.

C’est ce qui ressort d’une déclaration faite par Al-Kandouri à l’Agence Anadolu (AA), dans laquelle il a analysé les développements survenus en Irak, mercredi, après la prise d’assaut par les sympathisants du dirigeant chiite, Moqtada al-Sadr, de la zone verte et du Parlement, en signe de protestation contre la présentation par le « Cadre de coordination » de la candidature de Mohamed Chia al-Soudani, ancien ministre et ex-gouverneur de province âgé de 52 ans, au poste de Premier ministre.

Mercredi, des centaines de sympathisants et de partisans du Courant sadriste, ont investi le siège du Parlement dans la capitale Bagdad, pour protester contre la candidature d’Al-Soudani au poste de Chef du gouvernement, tandis que les différends entre les forces politiques, entravant la formation d’un nouveau gouvernement, se poursuivent depuis la tenue des élections législatives anticipées, en date du 10 octobre 2021.

Le « Cadre de coordination » avait choisi, le 25 juillet, Al-Soudani comme candidat à la présidence du prochain gouvernement.

Tournure des événements

Al-Kandouri a entamé sa déclaration en indiquant « qu’après l’annonce par le Cadre de coordination de la candidature de Mohamed Chia al-Soudani au poste de Chef du gouvernement, les condamnations et les rejets de cette personnalité se sont multipliés sur les réseaux sociaux, par les sympathisants du Courant sadriste ».

Il a ajouté que ce « rejet est motivé par le fait que celui qui a présenté cette candidature est Nouri al-Maliki et Al-Soudani sera un obligé de ce dernier, d’autant plus que c’est un membre du parti « al-Da’awa » présidé par l’ancien Premier ministre ».

Il a rappelé qu’Al-Soudani avait démissionné du parti, dans le but de présenter sa candidature, en remplacement de l’ancien Chef du gouvernement, Adel Abdel Mahdi et qu’il avait, à cette époque, été rejeté par les manifestants de la révolte populaire d’octobre 2019.

« Ces événements interviennent sur fond de la démission du Parlement irakien des députés du bloc sadriste, après leur échec à former le gouvernement avec leurs alliés, parmi les Kurdes et les Sunnites », a-t-il dit.

Il a ajouté : « Après quoi, l’alliance du « Cadre de coordination » s’est accaparée la formation du cabinet en se considérant comme étant le plus grand bloc chiite restant au Parlement ».

« Les différends se sont intensifiés entre le Courant sadriste et le Cadre de coordination, sur fond de l’ancien conflit entre Moqtada al-Sadr, chef de file du Courant sadriste et Nouri al-Maliki, l’ancien Premier ministre et un des principaux membres du Cadre de coordination », a-t-il ajouté.

« Moqtada al-Sadr s’emploie à accomplir le même rôle que celui joué par le Cadre de coordination lorsque ce dernier a réussi à empêcher le leader chiite de former son gouvernement, en dépit de son obtention du plus grand nombre de sièges au Parlement, au cours du dernier scrutin », a-t-il relevé.

Les événements de la prise d’assaut de la zone verte et du siège du Parlement ont été concomitants à une visite non-annoncée, en Irak, du commandant de la « Force Al-Qods » une unité d’élite des Gardiens de la révolution islamique, pour rencontrer plusieurs membres du « Cadre de coordination » et appuyer la candidature de Mohamed Chia al-Soudani à la présidence du gouvernement.

Impact de la prise d’assaut

Evoquant le timing de la prise d’assaut et des manifestations ainsi que leur impact sur la scène irakienne, Al-Kandouri a relevé que « ces manifestations interviennent quelques jours avant la tenue d’une séance du Parlement (samedi prochain) et durant laquelle un président de la République sera choisi parmi les Kurdes, de même que le plus grand bloc sera désigné tout en présentant la candidature du Chef du gouvernement ».

« Ainsi, les manifestations des partisans de Moqtada al-Sadr interviennent comme étant un message de rejet exprimé par leur chef contre le candidat du Cadre de coordination proche de Nouri al-Maliki », a-t-il poursuivi.

C’est comme si, a-t-il expliqué, « Moqtada al-Sadr disait à l’alliance du Cadre de coordination qu’il est encore actif dans l’échiquier politique et qu’il faut toujours compter avec lui, en dépit de la démission de ses députés ».

« En cas de persistance de l’alliance du Cadre de coordination à vouloir tenir une séance pour entériner la candidature d’Al-Soudani, cela constituerait un défi de taille lancé à l’endroit de Moqtada al-Sadr et de ses sympathisants, ce qui pourrait aboutir à l’enlisement du pays vers l’anarchie, dépassant celle survenue mercredi », a-t-il ajouté.

« Toutefois, le leader chiite envoie cette fois-ci un message clair à ses adversaires politiques parmi les membres du Cadre de coordination, en vertu duquel il est capable de faire chuter le régime s’il est contraint de le faire », a-t-il ajouté.

« Néanmoins, Moqtada al-Sadr ne veut pas cela et s’emploie à maintenir en place le régime actuel tel qu’il est, à condition d’avoir son mot à dire et d’être l’unique leader des Chiites en Irak et d’éviter toute tentative de marginalisation où d’exclusion le ciblant », a-t-il encore dit.

Et Al-Kandouri de conclure : « Compte tenu des données actuelles, il est probable que les forces chiites parviennent à un consensus pour organiser des élections anticipées devant se tenir au cours des prochains mois. A défaut de cela, aucune solution n’apparaît à l’horizon ».

« Le dissensus entre le Cadre de coordination et Moqtada al-Sadr a atteint le point de non-retour et un palier insoluble, de même que les voix de certains politiques s’élèvent pour réclamer le maintien du gouvernement actuel de Moustafa al-Kazimi et engager des préparatifs en prévision de la tenue de nouvelles élections, dans le but de faire sortir l’actuel processus politique de l’impasse », a poursuivi notre interlocuteur.

Les affrontements politiques futurs

Quant à l’avenir des affrontements politiques et des résultats prévus, Al-Kandouri a indiqué que « des dirigeants du Cadre de coordination persistent toujours pour défier al-Sadr et ses sympathisants et cela est apparu, de manière franche, via leurs déclarations, communiqués et commentaires après la prise d’assaut de la zone verte ».

Il a souligné que le « Cadre de coordination a affirmé que les manifestations n’impacteront pas sur ses efforts déployés en vue de former le gouvernement d’Al-Soudani ».

Le « Cadre de coordination » a publié jeudi un communiqué pour souligner son attachement à cette candidature.

Le chercheur irakien a ajouté que « le retrait des sympathisants d’Al-Sadr de la zone verte était prévu », rappelant que ces mêmes sympathisants « avaient envahi la zone verte en 2016, avant de battre en retraite sans faire chuter le régime à l’époque ».

 

 

Traduit de l’arabe par Hatem Kattou, Anadolu.

 

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