La radicalisation des élites dominantes en France
Dans notre article du 12 mars dernier, nous nous posions la question de savoir comment nous pouvions comprendre et expliquer cet aveuglement des classes privilégiées et donc aussi leur surdité à entendre la souffrance des autres, des laissés pour compte, des abandonnés sur le bord de la route, des exploités, des maltraités par le fascisme ultra libéral, des méprisés, des humiliés du système, de ces 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France?
En réalité, ces Gilets-jaunes, représentant une grande partie de la population française, s’étaient réveillés brutalement un beau matin d’octobre 2018, alors que le Pouvoir en place tentait d’étrangler cette majorité par sa nouvelle injustice fiscale ayant dépassé les bornes du supportable! Cette population française majoritaire frappée par l’abus et les injustices, n’avaient plus d’autre choix que celui de sortir du bois, à la surprise de tous ceux qui n’étaient plus habitués à voir la révolte en marche. Les Gilets-jaunes ont alors envahi les rues des Villes Lumières, les grandes Avenues du luxe et de la vie nonchalante des Bobos BCBG qui se nourrissaient grassement depuis 40 ans du mensonge permanent déversé sur les Galériens de la société considérés par cette « élite », comme des mal pensants.
Eux, les profiteurs d’en haut, étaient depuis un certain temps sans soucis majeurs, tranquilles et bien installés dans leur nonchalance protégée par les hauts murs d’une sorte de ghetto du privilège au cœur duquel régnaient en maître le politiquement correct et l’autosatisfaction d’un esprit décadent se permettant d’aller faire des guerres illégales en Syrie et ailleurs, pour la justification d’un néocolonialisme du pillage des « dominés », se félicitant d’être les leaders de la « conscience morale » dans l’Univers…
Surpris dans leur état second de la jouissance sans partage, les privilégiés insouciants ont été durement secoués par ce réveil soudain d’une masse de gens qu’ils s’étaient habitués à mépriser, dont ils s’amusaient en se tapant sur le ventre et en sortant leurs blagues cyniques. Désormais, cette population majoritaire des « pauvres » devenue étrangère, inconnue, constituée des silencieux de la vie, des oubliés de la cour moderne des miracles, des rebus de la société ultra libérale, allait devenir dangereusement dérangeante, parce qu’elle avait décidé de sortir de son silence pour se rendre hautement audible et visible, vêtue de gilets-jaunes fluo, en venant chaque samedi défiler pacifiquement sur les belles avenues de la richesse ruisselante en circuit fermé! Le réveil brutal des privilégiés interpellés par les représentants de ces millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, allait déranger profondément les nonchalants auxquels les défavorisés imposaient leur présence indésirable, car elle allait vite devenir une accusation implicite silencieuse, une revendication pour plus de justice qui allait de ce fait dénoncer l’injustice des différences abyssales dévoilées par un débat qui s’invitait au cœur de l’inconscience et de l’insouciante des privilégiés du système.
Surpris par les revendications qu’ils jugeaient incongrues, se demandant d’où sortaient ces « foules haineuses des gens qui ne sont rien » venant les invectiver avec autant de détermination, sidérés par l’inattendu d’une telle révolte imprévue, les profiteurs d’en haut restaient les yeux hagards, pétrifiés par l’inopiné du mouvement, sans tête identifiable pour être neutralisée, qui venait les provoquer directement chez eux, à leur porte, jusque dans les cours des ministères.
Après un temps de déstabilisation, de choc et de désagrément, les privilégiés allaient se ressaisir et commencer à invectiver à leur tour tout « divergent » qui oserait prendre la parole pour faire entendre les revendications de millions de personnes oubliées dans ce monde ignoré de la survie provoquée par l’exclusion sociale.
La junte journalistique collabo allait, d’une seule voix et d’un seul geste, tendre son doigt accusateur et jouer son rôle de chien de garde du système en aboyant contre ces « populistes », ces «antisémites» ou ces « complotistes », autant de Gilets-bruns et de Gilets-rouge, tous « ultras », cachés sous des gilets-jaunes, qui osaient désigner en l’accusant, la violence du système qui les martyrisait et qu’ils avaient le culot de venir dénoncer jusqu’à leur porte!
Le malentendu était immédiat. Les riches au pouvoir et tous leurs amis Bobos privilégiés du système, ne pouvaient plus comprendre les pauvres et la légitimité de leur cri de colère. Ce langage de revendication était devenu inaudible pour eux, incompréhensible, incongru, étrange même.
Certains d’entre eux, notamment ancien ministre et philosophe de salon, se demandaient même pourquoi la police ne « faisait pas usage de ses armes », en d’autres termes, pourquoi elle ne « leur tirait pas dessus immédiatement, sans la moindre hésitation » : une doctrine de la « dissuasion » était remise au goût du jour et adaptée aux fins de mater le peuple d’une France périférique en colère? Ce monde-là se demandait, dans le fond, pourquoi on ne chassait pas énergiquement ces pestiférés dans les charniers de l’extermination? Qui étaient donc ces intrus qui venaient déranger la béate nonchalance des bourgeois favorisés par l’ordo-libéralisme établi et triomphant? Pourquoi tous ces gens mécontents venaient crier à leur porte et les déranger dans leur tranquillité?
Le réveil des millions de Français souffrant des causes du massacre ultra libéral, révélait le gouffre abyssal qui avait été creusé entre deux groupes au sein de la société devenue schizophrène. Il y avait d’un côté le monde « d’Alice au pays des merveilles », et de l’autre celui des misérables, celui des « Cosette » et des « Gavroche», exploités par les « Thénardier » d’une société redevenue à plusieurs titres esclavagiste!
C’est à ce moment là que l’on pouvait comprendre pourquoi le Pouvoir des privilégiés en place ne pouvait pas comprendre la révolte des Gilets-jaunes; pourquoi il ne pouvait pas avoir de compassion pour eux; pourquoi il restait insensible à leurs cris; pourquoi il ne lui venait pas à l’idée d’essayer de les comprendre, de les entendre et d’agir pour apaiser la douleur de leur désespoir provoqué par la maltraitance des injustices! C’est à ce moment là que l’on pouvait découvrir pourquoi le Pouvoir ne voyait pas ce qu’il devrait changer; pourquoi aurait-il du s’intéresser à ce qui concernait la vie de « ceux qui ne sont rien »? La réponse serait celle de la répression. Chaque semaine passant, la répression deviendrait toujours plus violente, allant dans une escalade du massacre qui déclenchait la protestation des organismes internationaux contre ce Pouvoir macronien se montrant violent, insensible, dictatorial, honteux, donnant une image pitoyable de la France… Ce ne sont pas les Gilets-jaunes qui donnaient une image délabrée de la France, ce sont les hommes politiques résolument ultra libéraux, macroniens, sourds à la justice sociale et à la justice fiscale, qui donnaient une image délabrée de la France. D’ailleurs, une multitude de pays à travers le monde se sont émus de l’exemple courageux des Français qui osaient manifester ainsi leur colère en bravant la répression policière et qui les prennent aujourd’hui en exemple pour faire de même chez eux, car le fascisme ultra libéral fait les mêmes dégâts partout dans le monde occidental livré au capitalisme sauvage du monde parasitaire de la dictature financière auquel les Etats démissionnaires ont laissé le pouvoir!
Cette surdité et cet entêtement de Macron à ne voir dans les Gilets-jaunes qu’une minorité de « terroristes » dérangeant la grande majorité des Français, (alors que les derniers sondages indiquent toujours que 86% des Français attendent la réforme fondamentale de la politique actuelle et un changement de cap avec l’UE), allaient provoquer plus de colère encore et une montée symétrique en puissance de la révolte qui peu à peu s’acheminerait vers la violence traduisant le rejet de l’inacceptable.
Encore une fois, malgré les rappels à l’ordre de l’UE, de l’ONU et d’autres Instances Internationales, Macron allait renforcer la répression en mobilisant l’armée pour libérer davantage les moyens policiers du dressage, avec le risque d’un embrasement de la situation devenue explosive si les militaires étaient placés en situation de devoir ouvrir le feu sur les citoyens qualifiés par la macronie « d’émeutiers ». Ceci n’allait pas empêcher non plus l’amateur Castaner de continuer ouvertement à se moquer du monde en prétendant que « les Gilets-jaunes étaient de moins en moins nombreux » ; que « le mouvement s’était tellement essoufflé » qu’il ne représentait plus que 8500 personnes sur toute la France, le samedi 23 mars, mais alors que le mouvement de révolte était devenu quasi invisible, il fallait justement à ce moment là mobiliser l’armée pour venir au secours de la police débordée!?
On le voit bien: tout cela relève de la supercherie, du mensonge habituel pratiqué depuis 40 ans par cette caste des riches au Pouvoir; il n’est toujours pas question d’entendre, de comprendre et d’apaiser les revendications légitimes des Gilets-jaunes qui représentent au moins 10 millions de personnes sans compter toutes celles qui soutiennent leurs revendications sociales plus que légitimes. Faut-il encore rappeler que Macron avec ses 23,75% de voix au premier tour des élections, pourcentage représentant les réels sympathisants de Jupiter, ayant pour un grand nombre d’entre eux déjà déchanté depuis mai 2017, ne peut pas revendiquer une légitimité présidentielle!? Il est bien clair que Macron doit écouter les revendications des Français et les laisser reprendre en mains leur vie politique, ou il fera de son mandat truqué une catastrophe pour la France et beaucoup de temps perdu comme d’énergie gâchée. Non seulement il n’est pas légitime à l’Élysée, mais en plus de cette imposture « électorale », il brade le patrimoine de la France au profit des intérêts étrangers. On ne peut pas le laisser vendre les richesses de la France, sans l’avis des Français, alors qu’il est entrain d’agir avec l’accord béat des crétins qui l’encensent comme un dieu du panthéon de l’arrogance et de l’autosatisfaction.
Cette « radicalisation des bourgeois » est révélatrice d’une situation gravissime, car un tel constat a toujours été fait pour expliquer comment une partie de la population pouvait décider purement et simplement d’éliminer une autre partie de la population devenue inutile, nuisible, dérangeante, selon les critères idéologiques de la société dont la richesse se suffit à elle-même.
On en est là aujourd’hui : la société de Macron faite des privilégiés et des amis macroniens, le petit monde bien pensant de LREM, pense qu’il est le seul à pouvoir apporter la félicité et à éviter le chaos; il est la seule solution raisonnable. Ce monde-là est prêt à exterminer la masse des galériens de la vie devenue inutile pour le bonheur exclusif des nantis du fascisme ultra libéral.
Ce qui se passait peu à peu sous nos yeux, en cet espace de 4 mois, c’était la naissance d’une radicalisation des « élites » dominantes, qui en venaient à imaginer l’effacement de toute protestation possible en France! Les Bobos nantis se radicalisaient en justifiant leur radicalisation par leur « conscience des valeurs républicaines », par leur « amour de l’ordre républicain », par la « haute idée qu’ils se font de notre pays et par le souci qu’ils avaient de son image à l’étranger »!
Aujourd’hui, Samedi 23 mars, un député LREM, Rémy Rebeyrotte, parfait représentant de cette hypocrisie de caste et de classe, s’exprimait sur RT France. Le contenu de son discours était sidérant, pitoyable sur bien des aspects, l’incarnation de la malhonnêteté intellectuelle, un chef-d’œuvre de partialité et d’illusion, une piqure de rappel pour la falsification et le mensonge habituel pratiqués par cette caste faite de gens dont la conscience sociale a été réduite à néant. Déjà dans un premier temps, on se demandait comment un demeuré pareil pouvait être député, et ensuite, dans un deuxième temps, comment il pouvait aussi banalement opposer une éthique de conviction à une éthique de responsabilité, faisant de cette dernière une éthique de la répression « radicalisée »! Cet homme représentait à merveille la caste des Bobos privilégiés qui ne veulent rien comprendre à l’injustice; il était le parfait miroir de la macronie arrogante, méprisante, fermement campée dans une certitude bornée qui ne tolère pas la remise en cause, l’affirmation radicalisée du plus fort face à une population qui n’a rien compris, qui ne sais rien, qui n’est rien et qui doit la fermer en rentrant chez elle, dans l’enfermement de sa souffrance seule autorisée par ce Pouvoir imposteur…
Ce qu’il est nécessaire de dire, face à ce constat, c’est que cette radicalisation n’a pas pu se faire aussi rapidement sans avoir été déjà là dans le secret depuis longtemps. En réalité, cette radicalisation de la bourgeoisie ultra libérale était bien cachée derrière son mensonge organisé en post-vérité sur tous les sujets de société et à l’abri des regards indiscrets ou parfois trop perspicaces qui parvenaient à l’identifier. On pouvait constater, depuis l’époque Sarkozy, que les chiens de garde médiatiques du système, s’étaient spécialisés dans l’inquisition et les condamnations systématiques de la critique, dès lors qu’elle visait la dominance inconditionnelle du monde des nantis de la révélation ultra libérale. Ils condamnaient toujours toute critique en recourant à la même accusation pratique et digne de la radicalisation mentale: celle du « complotisme » devenue synonyme de « populisme »! Voilà un véritable symptôme de la radicalisation, socio-politique, car toute radicalisation de classe choisit d’emblée les raccourcis avantageux pour elle, et ce refrain du « complotisme ou du populisme » en était devenu quasi symbolique!
Dans la logique naturelle du réflexe de l’élimination des critiques, des « lanceurs d’alerte », des « vigilants » et des « divergents », de la censure exacerbée, de la limitation extrême des libertés individuelles et collectives, le camp de la bourgeoisie radicalisée marchait à grands pas vers une volonté d’extermination, l’acceptation mentale et morale d’une police qui ferait du tir à balles réelles sur tout opposant à ce monde des privilégiés du système. Nous allons le constater très prochainement. Dès lors, cette population des « pauvres », des « sans dents », de « ceux qui ne sont rien » avait du souci à se faire… Il était bien pratique de l’assimiler au terrorisme. La mobilisation des militaires du plan sentinelle, « à cause des Gilets-jaunes », renvoyait au terrorisme, bien que ce soit en résonnance et en écho; ce terrorisme auquel les Gilets-jaunes ne sont pas encore assimilés ouvertement, mais dont le chemin analogique est pris et dont le sous-entendu, mis en place par un Castaner, autre demeuré de LREM, traite déjà les Gilets-jaunes de « poignée minoritaire d’émeutiers » qu’il faut réduire au silence!
A l’occasion du Sommet Européen, Macron s’adressait à la presse depuis Bruxelles, le 22 mars 2019, pour une déclaration dans laquelle il disait entre autres choses, très clairement: «…Ignorer les peurs et les colères des peuples d’Europe, ne peut que mener au désastre… ! » Bravo monsieur Macron: quelle preuve de lucidité!
Mais comment expliquer alors qu’il n’entende rien de la colère des Français s’exprimant depuis 4 mois, et se contente d’une escalade de la répression policière, prenant prétexte des violences accomplies contre les symboles des riches, la façade des Champs Élysées, en marge des revendications pacifiques des Gilets-jaunes? Ce prétexte des violences serait-il l’alibi du Pouvoir macronien pour se défausser de ses responsabilités face à la « colère » qui « si elle n’était pas entendue, conduirait au désastre »?
Macron cherche-t-il volontairement le désastre et pourquoi, pour servir les intérêts de qui? Derrière ces manœuvres, pourrait-on voir se profiler la justification renouvelée d’une militarisation renforcée de l’Union Européenne, profitant à l’OTAN? Le laisser-faire de la police, samedi 16 mars, devait-il servir simplement de prétexte à limoger le préfet de Paris, Michel Delpuech, ayant dénoncé les magouilles de l’Élysée dans l’affaire Benalla? Les apparences du comportement de la macronie coïncident-elles avec ce qui se passe dans les coulisses du Pouvoir? A quand la déclaration politique lumineuse de Macron qui apaiserait les Français en répondant à leurs légitimes revendications?
Pourquoi ne pas reconnaître les graves injustices commises contre la majorité des Français depuis tant d’années? Comment ne pas reconnaître la haute trahison des politiques et l’illégalité de l’Union Européenne qui s’est attribuée des droits que les Français ne lui ont pas reconnus?
C’est une dictature qui a été mise en place en mentant, en falsifiant, en se moquant du vote des Français. La bourgeoisie radicalisée, satisfaite par l’aubaine de ce nouveau régime qui les favorise, allait s’organiser, en implorant la légitimité de « l’ordre républicain », pour réprimer « radicalement », toute contestation et toute opposition à ses projets de domination du monde soumis à sa loi de prédateur tout puissant. Or, la radicalisation conduit logiquement aux comportements intolérants, elle révèle sa violence intrinsèque qu’elle avait pu dissimuler jusqu’à présent. Mais aujourd’hui, elle sort du bois à son tour et nous dévoile un Macron avec sa bande qui ne semble pas être conscient de la direction qu’il donne à la répression policière, malgré sa déclaration contradictoire à Bruxelles!
La nature même de la révolte en cours ne peut pas restée sans réponse: ce qui est en cause ne peut pas être étouffé, réprimé, oublié ou réduit au silence. On ne peut pas éteindre un incendie en pulvérisant de l’huile sur le feu! La France est un volcan qui s’est réveillé, qui est désormais en activité : quand donc le Pouvoir en place va-t-il comprendre qu’il risque fort d’être balayé par son irruption ravageuse? Désormais, à cause de la radicalisation des « élites » dominantes, il est devenu possible de penser que nous pourrions aller tout droit, prochainement, vers la guerre civile en France…
Jean-Yves Jézéquel