La Russie dans le contexte d’une renaissance des fascismes

La crise financière, économique, politique et sociale, civilisationnelle qui secoue la planète tout entière, et qui est advenue par le vecteur de la mondialisation, a un effet anxiogène majeur sur les personnes et les groupes de personnes. La montée de l’angoisse, comme toujours, a pour effet immédiat, la tentation « naturelle » du repli sur soi et dans ce cas, des replis conservateurs, des replis instinctifs nationalistes donnant l’impression aux individus comme aux identités collectives, de se protéger des nombreuses menaces extérieures qui mettent en péril ce que l’on nomme les différences, les originalités, les spécificités locales, nationales…
Avec ce premier constat qui nous a fait remarquer la montée globale des replis sur soi nationalistes, nous pouvons aussi constater une montée spectaculaire du fascisme là où domine une culture des religions monothéistes.
Cela est indéniable, partout en Europe, comme en Afrique, comme en Amérique du Nord, comme en Russie, la montée spectaculaire des fascismes est un symptôme révélateur d’une angoisse collective qui s’empare des sociétés judéo-chrétiennes et musulmanes en commençant par les exclus, les plus faibles, les laissés-pour-compte, qu’une humanité en crise fabrique en son sein.
Toutes les conditions sont réunies pour créer dans ces sociétés, un recours ou un besoin d’illusion. Une société qui a besoin d’illusions c’est une société qui va à coup sûr se réfugier tout d’abord dans la religion. Le retour en force de la religion se traduisant chez les musulmans par la « radicalisation », annonce toujours le retour en force du fascisme. Car le fascisme est une production, une émanation directe des religions monothéistes.
Nous avons eu l’occasion d’assister au déchaînement spectaculaire du néo nazisme en Ukraine mise à feu et à sang par ces gens que les USA ont poussés à prendre le pouvoir à Kiev. Nous savons pertinemment, pour avoir étudié cette question, que cette « réanimation » du fascisme est associée à une stratégie géopolitique orchestrée par la Trilatérale, dans le but exclusif de créer un désordre déstabilisateur permettant de justifier et légitimer ensuite un Nouvel Ordre Mondial…
En Russie, il y a également, dans les couches défavorisées de la société russe, un mouvement de plus en plus fort du fascisme renaissant qui vient cristalliser en lui toute l’amertume accumulée par des années d’humiliations et de violence idéologique…
Sans le savoir, ces groupes nationalistes absorbent les ressentiments collectifs et recherchent des boucs émissaires à ces ressentiments : en général, ils sont tout désignés dans les étrangers « différents », dans les immigrés, dans ceux qui viennent d’ailleurs, et pour les nationalistes Russes, les travailleurs des anciens pays du bloc soviétique.
Ce n’est pas un hasard que la religion chrétienne orthodoxe ait fait un retour en force spectaculaire en Russie.
Les autorités de l’Eglise Orthodoxe russe, disent ouvertement qu’elles sont très satisfaites de Monsieur Poutine, parce que celui-ci n’hésite pas à ployer le genou devant le Métropolite de Moscou et à lui témoigner son respect et sa soumission religieuse apparente, du moins.
Or, nous savons également que l’Eglise orthodoxe russe est une entité qui se distingue essentiellement par son hyper nationalisme et un conservatisme exacerbé qui va de paire. Lorsque les autorités religieuses s’expriment, elles font figure de sages avec leurs longues barbes qui dessinent des visages impassibles rappelant les icônes de la sacralisation orthodoxe. Une autorité religieuse qui s’exprime publiquement, ne laisse jamais passer aucune émotion, elle est dans une maîtrise absolue de l’expression, elle se fait passer pour sage, pour juste, pour vraie, pour forte, au-delà des contingences humaines, maîtresse de paix et de vertu, détentrice de la vérité absolue « révélée »…
Le fascisme est une émergence dans l’inconscient collectif de la pensée élitiste, hégémoniste, raciste de ce fondamentalisme religieux qui affirme sa filiation divine et sa mission hégémoniste sur le monde. Les trois monothéismes ont le même discours de base : le messianisme planétaire du judaïsme ; la mission d’évangélisation chrétienne à la suite du Rédempteur de l’Homme, préparant le retour du Christ ressuscité comme Prince et Roi de toutes les nations ; le califat mondial pour l’avènement de l’Oumma. On retrouve donc dans les trois monothéismes, la même revendication hégémoniste, le même élitisme inspirant le fascisme au cœur de ces sociétés rivales!
Certes, la Russie a été efficace et à payer le prix fort contre le fascisme de la société chrétienne européenne (Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, la France du Gouvernement de Vichy…) en anéantissant le nazisme, mais précisément, parce qu’elle était à cette époque là dans le marxisme athée. Si, finalement, la Russie n’a pas continué cette expérience, c’est à cause de l’héritage du Stalinisme qui a dévoyé cette Révolution. Staline non seulement n’avait rien à voir avec le Marxisme, mais par ses initiatives répressives, a fait capoter le communisme en créant une société de la suspicion et de la répression à outrance. Lorsque le « communisme stalinien » est tombé avec le mur de Berlin, l’impérialisme capitaliste en a alors profité pour humilier la Russie et fanfaronner sa supériorité avant de donner en 2008, les signes avant coureurs de son propre effondrement.
Aujourd’hui on en est à cette phase de la revanche et aux raidissements que l’on peut observer à l’Ouest comme à l’Est. On en est à vouloir savoir lequel des deux avaient finalement raison !
Malheureusement, on ne fait qu’opposer une sorte de fascisme à une autre sorte de fascisme. Le seul dénominateur commun étant la religion judéo-chrétienne dominante sur le monde !
Ainsi, le symptôme n’a fait que révéler la nature profonde du mal qui nous détruit : une angoisse collective qui n’a pas su trouver le chemin naturel de son intégration en choisissant celui de l’aliénation religieuse plutôt que celui de la responsabilité d’un éveil supérieur de conscience ! Le chemin de l’aliénation religieuse conduisant tout droit à l’affirmation hégémoniste de la foi comme obligation pour le salut, le résultat final ne pouvait pas être autre que celui que nous découvrons aujourd’hui : une renaissance des fascismes à l’échelle planétaire.
Le fascisme comme symptôme a rendu visible le mal qui serait toujours resté invisible dans les sociétés monothéistes, si l’humiliation infligée aux peuples par l’affirmation hégémoniste, n’avait pas été la logique interne de la religion.
Poutine, certes, est aujourd’hui dans une certaine légitimité et le peuple le soutient en grande majorité, mais grâce au retour de la religion qui n’a été possible que parce que l’angoisse collective a fait le choix de la théocratie contre la démocratie. Là où l’on affiche la référence suprême au divin, ne peut exister la référence naturelle à l’humain. Si une société donne à la religion cette place visible, elle cautionne sans le savoir la théocratie. La théocratie n’est pas compatible avec la démocratie.
Il faudra donc aux Russes, après la revanche, qu’ils redécouvrent la liberté de la conscience et l’intériorité supérieure qu’elle engendre avec elle.
L’Occident, à son tour, sera dans l’obligation de faire ce chemin non pas de « conversion », mais de désaliénation, vers l’athéisme qui permet d’accéder à la lumière de l’intériorité jaillissant d’une libération permanente de la conscience.
Jean-Yves Jézéquel