La Russie sabote le nouveau plan de Trump contre la Syrie

Ce vendredi 31 août, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a annoncé que la Russie avait remis à l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques), et à l’ONU, la « preuve » selon laquelle le gouvernement américain avait travaillé avec Al-Qaïda pour mettre en scène une attaque chimique, que les États-Unis et ses alliés allaient ensuite pouvoir utiliser comme justification à une attaque contre la Syrie, au prétexte de réponse « humanitaire » à ladite attaque chimique prétendument menée par le gouvernement syrien, mais en réalité par les États-Unis pour raviver la « guerre civile » de sept ans entre le gouvernement syrien et les « rebelles » soutenus par les États-Unis, qui se composent presque exclusivement de djihadistes sunnites fondamentalistes formés et dirigés par Al-Qaïda en Syrie, avec l’aide des États-Unis et d’un financement saoudien.

Le 29 août, Global Research titrait « Vidéo : les USA créent une force d’attaque en Syrie » [vidéo reprise de South Front, NdT]. Le jour précédent, le 28 août, le site avait publié un rapport de South Front selon lequel :

« Des rapports indiquent que les Forces syriennes de défense aérienne (SADF) ont déjà commencé à se préparer à repousser une attaque de missiles dirigée par les États-Unis, et déploient des spécialistes et des systèmes de défense aérienne supplémentaires à proximité des zones cruciales des infrastructures qui pourraient être ciblés.

Le 22 août, le conseiller américain en sécurité nationale John Bolton a déclaré, « Si le régime syrien utilise des armes chimiques, nous réagirons très fermement. Ils devraient vraiment y réfléchir longtemps. »

Ce n’était que l’une des nombreuses menaces que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont fait peser sur le gouvernement syrien. Mais, même si toutes ces menaces exploitent clairement le récit des armes chimiques, leur but principal est d’empêcher la défaite des terroristes à Idlib en entravant l’opération de l’armée syrienne.

Le 25 août, une source proche des forces démocratiques syriennes (SDF) soutenues par les États-Unis a déclaré au journal kurde Bas News que la coalition dirigée par les États-Unis avait commencé à déployer des stations radar sur ses bases des gouvernorats d’al-Hasakah et d’Alep, dans le cadre d’un nouveau plan destiné à accroître son contrôle de l’espace aérien syrien. Le rapport indique que les bases aériennes de Kobani et de Rmelan comptent parmi les endroits où des radars ont été installés. »

Le 28 août également, l’Observatoire syrien des droits de l’homme, une organisation soutenue par les États-Unis, a rapporté :

« L’Observatoire syrien des droits de l’homme a été informé par des sources fiables que des négociations sont en cours entre les services de renseignement turcs et Hayyaat Tahrir al-Sham [la branche syrienne d’Al-Qaïda anciennement appelée « Al Nosra »], le Parti du Turkestan islamique et d’autres groupes djihadistes, dans le but de parvenir à un accord et à un consensus pour que ces factions se résolvent d’elles-mêmes. Ces efforts coïncident avec les préparatifs accélérés de la grande bataille d’Idlib par les forces du régime et leurs combattants loyalistes [Idlib est l’endroit où les djihadistes qui se sont rendus en Syrie ont été envoyés], à travers lesquels les forces du régime cherchent à prendre le contrôle de la province et d’autres zones dans les environs des provinces d’Alep, de Hama et de Latakia. L’information sur la poursuite des négociations intervient après des rapports contradictoires sur la recherche d’un consensus : Les dirigeants et membres de Hayyaat Tahrir al-Sham et du reste des groupes continuent d’être en conflit, par exemple avec une section qui a accepté les demandes des autorités turques de résoudre leurs différences, alors qu’une autre section plus importante rejette ce processus et refuse d’approuver les termes de négociations turcs…

Dans la bataille d’Idlib, …. Hayyaat Tahrir al-Sham contrôle la plus grande partie de la province d’Idlib et la partage avec trois autres partis : les factions rebelles et islamiques, le Parti islamique du Turkestan et les forces du régime, avec les miliciens qui leur sont loyaux.

L’opération militaire qui doit être menée dans la province d’Idlib,…. les forces du régime et leurs alliés se sont considérablement préparées au cours des dernières semaines, en faisant venir des milliers de membres de leurs forces et des hommes armés loyalistes, ainsi que des centaines de combattants de factions qui ont récemment rejoint les loyalistes via la « réconciliation », et des centaines de véhicules, véhicules blindés, munitions et machines.

Hayyaat Tahrir al-Sham …. est l’un des nouveaux noms du Front al-Nosra (Al-Qaïda dans le Levant). …

L’Observatoire syrien des droits de l’homme a surveillé les transferts de véhicules, de membres, de matériel et de munitions sur ces lignes de front par les forces du régime, et en conjonction avec ces mobilisations par les forces du régime, l’OSDH a observé, le 21 août 2018, le leader du Front Al-Nosra (Hayyaat Tahrir al-Sham) Abou Mohammad al-Julani, alors qu’il était en visite militaire dans les montagnes du nord de Lattaquié, où il a passé en revue avec un certain nombre de commandants de premier et de second rang de Hayyaat Tahrir al-Sham, des membres de l’organisation et les lignes de front. »

Comme dans d’autres rapports d’organisations alliées des États-Unis, le gouvernement syrien est appelé « régime » au lieu de « gouvernement », et les djihadistes (à l’exception de Daech) sont décrites comme des forces par procuration de l’alliance américaine en Syrie présentes pour « libérer » le peuple syrien du gouvernement syrien.

De sorte que le gouvernement américain peut difficilement qualifier cette allégation de « propagande russe ». Cependant, ce même jour, le 28 août, RT a titré « L’armée américaine accuse RT de « désinformation ridicule » sur la Syrie, mais pas l’ONU ou NBC », et rapporté : « Un colonel de l’armée américaine a accusé RT de « désinformation ridicule  » pour avoir rapporté des accusations du gouvernement russe selon lesquelles l’État islamique opère dans une zone contrôlée par les États-Unis en Syrie, bien que l’ONU et NBC rapportent la même chose. »

Le 25 août, RT avait fait la Une avec le titre « Des terroristes préparent une attaque chimique pour en faire porter la responsabilité à Damas & fournir un prétexte à des frappes américaines, selon le ministère de la défense russe » et rapporté :

« Les États-Unis et leurs alliés préparent de nouvelles frappes aériennes sur la Syrie, a déclaré le Ministère russe de la défense, ajoutant que les militants sont prêts à lancer une attaque aux armes chimiques afin d’en faire accuser Damas et fournir un prétexte à des frappes.

L’attaque servirait de justification à des frappes aériennes américaines, britanniques et françaises contre des cibles syriennes, a déclaré le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général de division Igor Konashenkov. L’USS The Sullivans, un destroyer de classe Arleigh Burke équipé de missiles guidés Aegis, a déjà été déployé dans le golfe Persique il y a quelques jours, a-t-il ajouté.

Le destroyer a 56 missiles de croisière à bord, selon les données du ministère russe de la Défense. Un bombardier supersonique Rockwell B-1 Lancer équipé de 24 missiles de croisière a également été déployé à la base aérienne qatarie d’Al Oudeid. »

Le 24 août, RT avait titré « Des terroristes de Daeh et d’Al-Nosra se cachent dans un camp de réfugiés syrien dans la zone contrôlée par les États-Unis – Moscou », et rapporté que « l’État islamique (EI, Daech) et le groupe d’Al-Qaïda Jabhat al-Nusra (Front Al-Nosra) avaient trouvé un abri dans l’un des plus grands camps, Rukban, près de la frontière syrienne-jordanienne. …. Le même camp de réfugiés a été mentionné dans un récent rapport de l’Équipe de surveillance des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU comme l’une des sources de la réémergence de Daech. Le même document rapporte que l’EI a été défait dans la plupart des pays de la République arabe syrienne en 2017, mais qu’il s’est « regroupé au début 2018 » en raison de la « perte d’élan » des forces combattant dans l’est de la Syrie, où se trouve la base américaine ».

L’article de Wikipedia [version en anglais, NdT] sur « Rukban » commence par donner le chiffre de sa population, 75 000 habitants, puis continue : « Rukban … est une région aride et éloignée près de l’extrême nord-est de la Jordanie, près des frontières communes avec la Syrie et l’Irak. L’endroit, un no man’s land, contient un camp de réfugiés situé le long de la zone démilitarisée entre la Jordanie et la Syrie ». Ce serait l’endroit idéal pour que les États-Unis et leurs alliés rassemblent les matériaux pour ce qui sera censément une attaque chimique « menée par le régime d’Assad ». Rukban est situé en Jordanie, un allié des États-Unis, le long de la Syrie voisine, dont les États-Unis sont un ennemi depuis 1949, époque où ils n’ont pas réussi à en faire une terre contrôlée par la famille Saoud, comme Obama et maintenant Trump le tentent à nouveau.

J’avais rapporté, le 25 août, l’historique de ce genre d’opération du gouvernement américain, en remontant à 1949 et en mentionnant des « attaques chimiques » simulées mises en place par le gouvernement américain en coordination avec Al-Qaïda en Syrie. Ainsi : avec ce long historique en toile de fond, il existe de très bonnes raisons pour la Syrie et ses alliés de s’attendre à une nouvelle attaque contre la Syrie par des missiles américains et alliés, « justifiée » par des mensonges.

La dernière attaque contre la Syrie par des missiles américains a eu lieu le 14 avril 2018, prétendument en réponse à une « attaque chimique » du gouvernement syrien dans la ville de Douma, qui aurait eu lieu le 7 avril. La Russie a essayé d’obtenir du Conseil de sécurité de l’ONU qu’il interdise toute attaque contre la Syrie avant que l’OIAC n’entre à Douma et recueille des échantillons et des témoignages pour déterminer si une attaque chimique s’était réellement produite et, dans l’affirmative, qui en était responsable.

Les États-Unis ont bloqué cette proposition et ont attaqué le 14. Malgré cela, l’OIAC est allée sur place pour examiner Douma, après l’attaque. Le 18 avril, les alliés djihadistes des Américains à Douma ont tiré sur les inspecteurs de l’OIAC, qui ont courageusement poursuivi leur travail malgré les efforts répétés du gouvernement américain pour y mettre fin. Les conclusions de l’OIAC ont été gardées secrètes, de sorte que le public ne sait toujours pas ce que les échantillons concernant l’affaire du 7 avril ont réellement exposé. Le 18 avril également, le journal turc Yeni Safak a titré« les États-Unis prêts à bâtir une force arabe dans le nord-est de la Syrie, dans le cadre d’un nouveau stratagème : Les États-Unis cherchent à rassembler une force arabe dans le nord-est de la Syrie, avec des financements et des troupes d’Égypte, d’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis ».

Cette entreprise de Trump a échoué ; ainsi, la seule option qui lui reste en Syrie est maintenant une attaque américaine, mais celle-ci devra être beaucoup plus étendue que la dernière, celle du 14 avril dans laquelle le Royaume-Uni et la France ont apporté quelques uns des plus de 100 missiles lancés contre le pays. Si les États-Unis font cela, la Russie ciblera et détruira peut-être certains avions et navires de guerre américains. Ensuite, la question pour les USA consistera à se lancer ou non dans une guerre nucléaire totale sur la question syrienne et, bien sûr, sur les autres agressions américaines contre la Russie et ses alliés, comme par exemple la conquête de l’Ukraine par l’Amérique en 2014 et la remise de ce pays à des nazis.

Ce sont peut-être les raisons pour lesquelles la Russie annonce clairement, à l’avance, qu’elle n’acceptera pas simplement d’acquiescer si les États-Unis tentent une nouvelle fausse accusation contre la Syrie. Peut-être que les choses ne seront plus si faciles, s’il y a une « prochaine fois ».

Eric Zuesse
Paru sur Washington Blog sous le titre Russia Squelches Trump’s New Plan to Invade Syria, le 31 août 2018.

Traduction Entelekheia



Articles Par : Eric Zuesse

A propos :

Investigative historian Eric Zuesse is the author, most recently, of They’re Not Even Close: The Democratic vs. Republican Economic Records, 1910-2010, and of CHRIST’S VENTRILOQUISTS: The Event that Created Christianity.

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