La sale guerre de l’Inde à l’intérieur du Pakistan
Lorsque le Pakistan vit le jour le 14 août 1947 sous la direction sagace de Quaid e Azam Muhammad Ali Jinnah, les dirigeants indiens ne se réconcilièrent pas avec ce Pakistan rapiécé, qui avait été traîtreusement amputé par les perfides Mountbatten et Radcliffe. Ils l’ont considéré comme la vivisection du Mahabharata. En croyant aux tactiques chânakyennes d’usage de mensonges, d’immersion dans l’intrigue et la tromperie, d’alliances avec les ennemis de ses ennemis, et de politique de coups fourrés.
Ils ont initié plusieurs angles d’attaque pour maintenir l’instabilité politique et la faiblesse économique au Pakistan, avec pour objectif final sa déchéance et sa vassalité vis-à-vis de l’Inde. En accord avec le Plan de Partition du 3 juin 1947 arbitré par les Britanniques, les États Princiers du Cachemire, de Junagadh et de Manawadar devaient revenir au Pakistan.
En violation de cet accord, ces trois États furent annexés par les forces armées indiennes. Le Cachemire est devenu la pomme de discorde qui empoisonne les relations indo-pakistanaises, accouchant d’un antagonisme sans fin.
Les chefs de file du Congrès indien ont aussi soutenu Kaboul quand l’Afghanistan souleva des problèmes frontaliers issus de la Ligne Durand, et au Pachtounistan. Ils ont incité les dirigeants afghans, ainsi que le Parti National Awami emmené par Ghaffar Khan dans la Frontier Province, à constamment rabâcher ces thèmes. Des chefs rebelles baloutches désireux d’un Baloutchistan indépendant, ainsi que GM Sayed du Sind, habité de tendances séparatistes, ont également été maintenus dans l’orbite des agences de renseignement indiennes.
Après avoir tranché le Pakistan en deux en 1971 à travers une conspiration internationale soumettant les forces armées pakistanaises aux pires ignominies, l’Inde a fait l’usage des mêmes outils de coercition militaire/économique/politique/diplomatique, couplés à des opérations de sabotage et de subversion pour affaiblir davantage le Pakistan. À cette fin, la RAW [Research & Analysis Wing, Aile de Recherches et d’Analyse, services secrets de l’Inde, NdT] fut encore mandatée en 1973 pour subvertir les peuples du Sind et du Baloutchistan, comme ils étaient parvenus à subvertir les esprits des Bengalis de l’ancien Pakistan Oriental, avec le concours de Sheikh Mujibur Rahman et de ses cohortes, pour créer le Bangladesh.
Au Sindh, GM Sayed et son engeance reçurent un soutien total pour leur mouvement Jeeay Sindh orienté vers la création d’un Sindhu Desh. Plus tard, de nouveaux Sindhis (Mohajirs) furent mis en avant pour se lamenter de griefs socio-économiques. Lorsque ZA Bhutto, en tant que Premier Ministre, fit du sindhi une matière obligatoire et introduisit dans le Sind un système de quotas, les agents espions de l’Inde aggravèrent encore davantage les griefs perçus par les Mohajirs.
Avec l’émergence du MQM [Muttahida Qaumi Movement, NdT] en 1984, les anciens et les nouveaux Sindhis se sont enferrés dans une guerre ethnique perpétuelle, qui a mené à un schisme entre le monde rural et le monde urbain. Le Sind est devenu la province blessée du Pakistan. Le chef suprême du MQM Altaf Hussain voulait assumer le contrôle total sur la ville portuaire de Karachi et sur Hyderabad, ainsi que sur d’autres centres urbains du Sind. Ses acolytes et lui aspiraient à détacher le Sind urbain pour en faire un État distinct pour les Mohajirs (communauté parlant l’ourdou, littéralement les « Immigrés », NdT).
D’autres, qui étaient opposés à ce concept, formèrent le MQM Haqiqi sous l’autorité d’Afaq Ahmad et d’Amer Khan en 1991. Deux opérations majeures durent être lancées pendant les années 1990 pour réfréner le militantisme du MQM. Au Baloutchistan, les Sardars baloutches rebelles qui morigénaient des griefs socio-politico-économiques reçurent un soutient total de la part de la RAW, ainsi que du KGB et du KHAD [Khadamat-e Aetla’at-e Dawlati, services secrets afghans, NdT], trois comparses en crime, au cours de l’insurrection des années 1970.
Comme pour les Bengalis qui furent conditionnés à la haine envers les Biharis [ressortissants de l’État de Bihar au nord-est de l’Inde, NdT], les esprits des Sindhis et des Mohajirs furent conditionnés à se haïr réciproquement. Les Baloutches furent conditionnés à haïr les nouveaux arrivants au Baloutchistan. Comme avec les Bengalis, les esprits des Sindhis, des Mohajirs et des Baloutches furent conditionnés à haïr l’État en général, et le Punjab et l’Armée en particulier. Leur antagonisme fut davantage encore alimenté suite à l’insurrection baloutche où l’armée fut employée par ZA Bhutto pour y mettre un terme, et dans le sillage de la pendaison de ZA Bhutto en avril 1979 aux mains du régime du Général Ziaul Haq.
L’Inde accrût son influence en Afghanistan pendant son occupation par les forces soviétiques à partir de 1979, et jusqu’à la chute du régime de Karmal Babrak en 1991 et l’accession au pouvoir des Moudjahidines. Entre 1991 et 2001, tandis que les lignes de fracture ethniques s’approfondissaient en Afghanistan, l’influence de l’Inde sur place s’y étiola radicalement, mais elle se rapprocha de l’Alliance du Nord, échauffée, qui conservait l’emprise sur la Vallée du Panshir, ainsi que de son tuteur iranien.
L’influence de l’Inde au Pakistan s’étendit aussi après 1979 quand le Gén. Zia décida de soutenir la guerre de résistance afghane contre les Soviétiques. L’ensemble des sept groupes de Moudjahidines se reposait lourdement sur le Pakistan. Une fois que les Talibans aient pris le pouvoir en 1996, les relations entre les deux pays s’améliorèrent encore. Cette équation d’amitié demeura jusqu’à l’expulsion du régime des Talibans du pouvoir par les forces de la coalition menée par les USA en novembre 2001.
Le rôle de l’Inde après le 11 septembre 2001
Après les attentats new-yorkais du 11 septembre 2001, les dynamiques présentes dans la région de l’Afghanistan et du Pakistan subirent un changement dramatique. Avec l’avènement au pouvoir de l’Alliance du Nord afghane pro-indienne, l’influence du Pakistan en Afghanistan commença à décliner rapidement pendant que s’accroissait significativement la présence de l’Inde.
Les USA, l’Inde et le gouvernement fantoche de Kaboul installé par les USA sont devenus des partenaires stratégiques, tandis que le Pakistan recevait apparemment l’accolade des USA pour combattre dans la guerre contre la terreur, en étant en fait la cible de ce trio. Les Objectifs Spécifiques concernant le Pakistan. Déstabiliser, laïciser, dénucléariser et balkaniser le Pakistan.
Une guerre secrète
En accord avec un plan à long terme déjà bien préparé, la RAW, en collusion avec d’autres agences de renseignements anti-pakistanaises basées à Kaboul, convertit l’Afghanistan en camp d’entraînement et en tremplin pour l’entraînement, l’équipement et le conditionnement de saboteurs afin de les lâcher sur le Pakistan pour y exécuter des opérations de sabotage et de subversion à grande échelle. D’énormes sommes y furent allouées, ainsi même que de l’argent de la drogue pour alimenter une guerre hybride dirigée contre le Pakistan.
Des agents auxiliaires furent cultivés parmi les FATA [Federally Administered Tribal Areas, Régions Tribales Administrées Fédéralement, l’une des provinces du Pakistan, NdT], au Baloutchistan et dans le Sind urbain pour combattre et clouer sur place un maximum d’effectifs des forces de sécurité, à l’intérieur de ces trois zones de conflit. Les médias pakistanais, qui sont soudainement devenus le quatrième pouvoir de l’État pendant le mandat du Gén. Musharraf, furent mis à contribution. La RAW faisait et fait encore un emploi exhaustif des sols afghan et iranien pour perpétrer des opérations secrètes à l’intérieur des zones de combat sélectionnées du Pakistan, qui étaient toutes paisibles avant le 11 septembre 2001.
Au-delà de la guerre psychologique/propagandiste pour diffamer le Pakistan, l’Inde n’ignore aucune avenue pour saboter le CPEC [China-Pakistan Economic Corridor, Corridor Économique Chine-Pakistan, NdT], dépeindre le Pakistan comme un État sponsor du terrorisme, l’isoler diplomatiquement, et l’encercler stratégiquement afin de permettre aux forces armées de l’Inde de déchaîner sa doctrine du « Départ à Froid » [Cold Start doctrine, stratégie militaire offensive/défensive anti-pakistanaise de l’Inde, NdT], rendue opérationnelle en 2008. Le Plan d’Encerclement Stratégique de l’Inde. Le plan d’encerclement du Pakistan reposait sur les paramètres suivants:
- Maintien de la tension le long de la frontière orientale et de la Ligne de Contrôle (LoC, Line of Control) au Cachemire.
- Conserver une présence militaire au Siachen pour non seulement disposer d’une voie d’invasion supplémentaire, mais aussi subvertir l’esprit des gens du Gilgit-Baltistan et de l’Azad Cachemire.
- Rendre les gens de l’Afghanistan amicaux envers l’Inde et hostiles envers le Pakistan, établir le partenariat stratégique avec Kaboul et poser une double menace à la sécurité du Pakistan.
- Semer les graines de la discorde dans les relations irano-pakistanaises et peut-être déstabiliser la frontière du sud-ouest, devenir un partenaire stratégique de l’Iran en l’aidant à développer le port maritime de Chahbahar tout en sapant le projet du port maritime de Gwadar.
- Relier Chahbahar à l’Afghanistan par l’Autoroute Zaranj-Delaram et un réseau de voies ferrées, donnant ainsi à l’Inde et à l’Iran l’accès aux RACs (Républiques d’Asie Centrale).
- Réduire la dépendance de l’Afghanistan, sans accès à la mer, envers le Pakistan et amener Kaboul comme Téhéran dans son orbite pour former une alliance.
- Développer des liens économiques avec les RACs et les rendre très méfiants envers le Pakistan, en le présentant comme un État instable et peu sûr.
- Exploiter l’opportunité des suites de la crise au Yémen pour alimenter la défiance entre le Pakistan d’une part, et l’Arabie Saoudite et les États du Golfe d’autre part tout en se rapprochant d’eux.
- Continuer d’agrandir les dissensions entre l’Occident emmené par les USA et le Pakistan avec l’aide d’Israël.
- Dénigrer le Pakistan parmi les États de l’ASACR [Association Sud-Asiatique de Coopération Régionale, NdT] avec le concours du Bangladesh.
- Tout en augmentant ses liens commerciaux avec la Chine, continuer d’empoisonner l’esprit de la Chine à propos du Pakistan.
Et dans le même temps, lancer une campagne au vitriol contre le CPEC avec l’aide de ses pions au Pakistan, en élaborant l’impression que le CPEC est spécifique au Punjab, qu’il ne bénéficiera entièrement qu’à la Chine et mènera à l’érosion de la culture islamique du Pakistan.
Asif Haroon Raja
Article original en anglais: India’s dirty war inside Pakistan, Global Village Space, le 25 octobre 2017.
Traduction : Lawrence Desforge, Global Relay Network
Asif Haroon Raja est Brigadier-Général à la retraite,vétéran de guerre, analyste de la défense et de la sécurité, l’auteur de cinq livres, Vice-Président du Thinkers Forum Pakistan, et Directeur du Measac Research Centre. Il participe à des émissions télévisées, livre des conférences et prend part à des séminaires.