La Serbie – huit ans après la guerre de l’OTAN

Réunir des impressions dans un petit pays des Balkans qui fut, quelques années après la fin de la guerre froide, détruit sans vergogne par ceux qui ont toujours considéré l’Est comme un ennemi et l’accusaient de préparer des plans d’agression – ce fut l’objectif de notre voyage.

Nous avons parlé à des gens à Belgrade, à Nis et dans les campagnes. Comment cela s’est-il passé pendant la guerre ? Comment vont les choses aujourd’hui ? Pourquoi la guerre à l’époque ? Dans quel but le déversement de tonnes d’uranium appauvri ? Pourquoi les bombes à fragmentation ?

Les tours d’habitation se trouvent toujours à l’état de ruine au centre de Belgrade, par exemple le ministère de la défense qui reste en ruine face au ministère des affaires étrangères qui, lui, a été reconstruit.

On voit encore, en plein milieu de la ville de Nis, des maisons détruites par les bombardements. On trouve encore des bombes à fragmentation non explosées sur un toit d’école. Des paysans meurent toujours du fait de ces bombes non explosées sur leurs terres.

Les hôpitaux sont envahis de gens malades du cancer, ceci seulement quelques années après la guerre. Les statistiques montrent une progression appuyée, selon l’épidémiologiste Natascha Lukic du centre d’épidémiologie de Nis. Il semble que le taux de de cancer au Kosovo soit encore plus élevé. Mais, on n’en parle pas. Est-ce que la chaîne alimentaire est polluée par les munitions à l’uranium ? Cette question est de première importance.

Trois tentatives de mettre sur pied une commission d’enquête sur ce sujet échouèrent. On se demande bien dans l’intérêt de qui.

Expérimentations d’armes de l’OTAN

L’armée de l’OTAN a bombardé en visant juste – les infrastructures , les stations de télévision, les fabriques, les usines électriques, les ponts, les chemins de fer et les colonnes de réfugiés.

On trouve répertoriés les chiffres exacts des bombardements et de leurs objectifs dans la publication « Yugoslav Daily Survey » du 8 juin 1999. En plus, on assista à un véritable désastre écologique, comme le démontre la publication Vojin Joksimovich (Nato Commits Ecocide in Serbia, conférence donnée au Serbian Unity Congress, septembre 1999, Cleveland/Ohio).

L’environnement serbe est contaminé ; tous nos interlocuteurs le confirment. On est d’accord également pour affirmer que les Américains ont testé de nouvelles armes.

On ne trouve pas d’explication plausible dans le choix de bombardement à l’uranium appauvri d’un objectif central dans le sud, à la ligne de partage des eaux – pourquoi cet objectif ? Il n’y avait ni installations militaires, ni cité, ni fabriques, il n’y avait rien qui ait pu, à première vue, présenter un caractère d’intérêt militaire ou stratégique.

On estime à 15 tonnes d’uranium appauvri déversées dans les environs d’Urosevac. De là, les fleuves coulent vers la Mer Noire et la Mer Égée. A-t-on voulu polluer ces mers avec de l’uranium ? ou avec du plutonium ? Personne ne sait déchiffrer cette énigme. Seuls les « partenaires » de l’OTAN peuvent donner une réponse. Il n’en reste pas moins vrai qu’au Kosovo de jeunes hommes meurent. Dans les annonces mortuaires on parle à chaque fois de « maladie grave de brève durée ». Ce qui signifie le « cancer ».

Destruction des fondements vitaux

Le centre de recherche nucléaire de Vinca a décontaminé quelques endroits – autour des cratères de bombes – où la contamination par l’uranium appauvri était particulièrement forte. On déplaça la terre dans des tonneaux vers Vinca pour mener à bien la décontamination. Les troupeaux paissaient dans cette région jusqu’en 2001, jusqu’au moment où l’on dressa une clôture. Mais il n’est pas possible de décontaminer toutes les surfaces agricoles de Serbie, les prés pour les chèvres, les moutons et les vaches.

Le ministère de l’environnement ne semble pas pressé d’en parler. Il n’y aurait pas d’informations crédibles, du moins pas officiellement. On le comprend d’autant mieux quand on sait que la pauvre Serbie récolte des revenus de ses ventes de produits agricoles. On rapporta de Bujanovac que des vaches souffraient de malformations ; il semble toutefois qu’il n’y a pas d’augmentation de tels faits chez les enfants de Serbie méridionale. Il est vrai que les instituts médicaux possèdent des informations sur les malformations, les cas de cancer et autres données médicales. Toutes ces informations devraient être traitées et mises en valeur par le gouvernement.

Augmentation du taux de cancers – dès la fin de la guerre en Bosnie

La population de Hadzici, une banlieue de Sarajevo, avait fui vers Bratunac, en Bosnie orientale, du fait des bombardements. Les médecins ont découvert chez ces réfugiés une grave augmentation du taux de cancers, mais pas chez les habitants de Bratunac. Dr Slavica Jovanovic, directrice de l’hôpital de Bratunac, estima, il y a quelques années, que les cas de cancers, trois ans après la guerre en Bosnie, étaient à mettre en relation causale avec les bombardements. Le Dr Stojan Radic de Nis, directeur de la clinique oncologique, a découvert un taux d’infécondité élevé chez les femmes après la guerre en Serbie. Il ne put toutefois pas affirmer que c’était une conséquence « normale » de l’accident de Tchernobyl ; les poussières d’uranium pouvaient entrer en ligne de compte.

Radomir Kovacevic, directeur de l’institut radiologique de Belgrade, s’est exprimé sur le danger que représente l’inhalation de poussières d’uranium. Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP) de l’an 2000, on aurait même trouvé du plutonium. Le Dr Zoran Stankovic, médecin au centre médical militaire de Belgrade, avait été le premier à attirer l’attention sur les effets cancéreux des munitions à l’uranium. Il fut ministre de la défense jusqu’il y a peu. De nombreux médecins, de réputation honorable, se sont exprimés, se fondant sur leurs propres informations. Les NGO mises sous influence

Nos interlocuteurs nous ont assuré que l’OTAN tentait de mener une pression douce auprès des organisations non gouvernementales en Serbie pour qu’aucune d’entre elles, préoccupée par l’environnement, ne s’intéresse à la question de l’uranium appauvri.

Cette prise d’influence passe par différents canaux, dont l’un est l’argent. Les NGO ne reçoivent de l’argent que pour des projets « corrects ». Cet argent vient généralement de l’étranger, de France, de Suède, d’Allemagne ou d’Angleterre. On estime qu’un projet concernant la protection des oiseaux serait parfait ; c’est ainsi qu’un gouvernement occidental « passe » la commande et paie les NGO serbes.

Une autre façon de s’imposer dans un sens politique est la reprise d’une petite NGO par une grande, par exemple Regional Environmental Center for Central and Eastern Europe, dont le siège est à Szentendre, en Hongrie. D’où vient l’argent de cette association faîtière qui tente de mettre le grappin sur les petites NGO ? Ces dernières n’ont guère d’espoir d’obtenir un soutien si elles ne se plient pas à ce type d’association.

Les tensions interethniques – entretenues artificiellement

Notre ami serbe nous assure qu’il est mensonger de prétendre que le flux de réfugiés du Kosovo ait été enclenché par les Serbes. Ce furent, au contraire, les bombardements américains qui les provoquèrent. Sous Tito, il n’y avait ni problèmes ni tensions entre les différentes ethnies. C’est après que ce fut lancé artificiellement.

Du point de vue économique, la situation était bonne jusqu’au début des années nonante, mais les dernières quinze années ont été une catastrophe économique. Les gens sont habillés pauvrement, les prix ont grimpé, le chômage a atteint des sommets, la sécurité sociale n’existe plus. Nos interlocuteurs sont persuadés qu’il n’y avait pas besoin de guerre pour se débarrasser de Milosevic. Il était un agent de la CIA. Il avait laissé se développer la criminalité et la corruption de la police.

Aujourd’hui, c’est une classe supérieure corrompue qui règne en Serbie. Pourquoi cette guerre contre la Yougoslavie ? Selon nos interlocuteurs, ce n’est qu’un premier pas vers les énormes richesses en matières premières de la Russie.

Uranium appauvri et autres types de bombes …

Lors d’une rencontre à la faculté de sécurité du travail à Nis, nous eûmes l’occasion de nous entretenir avec le professeur Nedeljkovic (voir l’article p. 5). En octobre de l’année dernière, l’ONG Ekolend, en collaboration avec le Media Center avaient organisé un colloque consacré à l’uranium appauvri (Depleted Uranium). Le Dr Radic et le professeur Nedeljkovic avaient informé sur les dommages causés à la santé comme conséquence des munitions à l’uranium. Mais il y avait encore d’autre bombes que celles à l’uranium qui étaient tombées à la frontière bulgare, illuminant toute la région – dans ce cas aussi, les « partenaires » de l’OTAN devront rendre des comptes.

Peut-on imaginer que les Américains ne se font pas de soucis quant à la santé de leurs soldats au Camp Bondsteel situé dans une région fortement contaminée dans le sud de la Serbie ? La majorité de ces soldats sont latino-américains et toute la nourriture vient de l’étranger …

En 1999 personne ne s’était préoccupé, en Serbie, du problème de l’uranium appauvri (UA). Il n’apparut que du fait de la maladie déclenchée chez des soldats italiens, allemands et portugais. En Serbie, c’est Zoran Stankovic, de l’Académie militaire, qui en parla le premier. Il avait examiné des cadavres de soldats de la guerre en Bosnie. Sarajevo avait été bombardée en 1996. Stankovic avait exigé un examen supplémentaire des soldats. Il eut lieu, mais sans que les résultats aient été communiqués.

Nous sommes impressionnés par les raisons de cette guerre données par nos interlocuteurs. En effet, la guerre s’est déclenchée contre eux et ils durent en comprendre les raisons. On veut mener la guerre en Europe, selon eux. La guerre contre l’Iran est à distinguer.

L’Europe pourrait se ressaisir économiquement au bout de 20 ans – pas l’Iran, ni l’Irak, ni l’Afghanistan. Cet aspect quant aux motifs des fauteurs de guerre élimine toute allusion à des « tensions ethniques » comme causes de la guerre.

Les gens savent très bien les raisons de cette guerre. Ecraser économiquement, détruire, puis faire des affaires. L’émetteur américain Fox News pouvait être capté partout en Yougoslavie. Aujourd’hui, la ville de Nis possède plus de 10 émetteurs de télévision privés, mais ne peut capter les fréquences nationales qui ne seraient qu’à Belgrade.

Des bombes à fragmentation sur le toit d’une école

Peu avant notre arrivée, on trouva sur le toit d’une école une bombe non éclatée. Des spécialistes, venus de Belgrade, la détruisirent ; ainsi, personne n’eut à en souffrir. Ce type de munition a comme caractéristique qu’elles n’explose qu’au moment où quelqu’un y touche. Ce qui fait que ces bombes à fragmentation ou à sous-munition peuvent tuer des années après la fin d’une guerre. On s’efforce sur le plan international d’interdire ce type de munition.

Il reste quelques questions : Qui aidera la population serbe ? Qui aidera financièrement les hôpitaux surpeuplés ? Comment faire se développer l’agriculture, dont dépendent de nombreuses familles ? Existe-t-il une technique permettant d’éviter les poussières de l’uranium appauvri ? Ce voyage nous a fortement impressionnés. La conscience interdit de fermer les yeux.

Collectif Citoyen pour la paix  au Kosovo-Metochie, 15 août 2007.


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