La société civile en action. Plus de 40 000 ONG dans le monde

Les forums sociaux mondiaux

La société civile, depuis la Conférence sur l’Environnement et le Développement ou Sommet de la Terre qui s’est tenue à Rio de Janeiro, Brésil, en juin 1992, a convoqué une douzaine de rencontres internationales en vue de mobiliser les militants et de maintenir les liens qui unissent les organisations de défense des droits dans les différents domaines de l’activité humaine (figure 1). Nous avons eu le privilège de participer au Forum global qui s’est déroulé à Rio dont l’une des activités a été de bâtir des Traités alternatifs sur les grands enjeux entourant le devenir de l’humanité.

La société civile est composée d’une myriade d’organisations dites ONG. Rappelons-nous qu’une ONG « est essentiellement un organisme légalement constitué qui est dirigé par des personnes morales et ce indépendamment de toute législation gouvernementale. Dans les cas où les ONG sont financées partiellement ou totalement par les gouvernements, les ONG n’ont pas de représentant gouvernemental en leur sein afin de maintenir leur statut non-gouvernemental. Le terme employé pour celles qui ont une portée sociale plus large peut revêtir aussi une connotation politique. Cependant, toute ONG ne peut être une organisation uniquement politique. Le terme «organisation non gouvernementale» n’a pas de définition juridique et le terme d’« organisation de la société civile » convient dans de nombreuses juridictions » (http://www.ngo.in/).

On estime qu’environ 40 000 ONG opèrent au niveau international. Le processus de remodelage de l’État-providence a conduit au développement rapide des secteurs non-gouvernementaux en Occident. Avec le développement du processus de la mondialisation les ONG se sont multipliées. En fait, au 20e siècle, la mondialisation a rendu les gens conscients de l’importance des ONG (http://www.ngo.in/).

Il y a beaucoup de problèmes qui ne peuvent être résolus efficacement dans un pays. Les organismes internationaux au niveau mondial dont les organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce ont été considérés comme trop centrées sur les intérêts des entreprises capitalistes. La croissance et l’essor des ONG sont perçus comme une tentative pour renverser cette tendance. Les ONG se préoccupent des questions fondamentales liées à des causes humaines comme le développement durable, l’aide au développement et d’autres questions humanitaires. Un exemple remarquable d’une organisation en faveur des personnes est le Forum social mondial. Cette organisation se veut présenter un discours opposé à celui du Forum économique mondial qui se tient à Davos à chaque année. Dans certains cas, il représente les mouvements populaires des pauvres ou bien peut être considéré comme une forme aristocratique de la politique » (http://www.ngo.in/).

Dans cet essai, nous présentons le Forum global de Rio 1992 et les Traités mondiaux alternatifs, les forums sociaux qui ont suivi et, en conclusion, la Charte des principes qui guident l’organisation et la tenue de ces grandes rencontres internationales.

Figure. Quelques rendez-vous de la société civile organisée 1996-2011

Source : http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/quelques-rendez-vous-de-la-societe-civile-organisee-1996-2011

I.               Le Forum global de Rio et les Traités mondiaux alternatifs

L’une des activités du Forum global a permis de bâtir plus d’une quarantaine de Traités alternatifs sur les grands enjeux entourant le devenir de l’humanité. Chaque traité a un préambule, la définition des principes et les actions à entreprendre ou à poursuivre. Nous nous sommes associés aux travaux d’élaboration et de négociation pour le traité no 45 concernant le militarisme, l’environnement et le développement. Ce traité, élaboré et revu, au préalable, par un grand nombre de délégués à travers le monde, a fait l’objet d’un dernier examen et son contenu a été discuté en assemblée générale lors du Forum.  Nous reproduisons in extenso son contenu à titre d’exemple. Le traité comporte neuf principes et 15 actions. Il s’avère une référence importante pour tous ceux qui s’opposent à la guerre et à sa préparation. Plus de 20 000 personnes ont participé au FG que l’on a qualifié de Forum des femmes en raison du fait qu’elles n’étaient pas, à toutes fins pratiques présentes à la Conférence des chefs d’État.

45 – Traité sur le militarisme, l’environnement et le développement

PRÉAMBULE

Reconnaissant la relation entre le militarisme, la dette, la dégradation environnementale et le faible développement et compte tenu du fait que le processus de la CNUED a, jusqu’ici, exclu ces questions nous exigeons que l’impact du militarisme sur la Terre, les peuples et l’économie mondiale soit inclus dans le programme de suivi de Rio.

PRINCIPES

1. Les activités militaires dans le monde entier détruisent la vie, exercent un grand impact sur  l’environnement et épuisent les ressources. Nous les peuples du monde exigeons une démilitarisation complète, globale et respectueuse de l’environnement, pour nous libérer de la guerre et des déchets nucléaires, des conflits régionaux et des dictatures militaires.

2. Alors que 20% de la population mondiale s’approprie 80% des ressources et de l’énergie dans le monde entier, on continue d’utiliser la force militaire pour maintenir cette situation injuste. La pauvreté et la faim génèrent des tensions et des pressions qui ne peuvent être endiguées par l’oppression militaire. La militarisation qui est générée par l’exploitation économique et par toutes les  formes de domination, y compris le système patriarcal, détruit la Terre et les différentes formes de la vie elle-même. Le militarisme a eu un impact extrêmement négatif sur l’environnement, pendant les périodes de paix et de guerre, en utilisant les ressources naturelles et humaines nécessaires au développement économique et social.

3. On éprouve un urgent besoin de la démilitarisation, de l’abolition de la guerre et ce pour un monde qui puisse accéder à une paix durable, un élément essentiel pour le bien-être des générations actuelles et futures et pour l’égalité sociale et économique.

4. Ne pas définir la sécurité en termes purement militaires, mais en termes généraux qui incluent la sécurité personnelle, sans aucune violence ou d’abus sexuels, la sécurité locale qui signifie la satisfaction de tous les besoins de base à l’échelle mondiale et la sécurité commune dans lequel les droits des peuples et d’autres espèces au sein d’un environnement sain sont respectés.

5. Ce type de sécurité ne peut pas être atteint sans la primauté de la justice sociale et sans que les systèmes économiques, politiques, juridiques et sociaux soient radicalement transformés. On doit stopper immédiatement les gigantesques dépenses militaires qui engagent les pays avec une dette extérieure et qui s’avèrent un gaspillage de ressources précieuses qui devraient être plutôt affectées aux besoins de la société.

6. Un nouvel ordre mondial exige qu’aucun pays ne se transforme en une police mondiale, qu’il intervienne militairement et qu’il agrandisse son espace vital avec des bases dans d’autres pays ou dans l’espace. Les forces militaires et les bases militaires doivent être retirées des territoires d’autres pays car elles violent les principes de l’autodétermination.

7. Nous rejetons toutes les formes de violence, y compris le viol, la torture, les exécutions sommaires, les disparitions et la perte de vies en raison des actions de guerre et de préparation à la guerre. Au contraire, les conflits doivent être résolus par des moyens non-violents, la négociation, la médiation et en ayant recours à des sanctions qui soient décidées d’un commun accord. En conséquence, les sanctions unilatérales devraient être rejetées.

8. La destruction de l’environnement et l’épuisement des ressources sont la cause et la conséquence des conflits armés. De plus, avec l’utilisation de l’espace à des fins militaires en met en danger la Biosphère.

ACTIONS

1. Nous exigeons que nos gouvernements négocient et ratifient un traité interdisant les essais nucléaires. Le principe n ° 26 de la Déclaration de Stockholm de 1972, qui fait appel à l’élimination des armes de destruction massive, doit être réaffirmé et élargi pour inclure toutes les armes.

2. Nous allons travailler contre les inégalités dans les relations de pouvoir qui se posent dans la couleur de la peau, la classe sociale, la culture ou le sexe des personnes. Nous cherchons à promouvoir une participation équilibrée dans tous les décideurs à tous les niveaux. Travailler pour mettre fin à l’exploitation des femmes, des enfants et autres groupes marginalisés par les systèmes militaires dominants.

3. Nous appuierons les personnes passibles de la répression militaire et de la police parce qu’ils sont opposés à la guerre ou à des projets avec des conséquences négatives pour l’environnement et le développement.

4. Nous tenons les gouvernements et le complexe militaro-industriel-universitaire des dommages directement ou indirectement, qui soit causé à l’environnement. Nous insistons pour que l’on consigne ou  inspecte mutuellement toutes les armes de destruction massive et qu’elles soient démantelées et non remplacées. Nous organiserons le boycott des entreprises qui fabriquent des produits qui endommagent l’environnement à des fins militaires.

5. Des campagnes seront menées pour la réduction simultanée des dépenses militaires dans tous les pays jusqu’à leur élimination complète et immédiate, afin que ces ressources humaines, financières et techniques répondent plutôt aux besoins sociaux et environnementaux, y compris le nettoyage la pollution causée par l’action militaire.

6. Nous allons promouvoir des solutions pacifiques à l’intérieur et entre les nations ou groupes ethniques et religieux qui sont en conflit.

7. Nous allons renforcer les relations entre les ONG du monde entier afin de solidifier les échanges d’information objective et impartiale et de bâtir la solidarité pour la compréhension des impacts environnementaux causés par le militarisme et de mieux comprendre les interconnexions entre le développement, l’environnement, la dette, la domination et le militarisme.

8. Nous déclarons que nos territoires et localités devraient être libres d’armes nucléaires, chimiques et biologiques, libres des systèmes d’armes et de l’énergie nucléaire et nous travaillerons pour l’élimination de leur développement, de leur production, de leur transport et leur stockage.

9. Nous allons rejoindre les peuples autochtones en nous opposant à l’utilisation de leurs terres ou de leurs territoires et de l’espace aérien à des fins militaires, y compris l’exploitation des mines d’uranium, de l’expérimentation des armements, de leurs dépôts, de leur stockage et de l’incinération des déchets dangereux et radioactifs..

10. Nous ferons campagne pour dénoncer le conditionnement de la société, en particulier les enfants, à travers les médias et les jeux et les jouets de guerre. Nous ferons la promotion de l’éducation pour la paix.

11. Compte tenu de la toxicité chimique et de la radioactivité de l’uranium (U238) rejeté, nous travaillerons pour l’interdiction immédiate de son utilisation et contre l’utilisation de matériaux similaires dans la production des équipements militaires et civils.

12. Nous condamnons l’utilisation sous n’importe quel prétexte, y compris le trafic de drogue, comme justificatif pour envahir, intervenir ou militariser les régions dévastées.

13. Nous nous opposons à l’utilisation des terres, des mers, de l’air et de l’espace pour des tests nucléaires, à l’élimination des déchets nucléaires et à d’autres actions militaires qui nuisent à l’environnement.

14. Nous réaffirmons que toutes les activités liées au militarisme doivent être régies par les procédures judiciaires, législatives et réglementaires de la société civile.

15. Nous allons appuyer la création d’un centre permanent de réponse aux crises de l’environnement dans le but de coordonner les secours nécessaires en cas de catastrophes écologiques, y compris la guerre

(http://www.eurosur.org/NGONET/tr9252.htm).

Les autres traités concernent l’éducation, les communications et la coopération (5-10), les questions économiques alternatives (11-16), la consommation, la pauvreté, l’alimentation et les moyens de subsistance (17-22), le climat, l’énergie, les déchets (23-26) la terre et les ressources naturelles (27-29), les questions relatives aux océans et aux mers (30-34), la biodiversité et les biotechnologies (35-38) et, enfin, des aspects qui sont en relation avec les autres catégories (39-46).

II. Les Forums sociaux mondiaux

Le Forum social mondial (ou FSM) est un forum international ayant pour but de faire se rencontrer des organisations citoyennes du monde entier sensibles à la cause altermondialiste (« Un autre monde est possible »). Traitant des principaux sujets de préoccupation de la société civile en rapport avec la mondialisation, cet événement se présente comme une alternative sociale au Forum économique mondial qui se déroule chaque année en janvier à Davos en Suisse.

La première édition du FSM s’est tenue en 2001 à Porto Alegre au Brésil. Depuis les réunions de 2002 et 2003, les forums sociaux à toutes les échelles sont régis par la Charte des principes du Forum social mondial, dont les principes les plus importants sont :

–                L’opposition à l’ordre « néo-libéral » caractérisant la mondialisation actuelle;

–                L’ouverture à tous les courants idéologiques pour les projets alternatifs;

–                L’absence des partis politiques en tant que tels (wikipedia.org).

À partir de 2001 un total de 11 forums globaux ont été tenus, d’abord à Porto Alegre pour les premiers, et puis ailleurs dans le monde, à Mumbai en 2004, à Nairobi en 2007, à Belém en 2009, à Dakar en 2011 et à Tunis en 2013 et 2015. La formule a été éprouvée à Porto Alegre qui s’est avéré le point d’ancrage de ces expériences de mobilisation collective en faveur d’un monde juste et solidaire, d’un autre monde possible.

Le forum de Porto Alegre en 2001

La première édition du FSM s’est tenue du 25 au 30 janvier 2001 à Porto Alegre, au Brésil. Il a réuni entre 5 000 et 20 000 participants. Ce premier forum, né d’une rencontre entre plusieurs associations altermondialistes séduites par l’idée de créer un forum parallèle au Forum économique mondial, a été organisé par huit associations brésiliennes: Attac, le Mouvement des sans-terre, ABONG (Association brésilienne d’organisations non gouvernementales), CIVES (Association brésilienne des hommes d’affaires pour la citoyenneté), CBJP (Commission brésilienne Justice et Paix), IBASE (Institut brésilien d’analyses socio-économiques), CUT (Centrale unique des travailleurs) ainsi que CJG (Centre de justice mondiale, justiça global).

En 2003, encore à Porto Alegre, du 23 au 28 janvier 2003, la 3e édition du forum réunit 100 000 à 120 000 participants, 4 750 associations ou mouvements, venant de 150 pays. Il s’est ouvert par une grande « marche contre le néolibéralisme », rassemblant entre 70 000 et 140 000 manifestants, et a consisté en 1760 ateliers, séminaires et conférences.

Le forum de Mumbai en 2004

En 2004, la 4e édition du FSM se tient du 16 au 21 janvier à Bombay, en Inde, avec environ 80 000 participants, de 132 pays différents et 2 660 associations ou mouvements.

Le forum polycentrique de 2006. Caracas. Bamako. Karâchi

La rencontre de 2006 s’est déroulée dans plusieurs pays à la fois, ce qui lui a valu l’appellation de « forum polycentrique » (ou « polycentré ») : du 24 au 29 janvier à Caracas (Venezuela), du 19 au 23 janvier à Bamako (Mali), et en mars à Karâchi (Pakistan). Les événements de Caracas ont rassemblés 100 000 personnes, tandis que ceux de Bamako ont inauguré la tenue d’un FSM en Afrique. Environ 5 000 personnes ont participé au FSM de Bamako, qui donné lieu à l’organisation à l’échelle continentale d’un Forum social africain. Parmi les nouveaux thèmes discutés figure la question des refoulés de l’émigration. Les questions agricoles et de l’eau prennent aussi une grande place.

Le forum de Nairobi en 2007

Le 7e Forum social mondial officiel s’est tenu du 20 au 25 janvier 2007 à Nairobi (Kenya), tandis qu’un important forum s’est également tenu aux États-Unis. L’année 2007 a marqué une étape dans l’internationalisation des forums sociaux, huit ans après les mobilisations de Seattle contre l’OMC et sept ans après la première rencontre de Porto Alegre. L’altermondialisme est dès lors jugé présent dans toutes les grandes régions du monde, après une expansion géographique remarquablement rapide, bien qu’il reste encore à intégrer à la dynamique internationale d’importants pays comme la Chine.

Le forum de Tunis en 2015

Le Forum social mondial 2015 a eu lieu à Tunis du 24 au 28 mars 2015 sur le campus de l’université de Tunis El Manar.

 III. Le Forum social de Montréal

Le 12e Forum social mondial se tiendra à Montréal en août 2016. C’est la première fois qu’une ville d’un pays du Nord recevra la visite du Forum. «Ce premier Forum social mondial au Nord sera l’occasion historique de renouveler les luttes sociales mondiales, le tout, porté par la fougue de la jeunesse québécoise», a souligné Chico Whitaker, membre fondateur du FSM. Plus de 50 000 personnes sont attendues au centre-ville de Montréal dans le cadre de la 12e édition de cet événement   (http://www.journaldemontreal.com/2015/03/30/le-12e-forum-social-mondial-se-tiendra-a-montreal-en-2016)

Conclusion

Nous terminons en présentant in extenso le texte de la Charte des Principes du Forum Social Mondial qui a été rédigé et accepté à São Paulo, Brésil, le 9 avril 2001.

Les Principes contenus dans la Charte, qui devra être respectée par tous ceux qui souhaitent participer à ce processus et organiser de nouvelles éditions du Forum Social Mondial, consolident les décisions qui ont présidé à la réalisation du Forum de Porto Alegre et fait son succès, et amplifient sa portée, en fixant les orientations qui découlent de la logique de ces décisions.

1. Le Forum Social Mondial est un espace de rencontre ouvert visant à approfondir la réflexion, le débat d’idées démocratique, la formulation de propositions, l’échange en toute liberté d’expériences, et l’articulation en vue d’actions efficaces, d’instances et de mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme, et qui s’emploient à bâtir une société planétaire axée sur l’être humain.

2. Le Forum Social Mondial de Porto Alegre a été une manifestation située dans le temps et l’espace. Désormais, avec la certitude proclamée à Porto Alegre qu’un autre monde est possible », il devient un processus permanent de recherche et d’élaboration d’alternatives, qui ne se réduit pas aux manifestations sur lesquelles il s’appuie ».

3. Le Forum Social Mondial est un processus à caractère mondial. Toutes les rencontres qui feront partie de ce processus ont une dimension internationale.

4. Les alternatives proposées au Forum Social Mondial s’opposent à un processus de mondialisation capitaliste commandé par les grands entreprises multinationales et les gouvernements et institutions internationales au service de leurs intérêts. Elles visent à faire prévaloir, comme nouvelle étape de l’histoire du monde, une mondialisation solidaire qui respecte les droits universels de l’homme, ceux de tous les citoyens et citoyennes de toutes les nations, et l’environnement, étape soutenue par des systèmes et institutions internationaux démocratiques au service de la justice sociale, de l’égalité et de la souveraineté des peuples.

5. Le Forum Social Mondial ne réunit et n’articule que les instances et mouvements de la société civile de tous les pays du monde, mais il ne prétend pas être une instance représentative de la société civile mondiale.

6. Les rencontres du Forum Social Mondial n’ont pas un caractère délibératif en tant que Forum Social Mondial. Personne ne sera donc autorisé à exprimer au nom du Forum, dans quelque édition que ce soit, des prises de position prétendant être celles de tous les participants. Les participants ne doivent pas être appelés à prendre des décisions, par vote ou acclamation, en tant que rassemblement de ceux qui participent au Forum, sur des déclarations ou propositions d’action qui les engagent tous ou leur majorité et qui se voudraient être celles du Forum en tant que Forum. Il ne constitue donc pas d’instance de pouvoir que peuvent se disputer ceux qui participent à ces rencontres, ni ne prétend constituer l’unique alternative d’articulation et d’action des instances et mouvements qui en font partie.

7. Les instances – ou ensembles d’instances – qui prennent part aux rencontres du Forum doivent donc être assurés de pouvoir délibérer en toute liberté durant celles-ci sur des déclarations et des actions qu’elles ont décidé de mener, seules ou en coordination avec d’autres participants. Le Forum Social Mondial s’engage à diffuser largement ces décisions par les moyens étant à sa portée, sans imposer d’orientations, de hiérarchies, de censures et de restrictions, mais en tant que délibérations des instances – ou ensembles d’instances – qui les auront assumées.

8. Le Forum Social Mondial est un espace pluriel et diversifié, non confessionnel, non gouvernemental et non partisan, qui articule de façon décentralisée, en réseau, des instances et mouvements engagés dans des actions concrètes, au niveau local ou international, visant à bâtir un autre monde.

9. Le Forum Social Mondial sera toujours un espace ouvert au pluralisme et à la diversité des engagements et actions d’instances et de mouvements qui décident d’y prendre part, comme à la pluralité des sexes, ethnies, cultures, générations et capacités physiques, dans la mesure où ils respectent la Charte des Principes. Ne pourront participer au Forum en tant que tels les représentations de partis, ni les organisations militaires. Pourront être invités à y participer, à titre personnel, les gouvernants et parlementaires qui assument les engagements de la présente Charte.

10. Le Forum Social Mondial s’oppose à toute vision totalitaire et réductrice de l’économie, du développement et de l’histoire, et à l’usage de la violence comme moyen de contrôle social par l’État. Il y oppose le respect des Droits de l’Homme, la véritable pratique démocratique, participative, par des relations égalitaires, solidaires et pacifiques entre les personnes, les races, les sexes et les peuples, condamnant toutes les formes de domination comme l’assujettissement d’un être humain par un autre.

11. Le Forum Social Mondial, en tant qu’espace de débats, est un mouvement d’idées qui stimule la réflexion, et la diffusion transparente des fruits de cette réflexion, sur les mécanismes et instruments de la domination du capital, sur les moyens et actions de résistance et la façon de dépasser cette domination, sur les alternatives proposées pour résoudre les problèmes d’exclusion et d’inégalité sociale que le processus de mondialisation capitaliste, avec ses composantes racistes, sexistes et destructrices de l’environnement est en train de créer, au niveau international et dans chacun des pays.

12. Le Forum Social Mondial, comme espace d’échange d’expériences, stimule la connaissance et la reconnaissance mutuelles des instances et mouvements qui y participent, en valorisant leurs échanges, en particulier ce que la société est en train de bâtir pour axer l’activité économique et l’action politique en vue d’une prise en compte des besoins de l’être humain et dans le respect de la nature, aujourd’hui et pour les futures générations.

13. Le Forum Social Mondial, en tant qu’espace d’articulation, cherche à fortifier et à créer de nouvelles articulations nationales et internationales entre les instances et mouvements de la société civile qui augmentent, tant dans la sphère de la vie publique que de la vie privée, la capacité de résistance sociale non violente au processus de déshumanisation que le monde est en train de vivre et à la violence utilisée par l’État, et renforcent les initiatives d’humanisation en cours, par l’action de ces mouvements et instances.

14. Le Forum Social Mondial est un processus qui stimule les instances et mouvements qui y participent à situer, à niveau local ou national, leurs actions, comme les questions de citoyenneté planétaire, en cherchant à prendre une part active dans les instances internationales, introduisant dans l’agenda mondial les pratiques transformatrices qu’ils expérimentent dans la construction d’un monde nouveau.

Approuvée et signée à São Paulo, le 9 avril 2001, par les instances qui constituent le Comité d`Organisation du Forum Social Mondial, approuvée avec des modifications par le Conseil International du Forum Social Mondial le 10 juin 2001 (france.attac.org).

Jules Dufour

Pour le Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal.

Références

ASSOCIATION ADÉQUATION. 2008. L’action des organisations non gouvernementales. En ligne : http://www.adequations.org/spip.php?article419

DESROSIER, Éric. 2015. Porto Alegre, P.Q. Le Forum social mondial se tiendra pour la première fois dans une ville de l’hémisphère Nord en 2016, à Montréal. Journal Le Devoir, le 31 mars 2015, Cahier B, p. 1.

NGO. Definition and Number of NGOs in the World. En ligne : http://www.ngo.in/

PRESSE-TOI À GAUCHE !  2015. Déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux – Forum social mondial 2015. Le 31 mars 2015. En ligne : http://www.pressegauche.org/spip.php?article21518#.VRwIqZRCnT4.facebookW

The NGO Alternative Treaties. From the Global Forum at Rio de Janeiro. 1-15 juin 1992. En ligne : http://habitat.igc.org/treaties/index.html

WIKIPÉDIA. Forum social mondial. Dernière mise à jour : Le 13 mars 2015. En ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_social_mondial

WIKIPÉDIA. Forum social québécois. Dernière mise à jour : Le 9 août 2014. En ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_social_qu%C3%A9b%C3%A9cois

 

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe, professeur émérite, membre de la Commission mondiale des Aires protégées de  l’Union Internationale de la nature (UICN)

 



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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