La trêve en Syrie, un piège tendu à la Russie?

Une vieille histoire chinoise raconte qu’un homme devait une grosse somme d’argent à un vieil usurier, et l’homme avait une très belle fille. Le prêteur lui proposa un accord, sous la forme d’un petit jeu, qui lui permettrait d’annuler la dette. Il mettrait deux cailloux, un blanc et un noir dans un sac. Ensuite la fille devrait en piocher un sans regarder. Si elle choisit le caillou noir, elle se marierait avec le prêteur et la dette de son père serait annulée. Si elle choisit le caillou blanc, il n’y aurait pas de mariage et la dette de son père serait annulée. Si elle refuse le jeu et ne choisit aucun caillou dans le sac, son père irait en prison. Tout en parlant, le prêteur avait ramassé sur la route deux cailloux, et la fille observa, du coin de l’œil, qu’ils étaient tous les deux noirs, mais ne dit rien.

Que faire ? D’un côté, si elle refuse de choisir l’une des pierres dans le sac, son père serait arrêté. De l’autre, le choix d’un des cailloux équivaut à se sacrifier et se marier avec le vieil usurier. Il y avait bien la possibilité de prendre les deux cailloux et prouver ainsi la tromperie de l’usurier, mais ça n’effaçait pas la dette. Il était clair que le dilemme ne pouvait être résolu de manière équitable. Que fit la fille ? Elle prit un des cailloux dans le sac, mais le fit tomber au sol plein de gravier, parmi les centaines de cailloux de toutes les couleurs qui jonchaient la route, se plaignant de sa maladresse. « Ça ne pose aucun problème », dit la jeune fille. « Il suffit de vérifier de quelle couleur est le caillou qui reste dans le sac. S’il est noir, cela signifie que celui que j’ai fait tomber est blanc ». Le vieil usurier, ne voulant pas exposer sa tromperie, dut s’incliner face à l’intelligence de la jeune fille qui avait renversé une situation qui semblait insoluble.

La 555ème Brigade mécanisée de l’armée arabe syrienne a lancé une nouvelle offensive terrestre contre l’Etat islamique le long de la route Salamiyah-Raqqa, avec pour mission immédiate la libération de l’aéroport militaire d’Al-Tabaqah, dans le gouvernorat de Raqqa. Les troupes syriennes sont arrivées à 50 km de Raqqa, la capitale de l’Etat islamique, dont la libération constitue leur mission suivante.

Parallèlement à cette offensive, des forces spéciales Cheetah de l’armée arabe syrienne ont libéré la zone autour de la centrale thermique de la ville d’Alep. À la suite de cette opération, l’armée arabe syrienne a encerclé à l’est d’Alep, autour de l’aéroport d’Alep, un groupe de 800 combattants de l’État islamique.

Au niveau déclaratif, tous les états membres de la coalition anti-islamique dirigée par les Etats-Unis, se battent contre l’Etat islamique. Dans la pratique, aucun ne le fait. L’État islamique constitue un facteur majeur de déstabilisation du régime de Bachar al-Assad, tandis que pour les Turcs et les Saoudiens, c’est un prétexte pour atteindre d’autres objectifs en Syrie. Ainsi, le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a déclaré que les forces PYD représentent « un groupe terroriste qui est une aile du régime syrien, collaborationniste et complice des bombardements russes contre des civils ».

C’est la raison pour laquelle l’artillerie automotrice turque a ouvert un feu continu sur des cibles de combattants kurdes autour de la ville d’Azaz, à la frontière Turco-syrienne et sur l’armée arabe syrienne dans le nord de la Syrie, avec pour objectif de venir en aide aux mercenaires terroristes du Front Al Nusra et pour stabiliser la situation dans le nord du gouvernorat d’Alep. Dans le même temps, un corps d’observateurs des droits de l’homme en Syrie, a confirmé qu’au moins 500 terroristes armés, ont traversé la frontière avec l’autorisation et sous le contrôle de la Turquie pour entrer dans la ville syrienne d’Azaz dans le nord du gouvernorat d’Alep. Le 14 février, un autre groupe de 350 terroristes, équipés d’armes lourdes ont traversé la frontière de la Turquie, à destination de Azaz et Tal Rafat.

Une situation similaire à notre histoire chinoise du début de l’article existe maintenant en Syrie, où les Etats-Unis et leurs alliés essayent par tous les moyens d’arrêter le bombardement de l’aviation russe. La dernière solution a été d’imposer une trêve qui entrera en vigueur le 27 Février 2016. Il faut rappeler que l’OTAN a imposé une « zone d’exclusion aérienne » en Libye, bombardant les troupes libyennes avec l’aviation et des missiles de croisière, comme le fait la Russie contre les islamistes en Syrie. L’OTAN n’a accepté la conclusion d’un cessez-le feu avec les troupes de Kadhafi qu’après qu’il ait été capturé et tué par les rebelles. De même, pendant cinq ans, quand les islamistes avaient pris l’initiative, les Etats-Unis, la Turquie, l’Arabie Saoudite et leurs alliés, ne voulaient pas entendre parler de cessez-le feu en Syrie.

La mise en place d’une trêve, dans les conditions actuelles en Syrie où l’armée arabe syrienne est à l’offensive généralisée, a été réclamée par les États-Unis, la France, l’Angleterre, la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar. La Russie est confrontée à des choix similaires à l’histoire chinoise. Si le cessez-le-feu est respecté et que la Russie cesse les vols de bombardement, elle abandonne les objectifs qu’elle s’était fixée en Syrie en laissant le peuple syrien à son sort. Etant donné que les islamistes n’exercent plus aucun contrôle, le seul élément nouveau est que les attaques terroristes avec des voitures piégées et les attentats suicides vont croître de façon exponentielle. Par conséquent, une trêve est juste un piège tendu à la Russie et à l’armée arabe syrienne, tant que les frontières avec la Turquie, la Jordanie et Israël ne sont pas contrôlées par l’armée arabe syrienne. Ce sera juste une pause opérationnelle qui permettra à l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie, les commanditaires des mercenaires terroristes en Syrie, de les approvisionner en nouvelles recrues, en armes et munitions, pour passer à l’offensive et reprendre le terrain perdu contre l’armée arabe syrienne.

Valentin Vasilescu

24 février 2016

Traduction du roumain : Avic Réseau International



Articles Par : Valentin Vasilescu

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