La Turquie et la bataille de Tal Afar
L’Etat-major de la coalition américaine aurait convaincu sa partie irakienne – et l’Iran – d’envoyer la milice chiite Hachd al-Chaabi combattre l’Etat islamique (EI) ailleurs que dans Mossoul. Dans une interview au quotidien Le Monde, Alaeddin Boroujerdi, président de la Commission des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale du Parlement iranien, a convenu qu’il était « sage » de l’éloigner de la ville. Mais, il n’est pas dit qu’elle obtempère.
Mission assignée à Hachd al-Chaabi: empêcher les djihadistes de se ravitailler à Raqqa, en Syrie, ou de s’y replier. Aussitôt dit, aussitôt fait… Seulement voilà : son premier objectif est Tal Afar, et ce n’est pas du goût de tous les Turkmènes (appelés aussi Turcomans) qui peuplent majoritairement la ville depuis les 13ème et 14èmesiècles, ni bien sûr à la Turquie avec laquelle elle est liée ethniquement et historiquement.
Les combats qui s’y déroulent donnent pour l’instant l’avantage à la milice irakienne. Mais qui va administrer la ville ensuite ? L’agence de presse kurde Bas News a rapporté qu’Hachd al-Chaabi a exécuté des civils soupçonnés d’avoir collaboré avec l’EI au sud de Mossoul. A Falloujah, plus de 300 civils ont été passés par les armes avec la même accusation.
Le président Recep Tayyip Erdogan suit l’évolution de la situation à Tal Afar. Il a prévenu que la Turquie interviendra si Hachd al-Chaabi y sème « la terreur ». Shihli Shihli, commandant de la Brigade Sultan Mourad, milice turkmène syrienne participant à l’Opération turc Bouclier de l’Euphrate, craignait que les interventions d’Hachd al-Chaabi n’avive les conflits sectaires dans la région. C’est pratiquement chose faite.
La déclaration de Faleh Fayyad, conseiller pour la Sécurité nationale irakienne et chef de la milice chiite, laissant entendre qu’Hachd al-Chaabi pourrait poursuivre les djihadistes de l’EI en Syrie va jeter de l’huile sur le feu.
Gilles Munier
Photo : Miliciens chiites irakiens en route pour Tal Afar