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La violence religieuse au Sri Lanka et le pivot US vers l’Asie
Par Gearóid Ó Colmáin
Mondialisation.ca, 23 mars 2018
gearoidocolmain.org 20 mars 2018
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Les récentes émeutes inter-communautaires au Sri Lanka ont singulièrement mis en lumière l’extrémisme religieux parmi la population bouddhiste d’Asie. Cependant le point de vue nationaliste bouddhiste a été grandement ignoré, au profit d’un discours diabolisant les Bouddhistes en tant qu’agresseurs et dépeignant les Musulmans comme d’innocentes victimes. Mais la réalité est beaucoup plus complexe.

Première Partie

Un état d’urgence a été introduit au Sri Lanka suite à l’éruption de violences entre les Bouddhistes et les Musulmans. Selon les rapports, la violence a été déclenchée par la mort d’un chauffeur de camion bouddhiste aux mains de trois Musulmans ivres le 4 mars dernier, qui fut suivie d’attaques menées par des « meutes bouddhistes » contre la communauté musulmane de la ville de Kandy.

Le gouvernement du Sri Lanka, qui était confronté à un vote de défiance parlementaire au sein d’un mécontentement croissant vis-à-vis du leadership du Président Maithripala Sirisena, a fermé l’accès aux réseaux sociaux. Les médias occidentaux ont imputé la majeure partie des violences à des « meutes bouddhistes » et à des « extrémistes bouddhistes ».

Ce qui est avéré, en attendant, c’est que plus de 200 maisons et commerces appartenant à des Musulmans ont été incendiés. Des preuves filmées montrent des propriétaires musulmans accusant la police locale d’inaction. Mais les rapports médiatiques ignorent les preuves filmées d’émeutiers musulmans armés de longs bâtons et s’attaquant à la police. Tous les rapports font plutôt référence à des foules de Bouddhistes violents sans pour autant montrer la moindre preuve désignant les responsables de cette violence. Pourquoi?

Le pivot US vers l’Asie

Se remettant d’une longue guerre civile contre les Tigres Tamouls soutenus par l’Occident qui prit fin en 2009, la reconstruction du Sri Lanka doit beaucoup, et majoritairement, aux investissements chinois. En 2017, la Chine est devenu le premier investisseur étranger au Sri Lanka par la conclusion d’un bail de 99 ans pour la gestion du port de Hambantota, sur la côte méridionale du Sri Lanka.

Le Sri Lanka est un avant-poste stratégique crucial sur le chemin de l’initiative One-Belt One-Road [Une Ceinture Une Route, NdT] chinoise, qui vise à développer significativement les voies maritimes et les installations portuaires chinoises. L’extension stratégique de la Chine dans l’Océan Indien constitue une menace pour le « pivot vers l’Asie » de Washington et sa volonté d’encercler et d’endiguer la Chine avec des bases militaires US. C’est le contexte dans lequel cette violence « inter-ethnique » au Sri Lanka doit être comprise.

Un article du New York Times publié le 9 mars intitulé « Comment la Chine défie la domination américaine en Asie » témoigne de l’importance du Sri Lanka dans la stratégie impériale US:

Le Sri Lanka ne semble pas être un baromètre géopolitique, mais les observateurs de l’Asie ont été rivés aux développements qui s’y produisent depuis 2014, où un sous-marin chinois avait vogué jusqu’à l’intérieur d’un port construit avec des investissements chinois. L’événement marquait l’ouverture d’une nouvelle ère, où la Chine convertit sa puissance économique en puissance militaire – et, dans les démocraties les plus pauvres, en influence politique.

L’Inde a également exprimé son inquiétude face à l’influence chinoise croissante au Sri Lanka. Les relations entre Colombo et New Delhi sont souvent tendues à cause du soutien de New Delhi en faveur des Tigres Tamouls pendant la guerre civile cingalaise.

Le Sri Lanka, comme le Myanmar, est un pays majoritairement bouddhiste possédant une riche tradition culturelle issue du Bouddhisme Theravada. Mais la minorité musulmane du pays s’accroît rapidement, à cause d’une fécondité supérieure et d’un fort taux d’immigration musulmane. Parce que la communauté musulmane reçoit un soutien généreux en provenance de riches nations arabes de l’Organisation de la Conférence Islamique (OIC, Organisation of Islamic Cooperation) telles que l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie, les nationalistes cingalais affirment que l’Islam politique essaye de prendre le contrôle du pays.

Ils se sont opposés à des mesures gouvernementales voulant imposer un impôt Halal en plaidant que la majorité n’a pas à changer ses lois pour une minorité. Les médias occidentaux et les ONG internationales des droits de l’homme ont accusé les Bouddhistes d’être des « racistes » qui répandent des paroles haineuses. Le Bodu Bala Sena (BBS), une association bouddhiste nationaliste fondée en 2012, s’est vue étiquetée du label de « fascistes » du pays et accusée de se livrer à des pogroms contre la minorité musulmane. Mais le BBS a toujours nié soutenir la violence contre les Musulmans.

En dépit de ses condamnations répétées de la violence à l’encontre des Musulmans et du soutien de l’ancien maire musulman de Colombo, le BBS est soumis à une vicieuse campagne de désinformation médiatique.

Néanmoins le groupe critique également d’autres minorités dotés d’un soutien international significatif, comme les Chrétiens. Le BBS affirme que les États-Unis se servent du Christianisme évangélique pour glaner de l’influence dans le pays. Les États-Unis se sont servis d’églises évangéliques à fins de subversion politique dans d’autres pays par le passé, un fait bien documenté dans le livre de Gerald Colby et Charlotte Dennett, « Thy Will be Done – The Conquest of the Amazon: Nelson Rockefeller and Evangelism in the Age of Oil » [« Ta Volonté soit Faite – La Conquête de l’Amazone : Nelson Rockefeller et le Christianisme Évangélique à l’Âge du Pétrole », NdT].

Le BBS affirme aussi que les médias anglophones du pays travaillent pour des intérêts étrangers. Dans la plupart des pays en développement, les médias anglophones sont souvent un véhicule de propagande étasunienne.

Le BBS a accusé le ministre du gouvernement Milinda Moragoda de mener une guerre contre les Bouddhistes de la nation. Un câble dévoilé en 2011 par WikiLeaks révéla que Moragoda était un agent US.

Deuxième Partie

Les « médias alternatifs » financés par les USA

Le gouvernement du Sri Lanka a fermé l’accès aux réseaux sociaux immédiatement après que les émeutes aient débordé. Une organisation cruciale, opérant avec des éléments du gouvernement cingalais est le Centre for Policy Alternatives (CPA, Centre pour les Politiques Alternatives, NdT), un groupe de réflexion financé par le National Endowment for Democracy (NED, Dotation Nationale pour la Démocratie, NdT) du gouvernement US à hauteur de $80 000.

Le CPA fait la promotion de « médias alternatifs » au Sri Lanka et a fondé le site Groundviews [vues du sol, NdT] en 2017. Selon la NED, « Groundviews sert de moyen d’expression aux activistes, aux blogueurs et aux journalistes pour disséminer et discuter des thèmes de la démocratie et des droits de l’homme ».

La National Endowment for Democracy fut établie en 1983 pour servir d’outil de « soft-power » devant faire progresser les intérêts de la politique étrangère US. Allen Weinstein, qui contribua à fonder la NED, déclara en 1991 qu’en fait « une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui avait déjà été fait secrètement par la CIA il y a 25 ans ».

Beaucoup des histoires rapportant des « meutes bouddhistes » proviennent du « journalisme » de Groundviews.

Sans aucun doute, il existe des preuves exhaustives de la destruction de centaines de commerces et de logements appartenant à des Musulmans mais jusqu’ici, il n’y a encore aucune preuve désignant les coupables précis des crimes. De nombreuses sources au Sri Lanka soupçonnent des agents provocateurs du gouvernement d’être derrière les émeutes, à cause de l’inaction de la police. Ils avancent que le gouvernement se sert de la répression des réseaux sociaux et de l’état d’urgence pour distraire l’attention de son passif politique abyssal, de la corruption endémique et de son impopularité croissante. Des preuves peuvent émerger pour étayer ces allégations.

Bien que le pays se rapproche de la Chine, le Président Sirisena est considéré comme étant globalement plus proche des USA que son prédécesseur, Mahinda Rajapaksa. Le US Peace Corps [Corps de la Paix, NdT], une façade de la CIA, doit se réinstaller cette année au Sri Lanka. L’instabilité du pays, comme prétexte d’une augmentation de la présence militaire US sur l’île pour y contrer l’expansion Chinoise, ne peut être exclue.

Mais comme les « médias alternatifs » financés par les USA sont responsables de tellement de campagnes de tweets anti-bouddhistes dans le pays, et que nombre de leurs tweets accusent le gouvernement d’être anti-musulman, il est possible que des agents travaillant pour le compte de l’ambassade US fomentent les violences tout en cherchant à remplacer des éléments nationalistes du gouvernement par des pantins à la solde des USA.

L’interférence US au Sri Lanka est profonde.

Des informations sur les publications devant être supprimées a été fournie par Facebook au CPA financé par les USA. Certaines des pages supprimées accusaient le gouvernement d’orchestrer les violences, et montrait la police frappant des civils pacifiques. De nombreux groupes cingalais sur Facebook comparaient la violence anti-musulmane à la violence anti-tamoule de 1983, de laquelle le gouvernement aurait été complice.

Le moine bouddhiste, Vénérable Elle Gunawansa Thero, expliqua au Daily Mirror du Sri Lanka :

Je suis allé à Kandy. Je pense que ces violences ont été orchestrées pour déstabiliser le pays. Cela fait partie d’une conspiration pour infiltrer ce pays par un biais différent. Sans égards pour les besoins du peuple, les responsables vivent pour satisfaire le monde occidental. Au milieu du chaos, le gouvernement accomplit les désirs de l’Occident.

Des vidéos de Daech... Made in USA ! Un exemple de la ...

Comme nous l’avons démontré lors d’articles précédents, le soutien US en faveur des terroristes takfiris en Asie est un élément crucial de la guerre par procuration en cours menée depuis longtemps par les USA contre la Chine. Du Myanmar à la Thaïlande ; aux Philippines ; en Indonésie ; en Malaisie en en Chine Occidentale, les États-Unis et de nombreux pays de l’OIC utilisent les terroristes takfiris comme troupes de choc dans le « Pivot US vers l’Asie » – une politique annoncée par l’ex-Président Barack Obama en 2011.

Le site Groundviews critique le gouvernement cingalais pour la fermeture des réseaux sociaux et se vante d’avoir envoyé des milliers de tweets pendant les émeutes. Mais une analyse partielle des documents téléchargés depuis Google Drive sur le site, prétendant prouver l’implication de moines bouddhistes radicaux dans l’attisement de la violence, échoue à fournir des preuves étayant leurs accusations. Il y a des images de moines s’adressant à la foule. Un moine a les mains tendues vers le ciel dans une attitude pouvant tout autant être interprétée comme un geste d’apaisement de la foule. En réalité, c’est ce que le moine controversé Gnanasara Thero a affirmé quand il a été accusé d’avoir fomenté les émeutes. Thero a déclaré avoir voyagé jusqu’à Kandy afin d’aider à y apporter le calme.

Bien que la crédibilité de Gnanasara en tant que nationaliste « pur grain » ait été remise en question suite à des révélations de financement provenant du gouvernement norvégien, le BBS n’est pas doté d’un service de relations publiques très bien organisé. Leurs déclarations sont rarement traduites ou correctement relayées par les médias grand public et leurs politiques sont rarement discutées avec une quelconque objectivité ou contextualisation : les Bouddhistes cingalais ont de réels et légitimes griefs.

Certains analystes avancent que le BBS est financé par la CIA. Mais le Président du BBS, Dilanthe Withanage, affirme que des membres de l’organisation actuelle s’étaient déplacés en Norvège avant la formation de l’organisation, afin d’y rencontrer des membres de la diaspora tamoule à l’étranger. Il affirme également qu’ils ont reçu la visite d’un officier politique de l’ambassade US à Colombo, et critiqué l’attitude hostile du gouvernement US envers leur idéologie nationaliste.

L’infiltration de l’organisation par la CIA est, bien entendu, toujours possible et même probable mais il est difficile de voir comment une telle organisation pourrait servir les intérêts US au regard de leur rejet du multiculturalisme, du pluralisme et des valeurs bourgeoises, libérales et « démocratiques ». L’ancien Général US Thomas P.M. Barnett préconise pour sa part l’assassinat des nationalistes dans son livre « Schéma Directeur pour l’Action ».

L’une des rumeurs répandues avant les pogroms anti-musulmans voulait que les commerçants musulmans ajoutent des « pilules stérilisantes » dans la nourriture destinée aux Bouddhistes. La diffusion de fausses rumeurs dans le but de déstabiliser la société fait partie du manuel des tactiques de la CIA.

Un activiste sympathisant des Bouddhistes et de leur sort a informé cet auteur que de nombreux activistes bouddhistes sont peut-être manipulés par des forces extérieures, dont Gnanasara Thero. Gnanasara a des liens avec le politicien d’extrême-droite controversé Champika Ranawaka, avec lequel il aurait été impliqué dans des activités violentes par le passé – notablement en troublant des réunions anti-guerre.

Quand un moine bouddhiste s’est immolé par le feu, en protestation contre la législation Halal en 2013, Champika Ranawaka salua le geste comme un grand sacrifice. Des actes similaires au Tibet ont été encensés par des Bouddhistes fanatiques soutenus par la CIA et ont été décrits comme « martyrs » par la presse occidentale. Toutefois, il fait aussi garder à l’esprit que les Bouddhistes cingalais, comme leurs homologues birmans, n’ont pas reçu un traitement favorable de la part de la presse corporatiste occidentale.

Lors d’une conférence de presse après les émeutes, le leader du BBS Gnanasara Thero a dit que son organisation aimait les Musulmans modérés, mais voyait un problème dans la diffusion du Wahhabisme financé par les Saoudiens dans le pays. Il a accusé le Premier Ministre du Sri Lanka Ranil Wickremesinghe de cet « événement raciste mis en scène ».

Il a ajouté que « l’Occident veut des pantins sans cervelle au Sri Lanka ; ce sont les gens qui sont actuellement au gouvernement. »

Ranil Wickremesinghe, chef de file du United Nationalist Party (UNP, Parti Nationaliste Unifié, NdT), est le politicien le plus favorable aux USA dans le gouvernement de coalition actuel. Des allégations survoltées par les médias de corruption et une pression US de type « soft-power » ont aidé à évincer le dirigeant précédent pro-chinois, Mahinda Rajapaksa, en 2015.

Un ancien Communiste, le Président actuel du Sri Lanka Maithripala Sirisena a été formé en Russie et il est dit qu’il entretient une relation particulièrement chaleureuse avec le Président Vladimir Poutine.

Sirisena Poutine

Maithripala Sirisena et Vladimir Poutine au Kremlin, en mars 2017 – image Kremlin.ru

Sirisena félicita le Président Poutine pour sa récente victoire électorale, en affirmant que la Russie fera encore davantage de progrès sous la direction de Poutine.

Après les émeutes, Gnanasara Thero assista à une conférence au Japon avec le Président Sirisena. Le Président Sirisena a besoin de plus de soutien des nationalistes bouddhistes s’il entend être réélu.

Bien que les Bouddhistes du Sri Lanka soient une majorité dans le pays, le BBS affirme qu’ils sont une minorité à l’international, tandis que la population musulmane est soutenue par les riches états wahhabites du Golfe Persique. Ils se sont aussi plaints des activités des Chrétiens évangéliques et de l’Église Catholique. Le dirigeant du Forum Tamoul Mondial est Dom. Emmanuel S.J, un prêtre catholique.

Gnanasara Thero encourage les Cingalais à s’unir pour que leur pays ne devienne pas une nouvelle Libye ou une nouvelle Syrie. Il accuse également les politiciens musulmans d’éventer les flammes du sectarisme en refusant de reconnaître que les communautés musulmanes sont au moins partiellement responsables de la violence.

Dans un communiqué de presse Tamara Kunanayakam, ancien Ambassadeur et Représentant Permanent du Sri Lanka auprès des Nations Unies, a dit que les émeutes étaient conçues pour coïncider avec la visite du Secrétaire-Général de l’ONU pour les Affaires Politiques.

Cela donna l’occasion au Haut Commissaire de menacer le Sri Lanka avec une juridiction universelle, si le pays échoue à faire des progrès dans la transparence et la transition de son système législatif. Son choix des mots est de cibler le précédent gouvernement de Mahinda Rajapaksa pour renforcer les alliés de Washington au sein du régime actuel, et pour faire avancer le projet de Washington d’acquisition d’une légitimité internationale pour ses interventions unilatérales dans les affaires internes d’autres états.

Troisième Partie

Terrorisme des Droits de l’Homme

De 1983 à 2009 les militaires cingalais ont mené une longue bataille contre les Tigres de Libération de l’Îlam Tamoul (LTTE, Liberation Tigers of Tamil Eelam), une organisation terroriste qui a tenté de s’octroyer une patrie tamoule distincte dans le nord du  pays. Le LTTE était soutenu par l’Inde, le Royaume-Uni et les États-Unis. La victoire cingalaise sur le LTTE fut accomplie avec l’aide militaire de la Russie, de la Chine et de l’Iran.

Le Forum Tamoul est basé en Grande-Bretagne et entretient d’étroits liens avec le gouvernement britannique. Le gouvernement britannique a été en première ligne pour imputer la plupart des violences de la guerre civile du pays aux militaires cingalais. Ils ont appliqué beaucoup de pression par le biais de l’activisme d’ONGs et aux Nations Unies, afin de ternir la réputation du pays.

En 2011, Channel 4 [chaîne de TV britannique, NdT] produisit un reportage qui selon eux « prouvait » que les militaires cingalais avaient commis des crimes de guerre.

Le reportage fut pertinemment réfuté par le gouvernement cingalais dans leur documentaire « Lies Agreed Upon » [Mensonges Convenus d’Avance, NdT]. Les mensonges de Channel 4 furent ensuite définitivement réfutés dans un livret écrit par un groupe de réflexion cingalais, intitulé « Corrupted Journalism » [Journalisme Corrompu, NdT].

En 2015, Maithripala Sirisena fut élu président du pays. Bien qu’il soit réputé être plus pro-occidental que son prédécesseur, son gouvernement est accusé de n’avoir pas mis en œuvre les réformes réclamées par l’Occident. Ses critiques envers les ONGs et les officines médiatiques pro-occidentales suggèrent qu’il n’est peut-être pas la « bonne pâte » qu’avaient escompté les États-Unis et le Royaume-Uni.

Les nationalistes du Sri Lanka ont accusé les Nations Unies, les ONGs internationales et les États-Unis de promouvoir l’immigration musulmane au Sri Lanka dans la volonté de balkaniser le pays. Ils se sont demandé pourquoi, par exemple, le pays est contraint d’accueillir les prétendus réfugiés « rohingya » tandis que les monarchies du Golfe s’y refusent.

Les émeutes d’Aluthgama de 2014 initiées par les Musulmans, pas les Bouddhistes

Il est important de placer les récentes émeutes dans le contexte de l’histoire récente du pays. Les attaques musulmanes contre les Bouddhistes ne sont pas rapportées et sont généralement minimisées par les médias. Le 12 juin 2014, des Bouddhistes de la ville de Darga se préparaient à célébrer Poson Poya, l’un des plus importants festivals bouddhistes de l’année.

En chemin vers l’événement, le tricycle à moteur du moine bouddhiste Vénérable Ayagama Samitha Thero fut bloqué par trois jeunes Musulmans ivres (l’abus d’alcool est un problème croissant au Sri Lanka).

Il fut physiquement agressé. Ayagama Samitha Thero n’était pas membre du Bodu Bala Sena. En fait, il était connu pour sa charité envers les Musulmans pauvres et reçut par la suite la visite d’un Musulman à l’hôpital.

Ayagama Samitha Thero fut emmené à l’hôpital et un groupe de moines bouddhistes plaida auprès de la police pour que celle-ci agisse contre les responsables. Les Bouddhistes du Sri Lanka se sont plaints à plusieurs reprises de l’inaction de la police dans la poursuite des responsables des attaques sur les moines.

En réponse à l’attaque et à l’inaction de la police, l’organisation du Bodu Bala Sena convint d’une réunion à Aluthgama le 14 juin, pour discuter de ce qu’ils percevaient comme une islamisation croissante et internationalement soutenue de leur pays.

Des témoins ont dit à la BBC cingalaise comment des jeunes Musulmans ont initié les violences.

Des images vidéo du défilé montrent clairement ce qui semble avoir été la première pierre lancée lors de l’événement. La pierre est lancée par l’un des manifestants musulmans. La vidéo montre également des Musulmans jetant des pierres depuis le toit d’un immeuble en cours de construction.

Dans les violences qui ont suivi, des biens de Musulmans comme de Bouddhistes furent détruits mais les médias ont reproché la violence aux « nationalistes bouddhistes ».

L’auteur cingalais Shenali D. Waduge croit que l’Empire est en train de s’efforcer de diviser l’île :

Il y a un schéma derrière le mépris. Tout ceci démontre qu’il y a eu une couverture très injuste et partiale de l’incident ainsi qu’un mépris pour les Bouddhistes complètement injustifié. Mais, de cela aussi nous comprenons les raisons. Cela se place allègrement dans une stratégie plus vaste, liée à des décennies d’efforts visant à dé-nationaliser et à diviser les Bouddhistes tout en leur retirant systématiquement le pouvoir qui est le leur, et qui maintient la cohésion du pays. Tristement, pour l’argent et le pouvoir des politiciens cingalais ignorants sont devenus des pions, sans se rendre compte qu’ils ne peuvent diriger et ne dirigeront qu’une nation dont les Bouddhistes préservent l’intégrité.

Comme dans de nombreux pays en développement, l’ignorance et la stupidité de responsables élus et d’officines médiatiques joue dans le sens d’agences impériales machiavéliques mais quelques politiciens ont élevé la voix. Parlant des émeutes d’Aluthgama, le Ministre Patali Champika Ranawaka du Jathika Hela Urumaya (JHU) a dit :

Les USA répètent les mêmes erreurs commises en Afghanistan en travestissant les incidents d’Aluthgama, et très bientôt ils en subiront les conséquences. En nourrissant et en appuyant des groupes militants musulmans contre un gouvernement démocratiquement élu plutôt que de faire la traque aux éléments militants au sein de la communauté musulmane, les USA n’ont fait que renforcer la mouvance globale des Talibans.

Conclusion

Ayant vaincu les Tigres Tamouls appuyés par l’Occident, le gouvernement cingalais fait aujourd’hui face à une nouvelle forme de guerre : la migration coercitive programmée, appuyée par les agences de l’ONU et par une panoplie d’ONGs au service de l’impérialisme occidental. L’objectif ? Rendre un pays post-colonial insubordonné encore plus soumis à la « gouvernance mondiale » et aux intérêts stratégiques étasuniens en Asie du Sud, en se servant de la minorité musulmane wahhabite comme d’un outil pour rompre l’unité nationale.

Il se trouve une exception notable à la piété libérale pro-occidentale typique de la presse anglophone cingalaise, dans un article du Colombo Telegraph écrit par Sanja De Silva Jayatilleka qui dénonce les mensonges et l’hypocrisie de l’Occident dans sa guerre contre la Syrie, les comparant aux mensonges occidentaux sur la guerre du Sri Lanka contre le LTTE.

Il compare la situation des deux pays. Quand Bachar al-Assad fut élu à la tête de la République Arabe Syrienne, il fut prudemment courtisé par l’Occident. Assad avait des conseillers économiques néo-libéraux, et envisageait des réformes comprenant la privatisation d’une partie de l’économie. Il fut même invité à Paris par le Président français Nicolas Sarkozy en 2008 à l’occasion du défilé militaire du 14 juillet. Mais quand Assad échoua à remplir leurs attentes, il devint rapidement un « dictateur brutal » et quand l’Empire envoya une armée de coupeurs de têtes et de psychopathes massacrer le peuple syrien, il fut alors accusé de « tuer son propre peuple ».

L’espoir était que Sirisena cède devant la pression des agences de l’ONU et des groupes de défense des droits de l’homme en révisant le récit cingalais officiel de la guerre, affaiblissant ainsi l’unité nationale et ouvrant la porte à une mondialisation à l’Occidentale toujours plus invasive. Comme Jean-Pierre Page l’a souligné, le Président Sirisena a considérablement compromis l’indépendance du pays pour plaire à Washington et à la « communauté internationale » auto-proclamée ; pourtant une récente interview d’Al-Jazeera suggère qu’il lui en est réclamé encore plus.

Dans son communiqué de presse cité ci-dessus, Tamara Kunanayakam écrit :

Les attaques musulmanes ne servent que l’agenda de Washington, soutenant ses alliés dans un gouvernement Yahapalana vacillant, réduisant l’opposition au silence à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement, divisant le peuple, détournant leur attention des vrais problèmes et faisant progresser l’objectif de Washington de faire du Sri Lanka un état vassal pouvant être utilisé dans sa stratégie d’endiguement et de refoulement de la Chine.

Le Sri Lanka a un taux de pauvreté de 41%. Suivre aveuglément le « Consensus de Washington » de néo-libéralisme et de droit-de-l’hommisme bidon n’arrachera pas des millions de personnes à la misère ; Colombo aura à porter son regard à l’Est pour pouvoir devenir une nation qui réussit. Monter les minorités contre les majorités ou vice-versa est une technique standard de déstabilisation impériale. Dans le cas du Sri Lanka et du Myanmar, les médias grand public ont radicalement pris partie pour les Musulmans contre les Bouddhistes. Les Bouddhistes sont sur les rangs pour devenir les nouveaux boucs émissaires du « Pivot vers l’Asie » de l’impérialisme US.

Gearóid Ó Colmáin

 

 

Article original en anglais: Sri Lanka’s religious violence and the US pivot to Asia, gearoidocolmain.org, le 20 mars 2018

 

Traduit par Lawrence Desforges pour Global Presse

 

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