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Élaboration de la récente politique américaine au Moyen-Orient
Par Bill Christinson et Kathleen Christinson
Mondialisation.ca, 22 septembre 2008
Counterpunch 22 septembre 2008
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/laboration-de-la-r-cente-politique-am-ricaine-au-moyen-orient/10296

Kathleen Christison est un ancien analyste politique de la CIA et a travaillé sur les questions du Moyen-Orient pendant 30 ans. Elle est l’auteur de Perceptions of Palestine (Perceptions de la Palestine) et The Wound of Dispossession (Blessure de la Dépossession). Bill Christison est un ancien haut responsable de la CIA. Il a servi en tant qu’officier des renseignements nationaux et directeur du bureau de l’analyse régionale et politique de la CIA Ils peuvent être contactés à l’adresse suivante : [email protected] 
  
Certains analystes politiques honnêtes reconnaissent depuis peu de temps le lien étroit entre le partenariat Israélo-américain et les aventures désastreuses de l’administration Bush dans l’ensemble du Moyen-Orient, y compris son soutien à Israël dans l’oppression systématique des Palestiniens. Stephen Sniegoski a eu l’obstination d’aller dénicher des montagnes de preuves irréfutables que cette connexion Israël-États-Unis est la force motrice derrière la quasi-totalité des décisions prises concernant le Moyen-Orient au cours des huit dernières années, et qui a eu le courage d’écrire un livre sur le sujet.

The Transparent Cabal: The Neoconservative Agenda, War in the Middle East, and the National Interest of Israel

 Stephen J. Sniegoski, The Transparent Cabal: The Neoconservative Agenda, War in the Middle East, and the National Interest of Israel, Enigma Editions, Norfolk, Virginia, 2008.

Le nouveau livre de Sniegoski démontre clairement comment la politique et les actions des États-Unis et d’Israël à l’égard de l’Irak, de l’Iran, de l’Afghanistan, de la Syrie, du Liban, de l’Arabie saoudite, du Koweït, des autres États du Golfe, et même plus récemment de la Géorgie sont toutes liées dans un ensemble de rapports interdépendants, chacun affectant les autres.

L’aile droite de la politique israélienne, les néoconservateurs aux États-Unis qui soutiennent fermement Israël, et le Lobby israélien vieillissant aux États-Unis ont tous travaillé ensemble, et le font encore, pour apporter plus de guerres, de changements de régime et d’instabilité, en particulier la fragmentation des États du Moyen-Orient qui pourraient en théorie, menacer un jour Israël.

En outre, l’un des objectifs de ces guerres et de ces autres changements est explicitement d’intensifier le découragement des Palestiniens alors que les alliés potentiels de ces derniers sont frappés les uns après les autres, ce qui aiderait Israël, avec le temps, à en finir avec les Palestiniens. Voilà pour la théorie.

Ceux qui croient qu’il est vital d’améliorer la situation des droits de l’homme et la perspective politique pour les Palestiniens ne doivent pas seulement travailler pour inverser la politique israélienne actuelle, mais il est probablement plus important que nous, aux États-Unis, travaillons encore plus dur pour inverser la politique américaine.

Il s’agit d’un très long mais magnifique livre. Après une préface de l’ex-député Paul Findley et une introduction du professeur de Lettres Paul Gottfried, le texte lui-même a 382 pages couvrant toute l’histoire des néoconservateurs depuis les années 1960 à 2008.

L’auteur a clairement passé d’innombrables heures à lire tous les écrits qu’il a pu trouver non seulement des quelques principaux néoconservateurs mais aussi ceux de nombreux autres qui sont beaucoup moins bien connus, mais qui sont encore des personnalités importantes dans le mouvement.

Soit dit en passant, les néoconservateurs ne sont pas en général des conspirateurs. Ils préfèrent écrire abondamment et agir ouvertement en ce qui concerne leurs philosophies et leurs actions. Le mot « transparence » dans le titre du livre met l’accent sur ce point.

D’autre part, les néoconservateurs sont également des propagandistes très qualifiés et sont plus que prêts à déformer les « faits » dans de nombreuses situations de manière à, souvent, ne pas donner aux lecteurs une version honnête de la « vérité ».

Sniegoski formule son propre argument principal comme suit:

« Ce livre soutient que les origines de la guerre américaine contre l’Irak sont centrées sur l’adoption par les États-Unis d’un agenda de guerre dont la présentation de base a été conçue en Israël pour faire avancer des intérêts israéliens et a été ardemment poussée par les influents néoconservateurs américains pro-israéliens, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’administration Bush. D’abondantes preuves, dont beaucoup proviennent d’une longue recherche dans les écrits des néoconservateurs, ont été mobilisées pour soutenir ces affirmations. » [Page 351]

L’auteur fait alors remarquer que

« … Ce qui est une guerre inutile et délétère du point de vue des « réalistes » aux États-Unis, a fait progresser de nombreux intérêts israéliens, puisque ces intérêts ont été envisagés par la droite israélienne. L’Amérique s’est identifiée de façon plus étroite à la position d’Israël à l’égard des Palestiniens quand elle a commencé à assimiler la résistance à l’occupation israélienne à du « terrorisme ». …

Israël a profité de la nouvelle position « anti-terroriste » américaine. Le «mur de sécurité» construit par le gouvernement Sharon sur des terres palestiniennes a isolé les Palestiniens et a rendu leur existence en Cisjordanie moins viable que jamais.

Pour la première fois, un président américain a consigné par écrit que les États-Unis soutenaient une éventuelle annexion de certaines parties de la Cisjordanie par Israël.

De toute évidence et pour la même raison, Israël a tiré profit du fait que les États-Unis soient devenus l’ennemi belligérant des ennemis d’Israël. En tant que tel, l’Amérique a gravement affaibli les ennemis d’Israël, sans rien coûter à Israël. La guerre et l’occupation ont essentiellement éliminé l’Irak comme puissance potentielle.

Au lieu d’avoir un gouvernement démocratique unifié, comme l’avait annoncé l’administration Bush, l’Irak s’est fragmentée en groupes sectaires en guerre, conformément à l’objectif initial des Likudniks. « [Pages 356-357]

Et encore une autre citation s’impose ici:

« Puisque nous sommes face à un sujet de la plus haute sensibilité, il convient de rappeler que la référence à Israël et aux néoconservateurs n’implique pas que tous ou même la plupart des Juifs américains ont soutenu la guerre en Irak et l’agenda de guerre globale des Néoconservateurs. …

Un sondage Gallup effectué en Février 2007 a révélé que 77% des Juifs [Américains] pensaient que la guerre en Irak était une erreur, tandis que seulement 21% la soutenait. Cette situation était en contraste avec l’ensemble de la population américaine pour qui la guerre était considérée comme une erreur par 52% à 46%. …

[Néanmoins,] les preuves d’un lien entre les néoconservateurs et les Israéliens avec la guerre des États-Unis sont écrasantes et à la disposition du public. Il n’y a pas eu de sombre « conspiration» cachée, un terme de dérision souvent utilisé par les détracteurs de l’idée d’un lien entre les Néoconservateurs et la guerre. … Il faut espérer que … les Américains ne craindront pas de débattre honnêtement sur le contexte et la motivation de la guerre en Irak et sur l’ensemble politique des États-Unis au Moyen-Orient. Ce n’est que par la compréhension de la vérité que les États-Unis pourront éventuellement prendre les mesures correctives appropriées au Moyen-Orient, sans une telle compréhension, la catastrophe menace. « [Pages 371-372]

Le lecteur remarquera que les extraits ci-dessus proviennent tous de la fin du livre de Sniegoski.

Avant d’arriver à ce point dans le livre, vous aurez droit à des chapitres informatifs et bien rédigés sur les origines du mouvement néoconservateur, sur les origines israéliennes de l’agenda de guerre au Moyen-Orient des Etats-Unis, et sur le projet des Néoconservateurs contre l’Iran, ainsi que des chapitres intitulés «Quatrième Guerre Mondiale » (un chapitre très important), et « Démocratie pour le Moyen-Orient. »

Un chapitre particulièrement important sur « Le Pétrole et Autres Arguments en faveur de la Guerre » soutient que le pétrole n’était pas une raison aussi importante pour l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003 que l’était Israël.

Ce livre est une véritable bible sur les néoconservateurs – et une bible effrayante. Toute personne qui pense que les opinions et les décisions politiques des Néoconservateurs font partie du passé avec l’éclipse politique de gens comme Paul Wolfowitz, Richard Perle, Douglas Feith s’inquiétera de constater que ces personnes ne sont que le sommet de l’iceberg et que sur toutes les questions liées à Israël, les opinions des néoconservateurs persistent dans des conseils de décisions politiques et qu’elles sont sur le point d’être transmises à la prochaine administration, qu’elle soit républicaine ou démocrate.

Traduction de l’anglais pour ISM.

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