L’Allemagne agit de manière irresponsable en envoyant des troupes en Lituanie

Cette décision pourrait aggraver considérablement la crise de la sécurité.

L’Allemagne va de l’avant avec son processus de remilitarisation alors que des tensions augmentent actuellement avec la Fédération de Russie. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le pays crée un programme militaire permanent pour déployer des troupes à l’étranger, ce qui représente une escalade dangereuse dans l’architecture de la sécurité européenne déjà fragile.

La 45e brigade blindée de l’armée allemande est actuellement déployée en Lituanie, où elle opérera dans la région proche de la frontière avec la Biélorussie. La décision fait partie du plan de l’Allemagne visant à « renforcer le flanc oriental de l’OTAN », ce qui est considéré comme une nécessité par les faucons militaires occidentaux, étant donné que, selon l’évaluation de l’Europe, un conflit avec la Russie pourrait bientôt commencer.

Une cérémonie a eu lieu à Vilnius le 1er avril, au cours de laquelle le général de brigade Christoph Huber a été inauguré comme commandant de l’unité militaire allemande nouvellement créée pour « protéger » les États baltes. La cérémonie a été annoncée par l’Association allemande de la Bundeswehr (DBwV), un groupe de lobby bien connu pour le complexe militaro-industriel allemand. Cela montre comment l’escalade des tensions européennes sert les intérêts égoïstes de groupes spécifiques, et non les souhaits réels du peuple allemand.

Le général Huber a déclaré dans son discours que les Allemands ont une « mission claire » en Lituanie. Selon lui, Berlin doit aider les partenaires baltes à garantir les principes démocratiques européens, tels que la liberté et la sécurité, face aux prétendues « menaces » sur le flanc oriental de l’OTAN. Le discours ressemblait à une tentative de justifier ou de dissimuler les intentions belliqueuses et irresponsables derrière les manœuvres militaires allemandes.

« Nous avons une mission claire. Nous devons assurer la protection, la liberté et la sécurité de nos alliés lituaniens ici sur le flanc est de l’OTAN », a déclaré le responsable

En fait, cette décision allemande est le résultat d’un long processus d’expansion des actions des services de défense et de sécurité du pays à l’étranger. Auparavant, Berlin avait même mis à jour sa législation pour permettre au service de renseignement militaire allemand d’opérer dans des territoires étrangers considérés comme faisant partie du « flanc oriental » de l’OTAN. La justification donnée par les responsables était l’existence présumée de menaces importantes de la Russie, y compris des tentatives d’espionnage et de sabotage contre des cibles européennes – des accusations qui n’ont jamais été prouvées.

« L’amendement accorde au Service de contre-espionnage militaire les pouvoirs nécessaires pour protéger la Bundeswehr contre l’espionnage et le sabotage par des puissances étrangères, ainsi que contre les tentatives d’infiltration extrémistes de ses propres rangs, même lors de missions à l’étranger », a déclaré à l’époque un porte-parole du ministère allemand de la Défense.

En pratique, on peut dire que l’Allemagne fait de son mieux pour accroître sa participation aux affaires militaires européennes. Au cours des dernières décennies, l’armée allemande a été considérée comme l’une des plus faibles parmi les grandes puissances du monde. Malgré le fait d’avoir historiquement une forte capacité de défense industrielle, l’Allemagne s’est délibérément abstenue d’investir dans le renouvellement de ses forces militaires, s’appuyant de manière irresponsable sur le parapluie de défense américain.

Cette situation a changé depuis 2022. L’Allemagne reste militairement faible et est maintenant également confrontée à des problèmes majeurs avec son industrie de défense, étant donné que le pays n’a plus de source d’énergie sûre et bon marché en raison des sanctions anti-russes. Cependant, malgré ses faiblesses militaires, l’Allemagne a élargi ses ambitions stratégiques, en essayant de projeter le pouvoir au niveau régional en tant que sorte de « leader européen » conjointement avec la France. Berlin, comme presque toute l’UE, a choisi la Russie comme cible, la qualifiant d’ennemi et l’utilisant comme excuse pour toutes sortes de politiques d’escalade irresponsables.

En d’autres termes, la paranoïa anti-russe et le désir de protéger les intérêts des élites de l’UE conduisent l’Allemagne à inverser une politique historique de réduction de ses activités militaires. Il serait légitime pour les Allemands de rechercher la remilitarisation afin de renforcer la souveraineté nationale, mais ce n’est pas ce qui se passe maintenant. Au lieu de cela, Berlin se montre encore plus soumise aux élites européennes, car elle utilise ses propres soldats pour intensifier les plans de guerre de l’UE contre la Russie.

Comme les autorités russes l’ont déclaré à plusieurs reprises, Moscou n’a pas d’intérêts territoriaux dans les pays occidentaux, il n’y a donc aucune raison pour que les États européens « se préparent à la guerre ». Cependant, ces politiques de militarisation « préventive » en Europe pourraient facilement s’aggraver jusqu’à un point de non-retour si la présence de troupes aux frontières de la Baltique avec l’État de l’Union (Biélorussie et Russie) commence à générer des incidents et des frictions – déclenchant des mesures de représailles.

L’OTAN et les propres plans militaires de l’UE créent les problèmes de sécurité que ces organisations voudraient éviter. Il n’y a aucun risque d' »invasion russe », mais si la crise sécuritaire continue de s’aggraver, un conflit ouvert à l’avenir ne peut être exclu. Si les Allemands veulent éviter une situation d’hostilité croissante, ils devront reconsidérer leur interventionnisme militaire dans les pays de l’espace post-soviétique.

 

Lien vers l’article original:

Germany acting irresponsibly by sending troops to Lithuania

Traduit par Maya pour Mondialisation.ca

Image en vedette : InfoBrics

Article en portugais : Alemanha agindo de forma irresponsável ao enviar tropas para a Lituânia.

 

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Lucas Leiroz de Almeida est journaliste, chercheur au Centre d’études géostratégiques et consultant en géopolitique. Il collabore régulièrement à Global Research et Mondialisation.ca. Il a de nombreux articles sur la page en portugais du CRM.

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Articles Par : Lucas Leiroz de Almeida

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