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L’armée canadienne se prépare à un nouveau rôle en Syrie et à prolonger sa mission en Ukraine
Par Roger Jordan
Mondialisation.ca, 15 mars 2017
wsws.org 4 mars 2017
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Le gouvernement libéral du Canada devrait bientôt annoncer la prolongation et la possible expansion de deux de ses déploiements militaires à l’étranger. Des annonces devraient être faites sur la prolongation de la mission des Forces armées canadiennes en Ukraine, où 200 soldats font la formation d’unités de l’Armée ukrainienne pour combattre les séparatistes pro-russes dans l’est du pays, ainsi que sur la poursuite de la mission canadienne dans la guerre au Moyen-Orient et sa possible expansion en Syrie.

Cette dernière décision serait prise conjointement à une décision du président américain Donald Trump d’augmenter radicalement la présence de l’armée américaine en Syrie et en Irak.

Selon Matthew Fisher du National Post, un correspondant de longue date qui entretient des liens étroits avec les plus hauts échelons de l’armée et du département de la Défense, l’armée canadienne discuterait diverses possibilités d’une mission en Syrie. Le Canada était impliqué directement dans la guerre en Syrie avec ses chasseurs CF-18, mais ceux-ci ont été retirés par Trudeau au printemps dernier, au même moment où son gouvernement annonçait la prolongation et l’expansion de l’intervention militaire canadienne au Moyen-Orient.

Huit cents soldats canadiens sont actuellement déployés dans la guerre en Irak et en Syrie, y compris un contingent de quelque 200 membres des Forces spéciales qui forme et coordonne les peshmerga kurdes. Une partie des Forces spéciales canadiennes sont actives à la frontière Irak-Syrie aux côtés de forces kurdes, essayant d’empêcher les combattants du groupe État islamique de fuir Mossoul. Des avions de reconnaissance et de ravitaillement sont toujours actifs dans la région pour appuyer la guerre aérienne de la coalition dirigée par les États-Unis.

Fisher a laissé entendre dans un article du 27 février qu’une des possibilités serait que le Canada se fasse demander de fournir «des soldats sur le terrain» pour défendre les soi-disant «zones sécuritaires» en Syrie. Trump a exprimé son appui pour une telle option qui exigerait le déploiement d’un nombre considérable de soldats dans le pays et équivaudrait à une escalade de la guerre américaine de changement de régime contre le gouvernement Assad à Damas.

Ce développement placerait les troupes canadiennes sur une ligne de front de plus en plus déchirée entre des forces régionales et des grandes puissances, luttant toutes pour une part d’influence. La possibilité que ce conflit dégénère en une guerre bien plus vaste a été illustrée plus tôt ce mois-ci quand Washington a accusé la Russie d’avoir bombardé l’une de ses forces par procuration en Syrie, qui se trouvait à quelques kilomètres de soldats américains.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le premier ministre Justin Trudeau a indiqué clairement que son principal objectif de politique étrangère était de renforcer les liens militaires, stratégiques et économiques avec les États-Unis, dans le but de solidifier la domination mondiale de l’Amérique du Nord et de permettre à Ottawa d’intervenir plus agressivement à travers le monde pour défendre les intérêts impérialistes canadiens.

Lorsque Trudeau a rencontré Trump pour la première fois à la Maison-Blanche le mois dernier, il a réitéré que le Canada s’engagerait à solidifier la coopération avec Washington, au niveau militaire et de la sécurité, et a indiqué qu’Ottawa allait appuyer Trump dans sa tentative de former un bloc commercial nord-américain plus agressif, à travers une renégociation de l’ALÉNA ou un nouvel accord. On pouvait lire dans la déclaration commune émise par les deux dirigeants à la fin de leur rencontre du 13 février que le partenariat entre le Canada et les États-Unis était «une alliance indispensable dans la défense de l’Amérique du Nord et d’autres parties du monde, à travers l’OTAN et d’autres collaborations multilatérales».

Trudeau et Trump se sont aussi engagés à développer NORAD (le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord) qui a été créé dans les débuts de la guerre froide et qui continue à être dirigé, en grande partie, contre la Russie, y compris en Arctique.

Au début du mois, des soldats des Forces armées canadiennes et des forces spéciales de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont mené des «exercices de souveraineté» en Arctique visant à faire valoir les revendications territoriales du Canada dans le Grand Nord. L’opération Nunalivut s’est déroulée du 23 février au 10 mars et environ 200 membres des forces spéciales participaient à l’exercice, qui comportait des plongées par des spécialistes en démolition et en reconnaissance.

Un récent article publié par le MacDonald-Laurier Institute sous le titre provocateur «Pourquoi la Russie se prépare-t-elle à la guerre en Arctique?» exhortait le Canada à intensifier ses activités dans le Grand Nord et à se préparer à un possible affrontement avec Moscou.

Le Canada est aux premières lignes de l’offensive anti-russe de l’OTAN en Europe de l’Est et dans les pays baltes. Des reportages affirment que le gouvernement est sur le point d’annoncer la prolongation de la mission d’entraînement en Ukraine. Les libéraux de Trudeau maintiennent la posture agressive anti-russe adoptée par les conservateurs de Harper. Le Canada conserve ainsi son rôle d’un des plus importants alliés internationaux de l’Ukraine. Le gouvernement Trudeau s’est aussi engagé à diriger un bataillon de l’OTAN en Lettonie, l’un des quatre bataillons «avancés» de l’OTAN dans les États baltes et en Pologne visant à menacer et encercler la Russie. Pour ce faire, 450 soldats canadiens seront stationnés en Lettonie indéfiniment.

Démontrant à quel point les libéraux sont déterminés à maintenir une position anti-russe, Trudeau a nommé Chrystia Freeland au poste de ministre des Affaires étrangères en janvier. Freeland est sur une liste noire du Kremlin qui l’empêche de se rendre en Russie à cause de son appui ouvert pour le régime ultranationaliste qui a pris le pouvoir à Kiev: le résultat du coup d’État de février 2014 organisé par les États-Unis et mené par des fascistes contre le président élu pro-russe Viktor Ianoukovitch.

S’adressant au Globe and Mail, un haut représentant anonyme du gouvernement n’a laissé aucun doute sur la prolongation du déploiement. «Le Canada sait que l’Ukraine, et tous les intervenants et alliés, souhaitent vraiment que cette mission soit reconduite», a dit le représentant.

Les milieux dirigeants au Canada ont profité des déclarations de Trump et d’autres hauts représentants américains exigeant que les États membres de l’OTAN augmentent leurs dépenses militaires pour qu’elles atteignent 2% de leur PIB afin de faire pression sur les libéraux pour qu’ils fassent de même. L’Examen de la politique de défense actuellement en cours envisage de nombreuses possibilités pour l’armée, y compris la participation du Canada dans le système de bouclier antimissile des États-Unis.

Le 3 mars, le National Post a rapporté que ses sources avaient révélé qu’une recommandation que le Canada adhère au système de défense avait été envoyée au cabinet. Contrairement à son nom, ce bouclier vise à développer la capacité de «gagner» une guerre nucléaire.

Après avoir participé à une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN à Bruxelles le mois dernier, le ministre de la Défense Harjit Sajjan a indiqué que d’importantes hausses des dépenses seraient effectuées à la conclusion de l’examen de la politique de défense. «Nous savions que les dépenses du gouvernement précédent étaient faibles et l’examen de la politique de défense nous a permis d’analyser en détail ce dont nous avons besoin», a-t-il déclaré. «Et oui, cela va exiger des investissements en défense.»

Le secrétaire parlementaire libéral en matière de défense, John MacKay, a indiqué que la hausse de ces dépenses pourrait survenir dès le budget 2017-2018, qui devrait être présenté dans les prochaines semaines. En ce moment, une augmentation annuelle de 600 millions de dollars est comprise dans les dépenses militaires du Canada.

Parce qu’ils sont déterminés à tisser des liens étroits avec l’administration Trump, Trudeau et les libéraux ont reporté l’annonce d’un déploiement prévu de 600 soldats en Afrique dans le cadre d’une «mission de paix» de l’ONU. En réalité, une telle mission n’aurait rien de pacifique ou d’altruiste. Comme l’admet ouvertement l’armée, cette opération serait menée avec des forces canadiennes dans une guerre de contre-insurrection similaire à la guerre en Afghanistan. Son objectif serait d’assurer à Ottawa une plus grande influence géopolitique et de défendre les importants intérêts économiques et commerciaux de l’impérialisme canadien sur le continent africain.

Toutefois, en raison du manque d’enthousiasme de l’administration Trump pour les missions de l’ONU, et parce que Washington exige une plus grande contribution du Canada au plan militaire ailleurs, les libéraux ont reporté le déploiement. Les cibles les plus probables d’une telle intervention seraient le Mali et la République démocratique du Congo: des pays où les sociétés minières canadiennes ont de gros investissements.

Roger Jordan

Article paru en anglais, WSWS, le 4 mars 2017

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