L’armée de l’air égyptienne bombarde le Sinaï après de violents affrontements avec un groupe proche de l’EI.
L’armée de l’air égyptienne a lancé une suite de frappes aériennes visant des groupes islamistes d’opposition dans la péninsule du Sinaï jeudi, faisant au moins vingt-trois morts.
Des troupes de l’armée égyptienne ont également mené des raids de maison en maison dans la ville de Sheikh Sinaï Zoweid. Des hélicoptères de combat Apache du régime, fabriqués aux USA, ont frappé des cibles dans cette ville à partir de jeudi soir. Selon l’Associated Press, les habitants sont restés bloqués sans eau ni électricité suite à l’attaque lancée par le gouvernement.
Le gouvernement égyptien avait déjà annoncé cette semaine l’imposition de nouvelles lois d’urgence en réponse à l’assassinat de Hisham Barakat, principal procureur du gouvernement tué au Caire lundi par une voiture piégée télécommandée.
L’assaut militaire mené dans le Sinaï a eu lieu un jour après que le régime du général Abdel Fattah al-Sissi a lancé des raids de commandos contre les Frères musulmans (FM) au Caire, tuant au moins treize membres du parti islamiste déclaré illégal après avoir été chassé du pouvoir par l’armée dans le coup d’État de juillet 2013.
En outre, mercredi des militants affiliés au groupe l’Etat islamique en Irak et en Syrie (EI) ont lancé des attaques coordonnées contre des postes de contrôle du gouvernement au Sinaï. Ces attaques ont entraîné la mort de quelque dix-sept soldats égyptiens et de jusqu’à cent militants liés à l’EI. Selon la dictature Sissi au Caire, les combattants islamistes étaient munis d’armes de haute technologie, y compris des missiles anti-chars et antiaériens téléguidés.
Réagissant aux combats, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exprimé sa solidarité avec la junte militaire égyptienne, avertissant qu’Israël devra faire face à la menace des forces islamistes basées au Sinaï, en Syrie et ailleurs. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont commencé à masser des troupes à la frontière égyptienne en réponse aux attaques de mercredi.
Les récents combats représentent une escalade importante du conflit en cours au Sinaï, qui n’avait pas connu de tels combats depuis des décennies, et un pas important vers une guerre civile en Egypte. Les médias égyptiens ont déclaré sans équivoque qu’un « état de guerre » existait désormais dans la péninsule du Sinaï.
Les frappes aériennes de jeudi sont le prolongement de la répression de plus en plus brutale menée par le Caire ces derniers mois, qui a inclus la destruction de zones d’habitation entières dans les zones frontalières.
« Nous ne nous arrêterons pas avant que le Sinaï ne soit purifié de tous les repaires terroristes », a déclaré l’armée égyptienne dans un communiqué cette semaine.
Le développement des combats entre armée égyptienne et militants islamistes au Sinaï est en dernière analyse le résultat de la collaboration réactionnaire du Caire avec l’impérialisme américain au Moyen-Orient, en particulier après le soulèvement de masse de la classe ouvrière égyptienne qui a renversé le dictateur Hosni Moubarak soutenu par les USA en 2011.
Le régime militaire issu de la chute de Moubarak a d’abord organisé des élections qui ont amené Mohamed Mursi des FM au pouvoir en 2012. L’installation d’un gouvernement islamiste soutenu par l’armée faisait partie d’une politique plus large de l’impérialisme américain d’installer des gouvernements islamistes pro-américains à travers le Moyen-Orient. La pièce maîtresse de cette stratégie a été l’utilisation des forces islamistes par procuration dans les guerres de changement de régime des USA en Libye et en Syrie, également soutenues par l’armée égyptienne.
Dans cette stratégie le Sinaï, zone pauvre, largement désertique, avec des influences islamistes et une présence limitée de l’armée égyptienne selon les termes de l’accord de Camp David avec Israël de 1978, a servi de zone de transit et de base pour les armes et les combattants islamistes acheminés vers la Syrie. Ces forces, dopées par des recrues venant d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, et d’Asie centrale ont depuis, continué à grandir avec la guerre qui se poursuit en Syrie et la croissance du groupe EI.
La politique du Caire a cependant explosé après que Sissi a réagi à la montée des protestations de masse de la classe ouvrière contre le régime Mursi par un coup d’Etat et le renversement des FM. L’objectif de Sissi, qui avait en cela le soutien total de Washington et de ses alliés impérialistes européens, était de réprimer les manifestations de masse de la classe ouvrière en menaçant de noyer toute opposition politique dans le sang. Dans le cadre d’une répression croissante des Frères musulmans, la junte Sissi a prononcé plus de 1200 condamnations à mort de personnalités islamistes dans des procès collectifs pour l’exemple rien qu’entre mars et avril 2014.
Le programme de répression anti-islamiste du Caire à l’intérieur entre en conflit avec le soutien continu offert par Washington aux combattants islamistes à travers le Moyen-Orient. L’armée égyptienne est profondément dépendante de l’impérialisme américain qui la finance à hauteur de plus d’un milliard de dollars par an et elle continue d’appuyer tacitement les interventions militaires de Washington dans la région.
Mais en même temps, elle se voit obligée d’organiser une répression toujours plus sanglante contre les militants du Sinaï. Après avoir d’abord contribué à leur croissance, l’armée égyptienne essaye maintenant d’écraser les factions islamistes sur son territoire et utilise leur présence comme prétexte pour réprimer l’opposition sociale en Égypte.
Thomas Gaist
Article original, WSWS, paru le 3 juillet 2015