L’art de la guerre: Le partenaire afghan de Monti

Le 4 novembre, le premier ministre Monti a célébré la journée des forces armées par une visite « surprise » en Afghanistan. Aux militaires italiens de Herat il a affirmé «vous n’êtes pas l’expression d’une nation en guerre : nous sommes ici pour assurer à ce pays sécurité, stabilité et prospérité ». Il a ensuite rencontré le président Karzai, en l’assurant que l’Italie, comme les autres pays, «va transformer son soutien, ce qui ne signifie pas laisser le pays seul ». C’est ce que garantit l’Accord de partenariat signé à Rome le 26 janvier par Monti et Karzai. Pour la réalisation d’ « infrastructures stratégiques » dans la province de Herat, l’Italie accorde au gouvernement afghan un crédit de 150 millions d’euros (alors que L’Aquila et d’autres zones sinistrées n’ont pas d’argent pour reconstruire). On prévoit aussi des investissements italiens dans le secteur minier afghan (alors qu’on ferme les mines en Sardaigne) et dans le soutien aux petites et moyennes entreprises afghanes (alors que les italiennes font faillite). Outre les engagements prévus par l’accord, il y a ceux que l’Italie assume dans le cadre Otan.  Après avoir dépensé dans la guerre en Afghanistan 650 milliards de dollars, les Usa ont engagé les alliés à contribuer à la formation des « forces de sécurité afghanes »,  qui a déjà coûté environ 60 milliards de dollars, et au « fond pour la reconstruction », qui a déjà coûté environ 20 milliards. Où va ce fleuve d’argent ? 

  En grande partie dans les poches de la grande famille de Hamid Karzai, le partenaire reçu au Quirinal (siège de la présidence de la république italienne, NdT), avec tous les honneurs, par le président Napolitano. Les affaires de famille, en partie déjà connues, ont été dévoilées par une enquête du New York Times. Les frères du président et d’autres proches, dont beaucoup ont la citoyenneté étasunienne, se sont enrichis avec les milliards de l’Otan (sortis aussi de nos poches), les affaires en sous-main avec des compagnies étrangères, les appels d’offre truqués, et le trafic de drogue. Pour se les accaparer, une lutte à couteaux tirés est déclenchée dans la fratrie. Tandis que Qayum Karzaï se prépare à prendre la place de son frère Hamid comme président, un autre frère, Ahmed Wali Karzai, boss de l’Afghanistan méridional, a été assassiné. Grâce à la corruption et au trafic de drogue, il avait accumulé des centaines de millions de dollars transférés à Dubaï. Le président Karzai a nommé à sa place un autre frère, Shah Wali Karzai, manager de la société Afco, propriété d’un autre membre de la fratrie Karzai, Mahmoud, qui s’est enrichi par la spéculation immobilière : après avoir mis la main sur 40Km2 de terrains domaniaux, il est en train de construire à Kandahar des milliers de maisons pour les Afghans aisés. Mahmoud est aussi un habile banquier : en 2010 il a réussi à soustraire 900 millions de dollars à la plus grande banque du pays, en les transférant sur un compte personnel à Dubaï. Une fois au pouvoir, Shah Wali a rompu avec son frère Mahmoud (contre qui a été ourdi un complot pour l’assassiner) : il a créé sa propre société, à laquelle il a transféré en sous-main 55 millions de dollars provenant de la Banque pour le développement immobilier.

   C’est avec cette contrepartie que le gouvernement Monti a stipulé l’Accord de partenariat, approuvé le 6 septembre par la Chambre à une écrasante majorité (396 contre 8) et le 30 octobre par le Sénat, à l’unanimité. Sur la base de la déclaration solennelle que les deux parties ont « des intérêts partagés et des objectifs communs ».

 

Edition de mardi 6 novembre 2012 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20121106/manip2pg/14/manip2pz/331268/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste, ex-directeur exécutif pour l'Italie de l'International Physicians for the prevention of Nuclear War, association qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1985. Porte-parole du Comitato no Guerra no Nato (Italie) et chercheur associé de Global Research (Canada). Prix international de journalisme 2019 pour Analyse géostratégique du Club de Periodistas de México.

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]