L’assassinat de Vladlen Tatarsky : le silence coupable de l’Axe atlantiste

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Manifestement, les hommes ne sont pas plus égaux dans la mort, qu’ils ne le sont dans la vie. Hier, Vladlen Tatarsky (Maxime Fomine), correspondant de guerre, est décédé dans un attentat à Saint-Pétersbourg. Pas un message de condoléances, pas une condamnation dans la classe politico-médiatique occidentale. Son tort : être mort en raison de ses convictions. Et elles sont inacceptables pour l’Axe atlantiste aujourd’hui : né en Ukraine, il soutient la Russie et le Donbass depuis 2014. Il ne peut exister.

Le 2 avril dans la soirée, une rencontre avec Vladlen Tatarsky était organisée dans un café de Saint-Pétersbourg, qui par ailleurs appartient à Prigojine (le fondateur de l’armée privée Wagner). Une centaine de personnes s’étaient réunies, quand une jeune femme prend le micro pour lui poser une question, puis lui offrir une statuette. Selon les témoins, elle s’était présentée sous un faux nom. Notons, qu’elle a été remarqué dans plusieurs actions contre la guerre.

Selon le Comité d’enquête, a priori l’explosif était dans la statuette. Vladlen Tatarsky est mort suite à l’explosion et l’on compte 32 blessés.

« Le médecin-chef de l’hôpital Mariinsky a déclaré que 13 personnes avaient été conduites à l’hôpital après l’explosion dans le café. Selon lui, trois patients sont dans un état grave, deux autres sont dans un état moyen, les autres ont été admis avec des blessures mineures. »

La jeune femme a été identifiée comme s’appelant Daria Trepova et un avis de recherche fédéral est lancé.

Cela est du terrorisme. Le seul bénéficiaire de cet acte est l’Ukraine, dans sa version actuelle de colonie atlantiste. Cette version est retenue en priorité, et par les autorités du Donbass, et par les commentateurs. La porte-parole du MAE russe, Maria Zakharova, a souligné :

« les journalistes russes sont constamment menacés de représailles par le régime de Kiev. »

« [Ils] sont harcelés, marqués littéralement d’étiquettes spéciales sur les plateformes numériques des monopoles américains de l’Internet, et des chasses aux sorcières sont organisées dans les médias occidentaux », a-t-elle déclaré. »

La réaction de cette mouvance internationale globaliste est pour le moins inadéquate. Ponomariev, le pseudo-opposant russe, qui avant cela avait courageusement détourné à grande échelle des fonds publics pour des conférences qu’il n’a pas faite, a lancé un parallèle avec l’assassinat de Daria Douguina en ces termes :

« Daria Douguina  Vladlen Tatarsky, un destin. L’histoire explosive des propagandistes russe. A suivre … »

C’est bien une reconnaissance de la responsabilité ukrainienne et une menace : il y en aura d’autres. Ponomariev est bien l’une des figures de ce qu’est devenu l’Occident – amoral et soumis.

Du côté ukrainien, l’on ne se presse pas pour commenter l’attentat : faire exploser des journalistes n’a pas forcément bonne presse en Occident. Même s’ils sont russes, il n’est pas (encore) de bon ton d’applaudir ouvertement.

L’Office du Président ukrainien tente plutôt de renverser l’accusation et annonce une rupture de la société russe : comme si cet attentat était un acte de condamnation politique intérieur.

« L’Office du président Zelensky a réagi cyniquement au meurtre du commandant militaire Tatarsky et a déclaré qu’il n’était pas impliqué dans cette affaire.

« Cela commence en Fédération de Russie … Les araignées se mangent dans un bocal. La question de savoir quand le terrorisme intérieur deviendra un instrument de lutte politique intérieure n’était qu’une question de temps, comme la percée d’un abcès mûr. Processus irréversibles et Troubles 2.0 attendent la Fédération de Russie. Nous allons surveiller pour l’instant », a déclaré Mikhail Podolyak. »

De son côté, la communauté internationale et l’Internationale des organisations des droits de l’homme ou des journalistes restent pour l’instant courageusement silencieuse. Manifestement, Tatarsky, pour eux, défendant le droit des peuples russes à vivre en paix et souverainement sur leur terre, le fait sortir des catégories atlantistes et d’homme, et de journaliste.

Sur le site, par exemple, de Reporters sans frontières, autant l’arrestation du journaliste américain en Russie pour des faits établis d’espionnage est à la Une, autant l’assassinat d’un journaliste russe en Russie, qui ne soit pas d’opposition, ne provoque aucun intérêt. Ces organes ne défendent que l’intérêt du monde global.

A juste titre, certains analystes estiment que ces attentats sont perpétrés pour faire peur aux Russes en général et aux journalistes et blogueurs, qui ne se plient pas au diktat atlantiste en particulier. C’est à mon sens une grave erreur de leur part. Tout d’abord, les journalistes ou blogueurs, qui travaillent sur ce sujet depuis 2014, sont aguerris et ce n’est pas ça, qui va les arrêter, bien au contraire. Ils entrent en vengeance. Ensuite, la société russe ne va pas avoir peur et condamner Poutine pour ces attentats : à l’inverse, ces méthodes d’Etat terroriste peuvent convertir les indécis, car elles confirment les accusations portées par le pouvoir contre l’Ukraine. Enfin, si la société russe commence à prendre conscience de la guerre dans son paisible quotidien, cela va devoir conduire ces élites libérales à revoir non seulement leur discours, mais aussi le cours politique. Finalement, cela peut lancer une véritablement déglobalisation des élites et des politiques en Russie, si elles ne veulent pas être remises au placard par le jugement populaire.

Toutes nos condoléances aux proches de Vladlen Tatarsky et ses amis. Tout notre soutien à ceux, qui se battent avec leurs armes, pour que la vérité ne meurt pas, parfois au prix de leur propre vie.

PS : Daria Trepova vient d’être interpellée. Selon ses proches, elle avait déclaré travailler pour des « journalistes » ukrainiens et être payée pour transmettre des paquets.

Karine Bechet-Golovko


Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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