L’Australie s’intègre aux préparatifs de guerre américains contre la Chine

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Lors d’une rencontre annuelle entre les dirigeants de l’Australie et des États-Unis (en abrégé, AUSMIN), les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l’Australie se sont engagés à «augmenter les rotations des avions de la US Air Force au Nord de l’Australie», à augmenter la «coopération navale de l’Australie» et à faire plus «d’exercices combinés en Australie et d’engagements multilatéraux à travers la région». Des négociations vont commencer à propos d’un «accord officiel» appuyant les déploiements rotatifs des États-Unis.

Le communiqué d’AUSMIN représente une accélération dramatique de l’implication de l’Australie dans les plans de guerre du Pentagone. Les déploiements rotatifs, qui sont, en fait, des arrangements pour accommoder les bases de l’armée américaine, sont dans une phase avancée de développement. D’ici 2017, le contingent de la marine américaine dans la ville nordique de Darwin atteindra 2 500, soit une équipe spéciale air-sol complète de la marine accompagnée de son équipement militaire et aéronautique. Des bombardiers B-52 sont maintenant en train de lancer des opérations complètement armées, et non des sorties d’entraînement, dans des bases aériennes australiennes près de Darwin.

Même si le langage du communiqué d’AUSMIN est délibérément limité, une série de rapports provenant des centres de réflexion australiens montrent l’importance centrale de l’Australie dans les préparatifs de guerre des États-Unis contre la Chine. Le Centre pour l’évaluation stratégique et budgétaire (en anglais, CBSA) a divulgué un rapport le mois dernier intitulé: La porte vers la région indo-pacifique: la stratégie de défense australienne et l’avenir de l’Alliance australienne-américaine. Ce rapport explique que «l’Australie est passée d’une importance géopolitique limitée à élevée» pour la stratégie américaine.

Le CBSA, qui a des liens étroits avec le Pentagone, a souligné dans les menus détails le rôle que l’armée australienne et ses bases joueraient dans une guerre menée par les États-Unis contre la Chine. L’île-continent serait transformée en une vaste base pour soutenir un blocus des États-Unis contre la Chine en contrôlant des routes commerciales clés en Asie du Sud-est et en menant des attaques contre les bateaux de guerre chinois dans l’Océan indien.

L’Australie fonctionnerait aussi comme une zone de retraite protégée pour l’armée américaine pour lui permettre de lancer ses attaques aériennes contre la Chine. Le rapport indique ce qui est nécessaire pour moderniser les bases aériennes australiennes au Nord et la base navale de Sterling à l’ouest de l’Australie. Il indique également ce qui doit être acheté par l’armée australienne.

Le communiqué d’AUSMIN décrit d’autres zones de coopération militaire, incluant la construction de deux établissements de «sécurité spatiale» dans l’ouest de l’Australie et l’expansion de ses capacités à contrer les cyberattaques.

Comme l’ont révélé les documents de l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA) divulgués par Edward Snowden, l’Australie est déjà impliquée de manière centrale dans les opérations d’espionnage à grande échelle de la NSA en Asie – une composante essentielle de la guerre. En plus de tous les renseignements recueillis par les bases de surveillance clés comme Pine Gap, les agences australiennes ont alimenté la NSA avec d’énormes quantités de données en utilisant les câbles posés sous la mer et en opérant des postes d’écoute dans les missions diplomatiques des pays faisant partie de la même région que l’Australie.

L’intégration de l’armée australienne au sein de l’armée américaine est telle que si Washington déclare la guerre contre la Chine, l’Australie sera automatiquement impliquée. Washington ne peut se permettre d’avoir un gouvernement à Canberra qui hésiterait à déclarer lui aussi la guerre.

Un autre centre de réflexion, le Centre pour une nouvelle sécurité américaine (an anglais, CNAS), a dédié tout un rapport, en octobre, à la question de «construire une présence militaire américaine politiquement durable en Asie du Sud-est et en Australie». Il critique le manque d’intérêt envers «la tâche fondamentalement importante de s’assurer d’un soutien politique, sans lequel les objectifs de positionnement de l’armée américaine dans la région ne peuvent être atteints».

Très conscient de l’hostilité publique répandue envers des bases américaines dans la région, le rapport du CNAS met de l’avant une stratégie qui «vise le développement d’un argumentaire positif pour une présence militaire américaine accrue tout en proposant des politiques qui protègent cette présence contre une contestation politique potentielle».

L’administration Obama a déjà largement dépassé les propositions plutôt modestes du CNAS, qui sont conçues pour déguiser les préparatifs militaires américains en Asie et pour neutraliser l’opposition politique. Lors des quatre dernières années, il a orchestré ce que l’ancienne secrétaire d’État, Hillary Clinton, avait nommé en novembre 2010 la «diplomatie déployée vers l’avant» qui implique d’envoyer «nos actifs… dans chaque coin et chaque capitale de la région Asie-pacifique».

Les deux piliers du «tournant vers l’Asie» de l’administration Obama – l’Australia et le Japon – ont reçu une attention particulière. En juin 2010, le premier ministre japonais, Yukio Hatoyama, et, quelques semaines plus tard, son homologue australien, Kevin Rudd, ont été mis à la porte avec l’approbation de Washington. Hatoyama et Rudd ont commis le même «crime» aux yeux d’Obama. Même s’ils étaient chacun engagés dans des alliances avec Washington, ils ont proposé des initiatives pour diminuer les tensions entre les États-Unis et la Chine au même moment où Obama augmentait la pression sur Beijing.

Dans le cas de l’Australie, des hommes d’influences clés du parti travailliste et des syndicats, qui sont plus tard apparus dans des câbles de Wikileaks en tant que «sources protégées» de l’ambassade américaine, ont orchestré un coup politique à l’intérieur du parti qui a remplacé, du jour au lendemain, Rudd par Julia Gillard. Celle-ci a immédiatement affiché sa loyauté envers Washington. L’importance centrale de l’Australie fut soulignée par la décision d’Obama d’annoncer formellement son «tournant» en novembre 2011 dans le parlement australien plutôt qu’à Washington, gracieuseté de Gillard.

Maintenant, alors qu’il est depuis à peine trois mois en poste, le gouvernement de coalition libéral-national a rapidement démontré son soutien à la stratégie belliqueuse de Washington contre la Chine. Lorsque la Chine a annoncé une zone d’identification aérienne (ADIZ) dans la mer de Chine orientale le mois dernier, la ministre des Affaires étrangères, Julie Bishop, s’est immédiatement jointe à Washington et à Tokyo pour condamner l’action. L’Australie aurait pu éviter de prendre parti, comme la Nouvelle-Zélande, mais Bishop a plutôt appelé l’ambassadeur chinois pour le sermonner.

L’éclatement soudain de tensions dans la mer de Chine orientale montre les dangers très réels d’un glissement vers la guerre auquel est exposée la classe ouvrière en Asie et internationalement. Mais, les travailleurs et les jeunes sont délibérément gardés dans le noir quant aux engagements du gouvernement australien face aux préparatifs avancés des États-Unis pour une guerre contre la Chine. Lors de la longue campagne électorale tenue cette année, les médias et l’establishment politique ont omis de mentionner, sans parler d’analyser, les discussions en cours dans les milieux stratégiques à Washington et Canberra.

La crise économique globale qui s’étend est en train d’attiser des tensions géopolitiques qui ressemblent, à en glacer le sang, aux tensions d’un siècle plus tôt. La tentative par l’impérialisme américain d’utiliser sa puissance militaire pour maintenir sa domination économique et stratégique en Asie et dans le monde est en train de précipiter un conflit qui éclipserait complètement la catastrophe de la Première Guerre mondiale. La seule façon d’arrêter cette descente vers la guerre est une lutte commune des travailleurs – en Australie, aux États-Unis, en Chine, en Asie et partout dans le monde – pour mettre un terme au capitalisme mondial et à son système dépassé d’États-nations sur la base d’une perspective socialiste et internationaliste.

Peter Symonds

Article original en anglais, WSWS



Articles Par : Peter Symonds

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