Le 1er mai, une journée de lutte pour les travailleurs et travailleuses immigrantEs: Des propositions contre le travail précaire

Pour nous, le 1er mai c’est une journée de lutte, parce que les travailleurs et travailleuses immigrantEs, nous, nous n’avons rien à célébrer. De notre côté, nous en profitons pour faire connaître nos revendications:

Ce document qui contient un bref diagnostic général du travail précaire ainsi que quelques  propositions d’organisation.

1.- Il faut commencer par souligner que la grosse majorité des lois du travail en vigueur, au niveau fédéral et provincial,  ont été faites pour favoriser le patronat. Dans un contexte où tous les acquis sociaux ont été mis en péril par l’administration Harper, la classe ouvrière a vu disparaître dans les faits ses droits fondamentaux comme celui de la grève.  Depuis notre humble point de vue, une réforme légale urgente doit être mise en place pour protéger les travailleurs et travailleuses des abus des patrons dans la province de Québec, et ce, en reconnaissant leur état de vulnérabilité face aux détenteurs du capital. Les travailleurs et travailleuses immigrant-e-s sont encore plus affecté-e-s puisqu’ils n’ont même pas accès aux droits de base. L’ensemble de la classe ouvrière, les natifs et les immigrant-e-s, doit lutter ensemble pour reprendre le terrain perdu et pour rattraper les droits qui nous ont été arrachés. Nous devons exiger la pleine reconnaissance de tous nos droits et de tous les instruments internationaux du droit du travail, en même temps que nous luttons pour leur application effective.

2. Depuis quelques années, peut-être même des décennies, nous assistons à une forte attaque contre les conditions de travail. Cela fait partie d’une tendance mondiale marquée par les politiques néolibérales et qui a été dirigée par les gouvernements et les patronats contre la classe ouvrière internationale. Ainsi, les méthodes de surexploitation ont été instrumentées pour réduire les acquis et les avantages de la classe ouvrière. La flexibilisation du travail a été imposée en convertissant la main-d’œuvre en une marchandise malléable et totalement assujettit aux caprices et aux besoins du capital. Il faut lutter contre ladite flexibilisation.

3. Dans le contexte général de la flexibilisation, le phénomène du travail précaire est un des effets les plus dramatiques. Dans une grosse majorité des cas, il se fait à travers des agences d’emploi qui s’inscrivent dans ce qui a été appelé l’outsourcing ou la tertiarisation du travail[1]. À travers cette forme de surexploitation de la main-d’œuvre, les patrons augmentent leurs richesses en ayant de la main-d’œuvread hoc, sans payer d’impôts, sans payer les avantages légaux, en économisant sur le personnel à la paye, etc.) et tout cela, au détriment des droits des travailleurs et travailleuses qui se font exploiter sans avoir un juste salaire, sans équipement ni mesures de sécurité, sans avoir un emploi stable, sans cotiser pour leur retrait, etc. À notre avis, la seule solution réaliste à cette problématique d’exploitation est l’interdiction totale de cette pratique qui élimine de facto les piliers du droit du travail (le droit d’association syndicale, de négociation directe avec le patron pour avoir une convention collective, et le droit de grève) en faveur du patronat.

4. Une telle interdiction permettrait à la classe ouvrière, surtout immigrante, d’avoir plein accès aux droits de base en matière du travail : droit à la syndicalisation (article 3 du Code du travail), avantages sociaux (paiement d’heures supplémentaires, de vacances, cotisations au REER, salaires compétitifs sans les coupures des agences, accès aux indemnisations et aux assurances dans les cas d’accidents de travail, etc.).

Les revenues des agences d’emploi se calculent à près d’un milliard de dollars par année, mais leurs activités constituent une fraude pour beaucoup de travailleurs et travailleuses qui les voient disparaître du jour au lendemain sans qu’ils et qu’elles puissent recevoir le salaire qui leur ait dû. Dans beaucoup de cas, les employés touchent un salaire en dessous du salaire minimum pour les emplois les plus durs et les plus exigeants avec des horaires inhumains[2]. Mais ce que nous aimerons savoir est : Combien de profits font les entreprises qui bénéficient de cette main-d’œuvre? Nous supposons qu’il s’agit de beaucoup d’argent. En fait, la compétitivité et le succès de plusieurs secteurs industriels et commerciaux dépendent de ce qui est appelé le cheap labeur.

Il est absolument impossible que le gouvernement fédéral ne soit pas au courant de cette situation. Nous croyons que, malheureusement, il laisse passer cette situation (en acceptant tactiquement la perte d’une partie des impôts) pour avantager les entreprises. Pire encore, le gouvernement fédéral lance un discours selon lequel les immigrant-e-s se servent du travail au noir(monopolisé par les agences d’emploi) pour frauder le système canadien en recevant en même temps l’aide sociale. Cependant, c’est exactement l’inverse : les travailleurs et travailleuses immigrant-e-s sont forcé-e-s de travailler au noir pour combler leurs faibles revenues. Ils et elles sont les victimes de ce système qui est encouragé pour bénéficier les patrons.

La lumière doit se faire sur ce sujet. Tout le monde a vu le scandale de l’industrie de la construction où plus de 50% des heures travaillées n’ont pas été déclarées.  Cela a engendré une forte quantité d’argent qui a servi à financer illégalement par exemple le Parti libéral du Québec. Combien d’autres industries, entreprises et commerces sont immergés dans ce réseau de surexploitation de la main-d’œuvre immigrante?

5. La suppression des agences d’emploi doit être accompagnée de l’expropriation de leurs biens et de leurs capitaux, ainsi que de l’imposition d’amendes aux entreprises qui se sont servies d’elles. De cette façon, il existerait un fond pour commencer un programme de plein emploi. En effet, nous proposons une banque d’emplois publique où toutes les entreprises auraient l’obligation d’y embaucher la main-d’œuvre manquante et de lui donner la formation nécessaire.  Elle pourrait avoir des bureaux accessibles dans chaque arrondissement (en utilisant, par exemple, ceux des agences) et dirigés par les travailleurs et travailleuses et leurs syndicats.

6. Nous croyons indispensable, comme mesure de protection de l’emploi, d’établir l’expropriation (sans indemnisation) de toute entreprise qui menace de fermer (à cause d’un lock-out, d’un changement de domicile, de la syndicalisation des travailleurs, ou en argumentant la non-viabilité ou la baisse de revenus) ou qui licencie, pour ainsi mettre ces entreprises sous le contrôle de ses propres travailleurs et travailleuses[3].

7. À notre avis, la condition des travailleurs et travailleuses précaires est étroitement liée avec la condition et le statut migratoire. C’est pour cela que nous exigeons du gouvernement provincial l’élimination de la réquisition d’avoir un permis de travail pour permettre ainsi l’accès au travail digne avec tous les avantages légaux qui en découlent. Dans le cas de travailleurs et travailleuses temporaires, nous exigeons qu’ils aient plein accès aux mêmes droits que le reste des travailleurs et travailleuses du Canada (tel que la syndicalisation), que la temporalité du permis soit éliminée et qu’ils puissent accéder à la résidence permanente ainsi qu’avoir la possibilité de pouvoir changer de travail.

En même temps, nous exigeons un programme urgent de régularisation pour tous et toutes les immigrant-e-s, et qui débute par l’arrêt immédiat des déportations. Nous croyons que c’est la seule façon de garantir et de sauvegarder l’intégrité physique, la vie et les droits fondamentaux de notre communauté et de toutes les communautés immigrantes.

8.Évidemment, nous croyons que toute demande en faveur des travailleurs et travailleuses précaires doit être accompagnée par des mesures minimes d’égalité sociale, telles que : a) la restitution des montants coupés aux avantages sociaux, tels que l’assurance emploi, l’aide sociale et le budget aux garderies; b) l’établissement des mesures comme l’élimination du billet santé; la non-hausse des droits de scolarité avec une augmentation du financement de l’éducation; la non-hausse des tarifs des services publics; ainsi que la taxation progressive des plus riches et des grandes compagnies (comme les banques et les minières) pour les réinvestir dans les programmes sociaux. Aussi, il faut instaurer une échelle mobile des heures de travail (la répartition des emplois disponibles entre tous les travailleurs et toutes les travailleuses disponibles, comme cela a été fait en Gaspésie) (Le Devoir, 26/04/2013) et des salaires (avec une augmentation urgente du salaire minimum suivi des augmentations automatiques en accord avec la montée des prix de consommation).  Il faut ainsi mettre en place une législation qui interdise les lockouts[4].

9. À notre avis, un grand pas en avant serait celui de syndicaliser la main-d’œuvre précaire, majoritairement immigrante. Nous pouvons commencer une grande campagne de syndicalisation en demandant qu’elle soit patronnée par la CSN, par exemple. Nous sommes convaincus qu’une telle campagne pourrait arriver à tous les coins de la province et susciter le plus grand enthousiasme entre les ouvriers et ouvrières précaires, qui sûrement pourront vaincre les barrières de la peur en constatant qu’une grande organisation les appuie. Cela pourrait créer de nouveaux rapports de force avec le patronat et les gouvernements qui vont dorénavant devoir écouter la voix de ceux et de celles qui ne l’ont jamais eu.

10. En tant qu’immigrants et immigrantes provenant d’un pays en développement (comme il est désigné de manière euphémique), nous avons compris qu’une partie des avantages sociaux du premier monde sont le résultat de l’exploitation des pays pauvres et de leurs classes travailleuses. C’est pour cela qu’une justice complète doit protéger les droits des travailleurs et travailleuses d’ailleurs, en empêchant les entreprises canadiennes (telles que les compagnies minières en Amérique Latine ou les entreprises textiles au Bangladesh) d’y surexploiter la main-d’œuvre locale à travers, entre autres, l’instauration d’exploitations minières ou de grandes usines de production textile.

L’augmentation de l’imposition fiscale aux grandes entreprises est une mesure élémentaire de justice et d’équité pour faire que ceux qui ont plus de richesse payent plus. Mais, il faut considérer en même temps que les profits des entreprises qui opèrent dans les pays pauvres sont basés sur la surexploitation de leurs travailleurs et travailleuses. C’est pourquoi nous demandons que les entreprises soient obligées légalement à donner les mêmes salaires et les mêmes conditions de travail qu’ici.



Articles Par : Dignidad Migrante

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