Le bitcoin atteint plus de 50 000 dollars à Wall Street

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Presque chaque jour, des chiffres révèlent l’ampleur de la spéculation à Wall Street, alimentée par les billions de dollars injectés dans les marchés financiers par la Réserve fédérale.

Mardi dernier, la cryptomonnaie bitcoin a franchi pour la première fois la barre des 50.000 dollars ; il avait doublé de valeur au cours des deux derniers mois. Depuis le début de l’année, sa cote sur les marchés financiers a augmenté de 74 pour cent. La hausse s’est poursuivie hier lorsque le bitcoin a atteint près de 52.000 dollars.

Depuis le début de l’année, Wall Street fini régulièrement ses journées sur des niveaux records. Le Dow Jones a atteint un autre record hier, le troisième en cinq jours. Et cela, malgré les avertissements de plus en plus nombreux, provenant pour certains des sociétés financières, selon lesquelles le marché est devenu une bulle dangereuse.

La dernière flambée des bitcoins a été déclenchée par l’annonce du chef de Tesla, Elon Musk, au début du mois, que la société investissait 1,5 milliard de dollars dans cette cryptomonnaie et l’accepterait comme paiement pour certaines transactions.

La cryptomonnaie bitcoin(Source: Wikimedia Commons)

 

Mais Musk n’est pas le seul à se joindre à cette frénésie. En février, la «Bank of New York Mellon» a annoncé qu’elle allait commencer à traiter les bitcoins comme n’importe quel autre actif financier. Mastercard a déclaré qu’elle allait intégrer les bitcoins dans son système de paiement cette année. Les investisseurs milliardaires Paul Tudor Jones et Stanley Druckenmiller ont également commencé à spéculer sur le bitcoin.

Ces initiatives vont à l’encontre de l’opinion générale que le bitcoin, qui n’est pas un actif physique et est créé électroniquement, n’a aucune valeur intrinsèque ni aucune chance de devenir une composante à part entière du système monétaire international comme le prétendent ses promoteurs.

Mais alors que son prix continue d’augmenter, même avec de violentes baisses, il y a de gros profits à faire et c’est ce qui attire certains des gros opérateurs d’instituts financiers et de fonds spéculatifs.

La manie de la spéculation sur les bitcoins n’est que l’exemple le plus flagrant de ce qui se passe dans l’ensemble du système financier.

En raison du flux d’argent en provenance de la Réserve fédérale – qui s’est accéléré après le gel des marchés financiers en mars dernier et se poursuit au rythme de 1.400 milliards de dollars par an – et l’engagement de maintenir son taux d’intérêt de base pratiquement à zéro dans un avenir prévisible, des financements sont facilement disponibles pour les obligations de pacotille de qualité inférieure.

L’année dernière, un nombre record d’entreprises ont été notées triple C, l’une des plus basses notations, et presque le double en 2019.

Mais elles n’ont pas été privées de fonds. L’argent a afflué. Selon un rapport publié la semaine dernière dans le Financial Times (FT), plus de 15 cents par dollar sur le marché des obligations à haut rendement ou à haut risque (obligations de pacotille) sont allés depuis le début de l’année à des entreprises notées triples C ou moins.

«Cela représente la part la plus élevée d’opérations depuis la veille de la crise financière, lorsque des normes de prêt peu contraignantes ont déclenché une course aux emprunts de trésorerie de la part des entreprises les plus faibles. La frénésie de collecte de fonds par les entreprises qui présentent un risque de défaillance des plus élevés, met en évidence la situation surchauffée des marchés financiers mondiaux», note le FT.

Oleg Melentyev, analyste de la Bank of America, a déclaré à ce journal: «L’année dernière, ce sont les entreprises les plus solides qui ont réagi à des événements sans précédent en consolidant leurs bilans au cas où elles auraient besoin de liquidités. Aujourd’hui, nous sommes au bas de l’échelle, les émetteurs les plus faibles et les plus fragiles étant enfin en mesure de se financer sur ce marché».

Ce processus est le résultat direct des interventions de la Réserve fédérale. Ses mesures de relance ont fait baisser les taux d’intérêt des obligations d’État et des obligations d’entreprises de qualité. Cela a poussé les investisseurs à se tourner vers des secteurs plus risqués du marché où les rendements sont plus élevés.

Les entreprises dont les obligations sont notées en dessous de la qualité d’investissement ont pu lever des fonds à moins de trois pour cent. Celles-ci comprennent la compagnie d’assurance maladie Centene, le constructeur de maisons MDC, T-Mobile et cette semaine, Ford.

L’ampleur du passage aux obligations de pacotille est indiquée par le fait qu’au début de 2019, le taux des obligations du Trésor américain, considéré comme l’un des investissements les plus sûrs au monde, était de 3 pour cent.

Le co-fondateur de Concise Capital Management, Tom Krasner, a fait ce commentaire: «Dans notre esprit, un rendement de 3 pour cent est tout simplement ridicule. Nous n’aurions jamais imaginé de toute notre carrière acheter des choses à un rendement de 3 pour cent».

Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a déclaré que la montée en flèche de Wall Street et la spéculation effrénée ne sont pas dues à la politique de la Réserve fédérale. Selon lui, d’autres facteurs étaient à l’œuvre.

Mais cette fiction a été réfutée par ceux directement impliqués dans les marchés financiers.

Marty Fridson, le directeur des investissements chez Lehmann Livian Fridson Advisors, a déclaré que tout était du à l’intervention de la Réserve fédérale. «Cela donne aux investisseurs le sentiment qu’ils peuvent acheter en toute impunité. La Réserve fédérale met effectivement un plancher sous les prix de tout ce qu’ils achètent en ce moment.»

Et rien n’indique que la Réserve fédérale va changer de cap suite à ses interventions massives sur le marché, malgré les avertissements qu’elle était en train de créer une dangereuse bulle financière.

Le compte-rendu de sa réunion de janvier, publié hier, révèle que son organe directeur a estimé que les risques posés par une inflation modérée étaient plus importants que le danger d’une hausse des prix.

Selon le compte-rendu officiel, «les participants ont souligné qu’il était important de faire abstraction des facteurs temporaires qui influencent l’inflation… pour juger si l’inflation était sur la bonne voie pour dépasser modérément 2 pour cent pendant un certain temps».

C’est l’assurance pour Wall Street et les marchés financiers que même si l’inflation monte en flèche, peut-être à cause du plan de relance de presque deux mille milliards de dollars proposé par le gouvernement Biden, la Réserve fédérale ne réagira pas en resserrant sa politique monétaire.

L’opinion de certaines sections de l’establishment politique, médiatique et financier du Parti démocrate est que le plan de relance ne présente aucun danger pour ce qui est de l’inflation. Résumant ces points de vue, Binyamin Applebaum, membre du comité de rédaction du New York Times, a écrit dans un article cette semaine: «L’audace du gouvernement Biden et de la Réserve fédérale montre que de nombreux membres du gouvernement comprennent la nécessité de ne plus mener le combat de la dernière guerre. Nous ne sommes plus dans les années 70».

Mais l’ensemble du plan dépend de la poursuite de politiques sans précédent dans l’histoire. Les mesures de relance ne sont pas financées par des intrusions dans les bénéfices des entreprises ou des impôts sur les super-riches, mais presque exclusivement par la création de nouvelles dettes.

L’augmentation de l’offre d’obligations d’État tend cependant à faire baisser leur prix et à augmenter leur rendement ou leur taux d’intérêt (les deux ont une relation inverse) – une tendance qui a déjà commencé à apparaître avec la hausse progressive du taux des obligations du Trésor de 10 ans à environ 1,3 pour cent, alors qu’il était à son plus bas niveau (moins de 1 pour cent) l’an dernier. On a noté que seule une hausse relativement faible des taux pourrait déclencher un effondrement de ce château de cartes financier.

La pression à la hausse sur les taux d’intérêt résultant de l’augmentation de la dette publique signifie que la Réserve fédérale doit intervenir sur le marché pour acheter plus d’obligations et maintenir les taux d’intérêt à un niveau bas, alimentant ainsi davantage la spéculation boursière.

Nick Beams

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 18 février 2021



Articles Par : Nick Beams

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