Le CADTM soutient l’Argentine contre les créanciers prédateurs et l’encourage à quitter le tribunal de la Banque mondiale

L’Argentine est la cible de plusieurs fonds vautours dont le plus connu est NML Capital, filiale d’Elliott Management enregistrée dans les îles Caïman. Après avoir saisi une frégate argentine au Ghana, ce fonds d’investissement spéculatif vient de gagner son procès devant un tribunal new-yorkais qui condamne l’Argentine à lui payer la totalité de sa dette, pourtant largement illégitime.

NML Capital a profité du chaos au début des années 2000, où 20 millions d’Argentin-e-s vivaient sous le seuil de pauvreté, pour mettre en place la stratégie emblématique des fonds vautours : d’abord, il rachète avec une grosse décote des créances de l’Etat argentin émises en 1994 (les « bons globaux ») jugées irrécouvrables, avec l’intention manifeste de spéculer, puis il refuse de participer aux deux échanges de bons en 2005 et 2010. Enfin, il poursuit l’Etat devant plusieurs juridictions particulièrement protectrices des droits des créanciers afin de le contraindre à rembourser la dette au prix fort. Ce qui correspond généralement au montant initial des dettes, augmentées d’intérêts, de pénalités et de divers frais de justice. Soulignons que NML Capital n’en est pas à son coup d’essai. Déjà en 1999, il obtenait, par un jugement de la Cour d’appel de New York, le versement par le Pérou de 58 millions de dollars pour une dette que le fonds avait rachetée seulement 11 millions de dollars.

Ce dernier jugement contre l’Argentine est une nouvelle preuve que la stratégie immorale des fonds vautours fonctionne devant les tribunaux sauf que cette fois, le gouvernement argentin refuse de payer. Le CADTM soutient cette décision souveraine de l’Argentine de ne pas rembourser NML Capital et l’encourage à tenir tête aux autres créanciers prédateurs dont font partie les Etats membres du Club de Paris.

En effet, une grande partie de la dette argentine est illégitime. Dans un célèbre jugement (la « sentence Olmos ») du 13 juillet 2000, la Cour suprême argentine déclarait la nullité de cette dette qui a gonflé pendant la dictature (1976-1983) et a poursuivi sa croissance lors des gouvernements civils de Raúl Alfonsin et plus encore de Carlos Menem. La justice argentine avait dénombré pas moins de 477 délits dans la formation de cette dette |1|. L’Argentine serait donc en droit de répudier toute sa dette illégitime.

Pour se protéger des ripostes judiciaires de ses créanciers et recouvrer sa souveraineté, le CADTM encourage l’Argentine à quitter immédiatement le tribunal de la Banque mondiale : le CIRDI (Centre international de règlement des différends liés à l’investissement). En effet, ce tribunal partial, qui ne tient pas compte des droits humains, est l’outil juridique préféré des « investisseurs » privés contre les Etats. L’Argentine est le pays le plus attaqué devant le CIRDI avec 51 plaintes contre elle. Ce tribunal l’a déjà condamnée à payer 912 millions de dollars : ce qui équivaut aux salaires annuels de 75 000 médecins dans l’hôpital public. Les procès en cours pourraient encore lui faire perdre 20 milliards de dollars soit 6 fois le budget de la santé et 3 fois celui de l’éducation.

Refuser de se soumettre aux tribunaux étrangers, comme celui de la Banque mondiale, dont les décisions vont à l’encontre des droits humains et de la souveraineté des peuples, est tout à fait possible. C’est une question de volonté politique. La Bolivie, l’Equateur et tout récemment le Venezuela l’ont démontré en se retirant du CIRDI.

Contact : Renaud Vivien, juriste au CADTM, 0032 (0) 497 04 79 99

 

Notes

|1| Lire la sentence Olmos sur http://cadtm.org/Deuda-externa-de-la-Argentina



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