Le Canada ouvre la porte aux policiers américains
Photo: AFP/Joe Raedle
Un garde-côte américain
Des policiers de la Garde côtière américaine détiennent depuis quelques semaines des pouvoirs temporaires d’agent de la paix et peuvent donc interpeller et arrêter des Canadiens sur le territoire canadien.
Des pouvoirs leur ont été conférés dans le cadre du projet-pilote Shiprider, qui se déroule sur la voie maritime du Saint-Laurent, entre Cornwall et Valleyfield, de même qu’en Colombie-Britannique.
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) explique que ces policiers américains sont supervisés par le Canada et indique que certains de ses propres agents détiennent les mêmes pouvoirs d’intervention sur une partie des eaux territoriales des États-Unis.
Selon un porte-parole de la GRC, le caporal Luc Bessette, le projet-pilote Shiprider a pour objectif de permettre aux policiers des deux pays d’obtenir des renseignements et de mener des opérations contre des trafiquants de drogues, des passeurs et des contrebandiers de cigarettes.
Les deux corps de police, dit-il, veulent « perturber la criminalité frontalière des deux côtés de la voie maritime environ à 100 km de chaque côté ». On ne sait pas quand le projet-pilote prendra fin et si la coopération policière deviendra permanente.
Au terme du Sommet de Montebello, tenu à la fin d’août dans le cadre du Partenariat pour la prospérité et la sécurité, le premier ministre canadien Stephen Harper et le président américain George W. Bush avaient demandé à leurs ministres de « rechercher de nouveaux modèles innovateurs et interopérables d’application de la loi qui soient conformes à nos lois respectives et qui favorisent des opérations frontalières intégrées, telles les opérations de sûreté maritime internationale Canada-États-Unis, afin de mieux protéger nos citoyens contre les menaces criminelles et terroristes ».
Citoyens non informés
Un citoyen canadien qui s’est fait interpeller à la marina de Saint-Anicet au début du mois, Harold Leclerc, raconte avoir été surpris d’être interpellé par un garde-côte américain, armé et portant une veste pare-balles, qu’il tentait de photographier. « Il me regarde de façon très sévère et me demande en anglais pourquoi je prends des photos », relate-t-il.
M. Leclerc affirme n’avoir répondu qu’au moment où un des agents de la GRC accompagnant la Garde côtière américaine est intervenu. Il lui a dit qu’il s’interrogeait sur la présence de policiers américains en sol canadien et n’a pas caché qu’il était choqué d’être interpellé par un agent américain au Canada.
Un professeur de droit international à l’Université de Montréal, François Crépeau, voit d’un bon oeil cette coopération policière, à condition que les garde-côtes américains n’agissent pas en cowboys. « Là où ça pourrait nous inquiéter, c’est si on se rendait compte que le cadre juridique est mal défini, que les policiers américains agissent sans respect d’un certain contrôle par la GRC. […] Là, on aurait un problème! »
Un premier projet-pilote en 2005
Un premier projet-pilote Shiprider a eu lieu il y a exactement deux ans sur les voies navigables de la région de Windsor-Detroit. Le projet, qui consistait déjà à mener des opérations conjointes d’application de la loi dans les eaux intérieures canadiennes et américaines, avait duré deux semaines.
La GRC indiquait alors que les policiers de la garde côtière américaine à bord des navires agissaient à titre d’agents de la paix et qu’ils étaient « à la disposition des agents de la GRC pour les aider pendant les activités d’application de la loi, en cas de besoin, et seulement à la demande des ces derniers ».