Le canal Mer Morte-Mer Rouge

L’accord sur le canal qui reliera les deux mers a été résumé au mieux par le ministre israélien de l’Eau, Silvan Shalam, qui l’a décrit avec jubilation le 9 décembre dernier, à la cérémonie de signature au quartier général de la Banque Mondiale, comme « un accord historique qui réalise … le rêve de Herzl * ».

Le canal est un triomphe stratégique de plus pour la diplomatie calculatrice d’Israël, même depuis que le canal a été réduit à environ un dixième de sa taille originale en raison de sérieuses objections économiques et environnementales soulevées par la Banque Mondiale.

Le projet visionnaire des sionistes a été redoré et parrainé par la Jordanie comme étant LA solution pour sauver la Mer Morte ** et construire une usine de dessalement qui fournira à Israël et à la Jordanie respectivement une centaine de millions de m3 d’eau douce par an.

Selon les environnementalistes israéliens et internationaux, c’est la politique israélienne de pompage excessif dans le Lac de Tibériade et dans les eaux du fleuve Jourdain – pour desservir les seules colonies juives – qui est la cause principale de la perte annuelle de presque 30 % de la masse de la Mer Morte ce dernier demi-siècle.

La vision reconditionnée de Herzl comporte des articles qui garantissent à Israël l’exclusivité des droits sur l’eau du Lac de Tibériade et du Jourdain, eau qui était censée être partagée. Car l’accord tripartite permet à Israël de transférer près de 49 millions de m3 d’eau fraîche de ces deux sites à la Jordanie et de vendre à l’état de Palestine 30 millions de m3 d’eau potable … à un tarif préférentiel.

 

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Le futur canal de la Mer Morte (Guardian)

Le comble du cynisme pour la Palestine est d’acheter de l’eau à Israël – attention : avec ristourne spéciale ! – pendant qu’Israël continue d’accaparer les aquifères de Cisjordanie au bénéfice exclusif des colonies juives illégales.

Ajoutant aux préoccupations politiques, les écologistes ont mis en garde sur le fait qu’introduire de l’eau de la Mer Rouge, qui a une composition chimique différente, amène quantité de nouveaux organismes photosynthétiques invasifs qui pourraient avoir des conséquences négatives graves et affecter l’écosystème tout à fait unique de la Mer Morte. ***

Au lieu de chercher à résoudre la dégradation environnementale de la Mer Morte, les écologistes israéliens et internationaux suggèrent une alternative « la réhabilitation du Jourdain dans son état naturel est une meilleure solution au déclin de la Mer Morte que le canal proposé ».

Alors qu’il recevra environ la moitié de l’eau pompée, le pipeline de 180 km qui enverra l’eau saumâtre dans la Mer Morte passera uniquement en territoire jordanien pour circonvenir les objections des groupes écologistes israéliens.

Faute de surveillance environnementale, une rupture qui se produirait dans le pipeline d’eau saumâtre – dans cette région dont on connaît l’activité sismique – causerait des dégâts irréparables à la réserve d’eau essentielle qu’est la nappe phréatique jordanienne de la vallée désertique du Wadi Araba.

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Les montagnes se refètent à la surface de la Mer Morte près de En Gedi, Israel. (Oliver Weiken/EPA)

Etant la seule partie bénéficiant d’un retour positif sans les risques potentiels, Israël voit dans cet accord un filet de sécurité pour échapper à toute responsabilité en cas de désastre environnemental pour la Mer Morte, tout en réalisant une ancienne vision stratégique sioniste par l’ajout d’un cours d’eau naturel sur ses frontières orientales.

Economiquement, ce projet confère aux entreprises israélienne de l’eau une position unique pour gagner un maximum en construisant la voie d’eau, l’usine de dessalement et les centrales d’énergie associées.

Pour sa part, la Jordanie encourt le plus grand risque à long terme, car une défaillance dans le système du canal entraînerait un désastre irréparable à la fois pour l’agriculture et pour l’écosystème de la Vallée du Jourdain.

En achetant l’eau israélienne, la Palestine sanctionne la spoliation israélienne de ses nappes aquifères en Cisjordanie, tout en permettant à Israël de continuer à siphonner la seule ressource vitale pour la Mer Morte.

Jamal Kanj

 

* [fondateur du sionisme moderne]
** [asséchée en raison du sur-pompage des eaux du Jourdain et du grand nombre de bassins d’évaporation de l’usine de potasse appartenant au groupe Israël Chimicals]
***[formation des cristaux de gypse et éclosions d’algues rouges notamment].

 

 

Article original : http://www.gulf-daily-news.com/News…  31 décembre 2013

Traduction : Info-Palestine.eu – AMM

 

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Jamal Kanj (http://www.jamalkanj.com) Installé au Bahrein, il écrit régulièrement sur les questions touchant au monde arabe et est l’auteur de « Les enfants de la Catastrophe, » journal d’un voyage depuis un camp de réfugiés palestiniens jusqu’en Amérique.

 

 

 



Articles Par : Jamal Kanj

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