Le “canular des droits de douane” de Trump pour se “découpler” de la Chine
Ces mises en scène factices, qui frisent le terrorisme économique, font partie du répertoire de l'Oncle Sam, qui les utilise pour mater ses opposants et maintenir la fragile emprise de Washington.

L’extravagance tarifaire de Trump n’a jamais été motivée par les déficits commerciaux, la réindustrialisation ou la relocalisation des emplois en Amérique. Elle a toujours été motivée par la Chine. Maintenant que Trump a soit assoupli, soit levé les droits de douane sur 90 autres pays, nous pouvons voir ce qui se passe réellement. Trump recourt à un “écran de fumée tarifaire”pour mettre en œuvre sa politique de désengagement, une stratégie conçue pour isoler, circonscrire et finalement briser la République populaire de Chine. C’est le motif qui sous-tend cette politique. Les droits de douane n’étaient rien d’autre qu’un moyen d’arriver à ses fins. Voici un extrait de CNN:
“Le président Donald Trump a annoncé la suspension complète pendant trois mois de tous les droits de douane “de réciprocité” entrée en vigueur à minuit, à l’exception de ceux appliqués à la Chine, un revirement étonnant de la part d’un président qui a toujours insisté sur le fait que les droits de douane historiquement élevés sont là pour le rester.
“Mais des droits de douane exorbitants resteront en vigueur pour la Chine, la deuxième économie mondiale. En fait, Trump a déclaré qu’ils vont passer de 104 % à 125 % après que la Chine a annoncé mercredi des droits de douane compensatoires supplémentaires contre les États-Unis. Tous les pays qui étaient soumis à des droits de douane réciproques mercredi verront leurs droits de douane revenir au taux universel de 10 %, a-t-il déclaré.
“‘Compte tenu de l’irrespect dont la Chine a fait preuve à l’égard des marchés mondiaux, j’augmente par la présente le tarif douanier appliqué à la Chine par les États-Unis d’Amérique à 125 %, avec effet immédiat’, a déclaré Trump dans son message sur les réseaux sociaux. ‘Espérons qu’à l’avenir, la Chine se rendra compte que les jours où elle escroquait les États-Unis et d’autres pays sont révolus’, a-t-il écrit”. Trump annonce une pause de 90 jours sur les tarifs « réciproques », à l’exception de la Chine, CNN.
L’“irrespect” de la Chine ? Trump définit donc la politique commerciale américaine en se basant sur des susceptibilités ?
Ce n’est tout simplement pas crédible. Il y a autre chose.
La Chine est prise pour cible parce que son ascension fulgurante et sa croissance explosive font d’elle une menace pour l’hégémonie mondiale des États-Unis. Voilà pourquoi la Chine est dans le collimateur de Washington. En imposant des droits de douane prohibitifs de 125 % sur les exportations chinoises, Trump indique que l’ère des marchés intégrés dans un système mondialisé est révolue. Le monde est en train d’être redivisé en blocs rivaux par les riches capitalistes occidentaux qui ne peuvent rivaliser avec le modèle chinois mené par le gouvernement, qui contrôle les industries nationales stratégiques et réinvestit les profits massifs dans les infrastructures vitales, l’éducation, la recherche et le développement, et la technologie. Le modèle hautement financiarisé de l’Occident, qui dépend de plus en plus de l’écrémage des obligations toxiques et des rachats d’actions, ne peut se transformer en une puissance manufacturière capable de rivaliser à armes égales avec la Chine. Au lieu de cela, il doit utiliser son influence déclinante pour bousculer le système par un feu d’artifice inattendu (les droits de douane) qui provoque une onde de choc dans l’ensemble du système et sème la panique sur les marchés. Ces mises en scène factices, qui frisent le terrorisme économique, font partie du répertoire de l’Oncle Sam, qui les utilise pour mater ses opposants et maintenir son emprise fragile à Washington.
Mais sont-elles efficaces ?
Trump semble le penser. Le voici avec ses amis milliardaires discutant du “massacre” provoqué par l’assouplissement des droits de douane et l’envolée des marchés.
Cette arnaque aurait dû nous sauter aux yeux dès le départ. Après tout, si Trump voulait vraiment relocaliser les emplois aux États-Unis, n’aurait-il pas convoqué un groupe d’experts et d’économistes de haut niveau pour élaborer une politique industrielle offrant une feuille de route ? N’aurait-il pas examiné la faisabilité d’une réindustrialisation dans un pays qui a déjà fermé la plupart de ses usines et qui ne dispose plus d’une main-d’œuvre qualifiée pour les emplois qui sont sur le point d’être créés ? Et n’aurait-il pas sollicité le soutien de riches capitalistes capables de réaliser les investissements à long terme nécessaires à un projet industriel de cette ampleur ?
Bien sûr que si. Mais il n’a rien fait de tout cela, car il n’était sérieux sur aucun de ces points. Toute cette histoire de droits de douane n’était qu’un tour de passe-passe, destiné à créer un prétexte pour attaquer la Chine. Voilà pourquoi il a été si facile pour Trump de mettre fin à la mascarade d’un simple revers de main, comme si de rien n’était. Parce qu’il ne s’était rien passé. Tout cela n’était qu’un show tape-à-l’œil, sans aucune substance réelle.
Et personne ne défend aussi bien mon point de vue selon lequel “tout cela ne concernait que la Chine” que le bras droit de Trump, le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. Regardez cette vidéo de Mnuchin se vantant d’avoir dupé la Chine via @BehizyTweets
“Le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, vient de révéler que le président Trump a tendu un piège et que la Chine est tombée dedans. ‘C’était la stratégie du président… On pourrait même dire qu’il a mis la Chine en mauvaise posture. Ils ont réagi. Ils ont montré au monde entier leur mauvaise foi, alors nous sommes prêts à coopérer avec nos alliés et ceux de nos partenaires commerciaux qui n’ont pas riposté’. ‘Ce n’était pas un message difficile à comprendre. Ne ripostez pas. Tout se passera bien’. La Chine a vraiment fait une grosse erreur”.
Evidemment, Bessent est ravi que lui et Trump aient pu “jouer un sale tour” à la Chine. Bessent pense que c’est une politique judicieuse. Et, bien sûr, le peuple américain, qui pour la plupart se méfie déjà de la Chine, semble d’accord. “La Chine nous arnaque”, dit le président du pays dont le compte bancaire est à découvert de 36 000 milliards de dollars et dont la population vit de “la générosité des étrangers”. “La Chine nous vole nos emplois”, disent les chefs d’entreprise qui ont délocalisé leurs entreprises et leurs usines et les ont expédiées en Chine pour profiter de la main-d’œuvre bon marché et de la sécurité gratuite. Mais maintenant, la Chine doit être mise à genoux pour avoir osé concurrencer “ses supérieurs” aux États-Unis. Maintenant, la Chine doit être “mise au pas”.
N’est-ce pas ce qui se passe réellement ? (Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes) N’est-ce donc pas une question de revanche ?
En effet, c’est le cas. La Chine a dépassé les États-Unis en tant que capitale mondiale du secteur manufacturier grâce au renseignement, au travail acharné, à l’ingéniosité et à un excellent modèle organisationnel (les bénéfices sont réinvestis dans l’activité productive) résultant d’une bonne gouvernance. C’est pourquoi la Chine a rapidement dépassé les États-Unis dans les domaines de la science, de la technologie, de l’intelligence artificielle, de l’informatique quantique, de la robotique et dans presque tous les autres domaines. Parce qu’ils sont gouvernés par des dirigeants qui aspirent à créer une civilisation dans laquelle les individus et la communauté réalisent leur plein potentiel. Voilà pourquoi le pays tout entier est sillonné de lignes de trains à grande vitesse reliant des villes ultramodernes et prospères, dans une vision de la modernité du XXIe siècle sans égale dans le monde d’aujourd’hui. Quoi que l’on puisse penser de la Chine, force est d’admettre sa civilisation et sa société sont sur la bonne voie, tandis que les États-Unis, en déclin, minés par la pauvreté et profondément clivés, sont en pleine déliquescence.
Quoi qu’il en soit, le succès de la Chine suscite bien des envies parmi les élites occidentales, qui sont désormais déterminées à tout mettre en œuvre pour revenir à l’époque d’après-guerre, lorsque l’économie mondiale était à leur portée et que “l’ordre fondé sur des règles” constituait la seule option possible. L’objectif est de “contenir la croissance de la Chine”, ce qui revient à saboter son développement à chaque occasion. Cette stratégie particulière porte même un nom. Il s’agit du “découplage”, qui désigne le processus par lequel les États-Unis (et d’autres pays occidentaux) réduisent leur interdépendance économique, technologique et financière vis-à-vis de la Chine. En d’autres termes, les élites occidentales veulent mettre fin autant que possible au commerce avec la Chine, ce qui se traduira par l’isolement, l’encerclement et, à terme, un changement de régime. Cela vous semble familier ?
L’astuce consiste à faire croire que le “découplage” (l’isolement économique) est imposé aux États-Unis, voilà pourquoi Trump ne cesse de répéter la phrase absurde : “La Chine nous arnaque”.
Juste pour clarifier ce point : la Chine fournit aux consommateurs américains des marchandises de qualité qui nécessitent des ressources et des usines coûteuses ainsi que des investissements, en échange de billets verts de plus en plus dévalorisés. Quel choix feriez-vous ?
Prenez une minute de votre temps et regardez cette courte vidéo avec l’économiste Larry Summers qui explique que la Chine ne trompe personne en produisant des biens bon marché qu’elle est prête à échanger contre des dollars américains.
Lawrence Summers :
“Si la Chine veut nous vendre des choses à des tarifs vraiment bas et que la transaction consiste à obtenir des capteurs solaires ou des batteries que nous pouvons installer dans des voitures électriques et que nous leur envoyons des bouts de papier imprimés, pensez-vous que c’est une bonne ou une mauvaise affaire pour nous ?”
Qualifier cela de “tricherie”, comme le dit à juste titre Summers, devrait être catégoriquement rejeté. En fin de compte, qui est le plus “lésé” : la partie qui fait la part complexe du travail en produisant des biens à des prix très bas avec des marges très faibles, ou celle qui se contente d’imprimer une quantité pratiquement infinie de monnaie fiduciaire pour les payer ?
En bref, la “controverse sur les droits de douane” n’était qu’un moyen d’inaugurer la nouvelle politique (le découplage) visant à intensifier l’hostilité entre Washington et Pékin. C’est dans cette optique que j’ai posé la question suivante à Grok :
“Le président Trump soutient-il le découplage avec la Chine ?
“Oui, l’ancien président Donald Trump a été un fervent défenseur du découplage avec la Chine, tant durant sa présidence (2017-2021) que dans ses activités politiques ultérieures à partir d’avril 2025…
“Trump a déclenché une guerre commerciale avec la Chine en 2018 en imposant des droits de douane sur des milliards de dollars de marchandises chinoises… En 2018, les États-Unis ont imposé des droits de douane sur 50 milliards de dollars d’importations chinoises, suivis de droits de douane supplémentaires sur 200 milliards de dollars supplémentaires en 2019… Trump a présenté cette mesure comme une étape nécessaire pour se ‘découpler’ de l’économie chinoise.
“Trump a interdit aux entreprises américaines d’utiliser des équipements de géants chinois des télécommunications tels que Huawei et ZTE, invoquant des risques pour la sécurité nationale. Il a également fait pression pour que des restrictions soient imposées à TikTok et WeChat, arguant qu’elles constituent une menace pour la confidentialité des données et pourraient être utilisées à des fins d’espionnage… Il a encouragé ses alliés à exclure Huawei de leurs réseaux 5G, dans le cadre général du renforcement de la dépendance technologique vis-à-vis de la Chine…
“Durant sa campagne présidentielle de 2024, Trump a appelé à plusieurs reprises à des mesures encore plus sévères contre la Chine, notamment à des droits de douane plus élevés (proposant des taux allant jusqu’à 60 % sur tous les produits chinois) et à une refonte complète des relations commerciales. Dans un discours prononcé dans l’Ohio en mars 2024, il a déclaré : ‘Nous allons nous découpler de la Chine comme jamais auparavant. Ils nous ont arnaqués pendant des décennies, et il est temps d’y mettre fin’.
“Trump a fait valoir que le découplage protégerait les emplois américains, consoliderait l’économie et réduirait les risques pour la sécurité nationale. Dans un message de janvier 2025, il a écrit : ‘La Chine a abusé de nous pendant trop longtemps. Nous devons couper le cordon et tout construire ici, chez nous’.
“Cependant, à partir de 2025, son ton s’est durci, mettant moins l’accent sur la négociation et davantage sur la confrontation…
“Les messages postés sur X au début de l’année 2025 montrent que Trump durcit sa position anti-Chine, ses soutiens louant sa ‘fermeté’”… Grok
Trump est donc un grand partisan du découplage, c’est tout dire.
De plus, les politiques radicales de Trump envers la Chine sont présentées sous la bannière patriotique du “nationalisme économique”, comme si les travailleurs américains tiraient profit de la hausse des prix et de l’inflation galopante.Le fait est que les citoyens ordinaires vont grandement souffrir du découplage et voir leur niveau de vie chuter encore davantage. En effet, cette politique n’a pas pour but de créer des emplois, d’augmenter les salaires, d’améliorer les soins de santé ou de réduire le coût de l’éducation. Elle vise à préserver l’emprise de Washington sur le pouvoir mondial afin que les élites occidentales corrompues puissent semer davantage de discorde tout en acculant le pays à la dette et au désespoir. Voici d’autres informations via Grok :
“De nombreux économistes prévoient que ces droits de douane très élevés vont accélérer l’inflation et freiner la croissance économique américaine, entraînant une stagnation de la croissance économique alors même que les prix restent extrêmement élevés… De plus, il est peu probable que la Chine baisse ses droits de douane pour apaiser Trump. Au contraire, elle a riposté en imposant des droits de douane de 34 % sur les marchandises américaines. L’augmentation des droits de douane des deux pays va réduire le commerce bilatéral.
“Si la Chine peut survivre sans importer la plupart des 125 milliards de dollars de marchandises américaines, les États-Unis et de nombreux autres pays continueront à dépendre de la Chine pour l’importation de plusieurs éléments et composants. Même si les États-Unis importent des marchandises d’autres pays, ces pays dépendront toujours de la Chine pour les composants.
“Contradictions potentielles et conséquences économiques :
“Les droits de douane imposés par Trump risquent de provoquer une récession auto-infligée aux États-Unis. Ils pourraient également créer beaucoup de confusion et entraîner des conséquences inattendues… Il y a sept ans, la première vague de droits de douane imposée par Trump a fait grimper le coût des produits chinois de 20 %, mais les importations américaines en provenance de Chine ont continué d’augmenter…
“À l’avenir, même si les droits de douane sur les produits chinois atteignent 54 %, les États-Unis devront continuer à acheter en Chine. En revanche, les produits américains, tels que le soja ou le pétrole brut, sont très peu compétitifs en Chine. Les droits de douane de rétorsion imposés par la Chine aux États-Unis les obligeront à trouver d’autres marchés, entraînant des pertes pour les exportateurs américains de soja et de pétrole brut…” Grok
Qu’est-ce qui, dans l’extrait ci-dessus, ressemble à une “bonne affaire” pour le peuple américain ?
Rien. Tout est négatif. Et l’unique lueur d’espoir dans toute cette affaire désastreuse tient au fait que le peuple américain s’oppose à cette politique, car il sait qu’elle lui nuira. Jetez un œil à cette enquête du PEW :
“Tarifs douaniers sur la Chine
“Les tarifs douaniers sont un autre élément clé de la politique étrangère de Trump. L’augmentation des tarifs douaniers sur la Chine, notamment, suscite plus d’avis négatifs que positifs… Une majorité d’Américains pensent que l’augmentation des droits de douane sur la Chine sera néfaste pour les États-Unis, tandis qu’un quart environ estime qu’elle sera sans effet ou ne se prononce pas.
“L’impact potentiel des droits de douane sur les individus est également jugé négatif : les Américains sont environ cinq fois plus enclins à penser que l’augmentation des droits de douane sur la Chine sera dommageable pour eux plutôt que bénéfique.
“Les Républicains, plus que les Démocrates, sont prêts à dire que l’augmentation des droits de douane sur la Chine aura un impact positif sur les États-Unis et sur eux-mêmes. Cependant, concernant l’impact personnel de ces droits de douane, les Républicains pensent que l’impact sera plus négatif (30 %) que positif (17 %), même si une part importante exprime son incertitude ou s’attend à ce que les droits de douane aient un impact personnel limité”. Tariffs On China, PEW Research Center
Voilà qui montre qu’au moins une faible majorité d’Américains s’oppose au découplage, aux provocations et provocations incessantes, et à la guerre insensée de Trump contre la Chine. Espérons que cette majorité va s’accrocher.
Mike Whitney
Article original en anglais :
Trump Concocted the ‘Tariffs Hoax’ to ‘Decouple’ with China
L’article en anglais a été publié initialement sur le site The Unz Review.
Traduction : Spirit of Free Speech